A trop focaliser le débat sur les victimes, il ne faut pas perdre de vue qu'il y a aussi des bourreaux si l'on veut éviter les confusions – je pense, notamment, à ce qui est parfois dit des Tutsis du Rwanda.
M. Kaminski l'a rappelé : la transmission familiale fonctionne, certes, mais ce n'est pas toujours le cas. En la matière, il me semble donc que l'école mais également les médias doivent jouer un rôle essentiel. Il me paraît par ailleurs opportun de favoriser chez les élèves la promotion d'une « mémoire universelle » ou d'une « mémoire de masse » afin de développer une responsabilisation collective et une mobilisation en faveur des droits de l'homme. Qu'en est-il, en effet, de cette « post-mémoire », comme disent certains chercheurs, caractérisant des générations n'ayant absolument pas été touchées par les événements que nous évoquons ? La presse, elle, doit également contribuer à transmettre les mémoires et l'histoire. J'ai travaillé avec l'université Lyon II sur la façon dont les journaux ont traité des commémorations des dix ans du génocide des Tutsis : outre que ce fut très lacunaire, la presse ne fit aucune comparaison avec d'autres génocides. Les associations, quant à elles, doivent être bien entendu consultées mais il ne faut pas oublier que certaines sont plus influentes et puissantes que d'autres. Enfin, je rappelle que des historiens, mais aussi des sociologues, des ethnologues, des anthropologues et des psychologues sociaux oeuvrent également à la définition et à la préservation de différentes mémoires.