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Intervention de Patrick Lozès

Réunion du 16 septembre 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Patrick Lozès :

Si chaque groupe comporte des victimes, ne risque-t-on pas de nier celles des autres ? M. Vanneste, une fois n'est pas coutume, a raison : l'histoire n'est pas faite pour accuser ou excuser mais pour expliquer. Le devoir de mémoire, loin d'alimenter la volonté de revanche et le ressentiment, doit favoriser la réconciliation nationale. Par ailleurs, nul n'a envie d'être enfermé dans un statut victimaire.

La Shoah, quant à elle, constitue le paroxysme de l'élimination de l'homme par l'homme : non seulement ceux qui en disconviennent sont une infime minorité mais c'est une véritable abomination que de prétendre défendre les Noirs en s'en prenant aux Juifs. Les radicaux qui tiennent de tels discours, au fond, ont rejoint l'extrême droite.

Il est en outre tout à fait bienvenu d'enter le devoir de mémoire sur des événements glorieux : des esclaves se sont révoltés ; ils ont inventé une langue, une littérature, une culture ! Toussaint Louverture, Louis Delgrès ou les Nègres marrons sont des héros ! Je songe aussi, dans le même ordre d'idée, à la Société des amis des Noirs, à Condorcet, La Fayette ou Loménie de Brienne. La mémoire, de surcroît, n'est pas communautaire par essence : que dire des Falashas, ces Juifs noirs d'Éthiopie ? Nous sommes tous des Falashas victimes de haines ancestrales.

La transmission de la mémoire passe, de plus, par les initiatives officielles, certes, mais également par un lien fort avec les manifestations populaires. J'ai été choqué, lors des 10-mai successifs organisés en mémoire des victimes de l'esclavage, qu'il ne soit pas fait davantage appel à nos concitoyens. Les médias pourraient y concourir ! Le 10-mai, du reste, n'est pas réservé aux seuls Afro-caribéens pas plus que la Shoah ne concerne les seuls Juifs ou le génocide arménien les seuls Arméniens. Les pouvoirs publics, en matière de célébrations, doivent trouver un équilibre.

Sur un plan législatif, je note que les dernières incursions parlementaires dans le domaine mémoriel n'ont pas toujours été du meilleur aloi – je pense, notamment, à la loi du 23 février 2005 – même si toutes les lois mémorielles ne peuvent pas être mises sur le même plan : écrire que l'esclavage est un crime contre l'humanité, ce n'est pas du même ordre que de demander aux professeurs d'enseigner les supposés bienfaits de la présence française outre-mer. Par ailleurs, il ne faut pas confondre le rôle des historiens et celui des députés. Les associations, qui sont autant de sentinelles vigilantes, mériteraient d'être beaucoup plus consultées en amont des commémorations publiques. Ester en justice ne suffit pas ! On peut certes se trouver en désaccord avec M. Pétré-Grenouilleau mais il aurait été en l'occurrence préférable de répondre au livre par un autre livre ! La judiciarisation de la société, par ailleurs, est un risque à courir. Comme le disait Gambetta : « Ce qui constitue la démocratie, ce n'est pas de reconnaître des égaux mais d'en faire. »

Enfin, je rappelle que l'Italie s'est récemment engagée à verser à la Libye 200 millions de dollars par ans durant 25 ans en préjudice des exactions subies pendant la période coloniale.

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