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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 20 février 2008 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing :

a demandé si l'AMF aurait pu identifier le problème dans l'hypothèse où les 50 milliards d'euros de volumes notionnels avaient été engagés non pas sur les marchés allemand et britannique mais sur le marché français.

Serait-il concevable de mettre sur pied un système de traçabilité des produits financiers structurés, afin de mesurer la part adossée à des crédits à risques de type subprimes ?

En réponse aux différentes questions, M. Michel Prada a jugé parfaitement juste l'analyse de Michel Aglietta et Henri Bourguinat, de leur point de vue de macroéconomistes. Il est néanmoins extrêmement délicat pour les régulateurs de se prononcer, au fur et à mesure que les événements se produisent, sur le bien-fondé des évolutions économiques résultant des stratégies des États et des entreprises. Ces dernières années, les échanges mondiaux se sont profondément déséquilibrés et des réserves phénoménales ont été accumulées par un certain nombre de très gros acteurs asiatiques ; ces liquidités, au lieu d'être réinvesties sur place, se sont retrouvées aux États-unis, sur des produits à risques, afin de dégager des rendements supérieurs aux taux d'intérêt sans risque, très bas. Ce phénomène a du reste entretenu une croissance presque ininterrompue et riche en emploi pendant quinze ans. M. Aglietta a probablement été l'un des premiers à analyser ce grand déséquilibre et les autorités politiques et monétaires françaises ont été de celles qui soulevaient le problème dans le concert international. Fallait-il arrêter la croissance ? Organiser le protectionnisme ? En tout cas, l'évolution macroéconomique mondiale est à la source des dévoiements constatés aujourd'hui.

La transformation du système appelle en effet une évolution des modes de régulation, afin de maîtriser les activités liant la banque classique et le marché classique. Le contrôle, au départ, est un contrôle bancaire classique : il ne fallait pas laisser ce type de crédits prendre de l'ampleur. Néanmoins, une fois qu'ils se sont développés, la chaîne de titrisation commence, ils sont arrangés en paquets, les agences de rating les notent et des investisseurs les achètent. C'est à ces quatre stades que des contrôles beaucoup plus rigoureux doivent être mis en oeuvre. Les agences de notation ont probablement utilisé des taux de défaut résultant de dix années d'existence de subprimes sans problème, sans comprendre que leur explosion allait se traduire par une augmentation très significative des taux de défaut. Elles n'ont pas assez surveillé l'évolution et elles ont réagi tardivement. Que ce serait-il passé si elles avaient commencé à décoter plus tôt ? Personne ne le sait. Un énorme travail technique de standardisation, d'information, de méthode et de mise en réseau des régulateurs est nécessaire pour gérer la chaîne de la titrisation.

Les marchés français de dérivés sont modestes. La France dispose encore d'un marché d'options mais le marché à terme des instruments financiers – MATIF – qui était le grand concurrent d'Eurex, a hélas perdu son leadership des années 80. Si de telles positions étaient prises sur ces marchés, l'AMF les identifierait immédiatement. En revanche, eu égard aux volumes notionnels mobilisés sur les marchés allemand et britannique, il n'est pas certain que l'AMF aurait été en mesure d'identifier une quelconque anomalie. En 2006, le total mondial des volumes notionnels de produits dérivés a été estimé à 20 000 milliards de dollars, une somme sans commune mesure avec les 50 milliards de la position incriminée.

Pour les produits vendus au public, il est possible de fixer des règles de traçabilité ou plutôt d'éligibilité aux fonds de type SICAV ou fonds mutuels. Toutefois, cela ne couvre pas les marchés professionnels. De surcroît, la problématique de l'éligibilité de certains actifs à certains fonds vendus dans le public est rendue très complexe, compte tenu de la concurrence entre places financières, de la concurrence entre concepteurs de produits financiers et des différences de degré du contrôle exercé par les régulateurs. En Europe, les régulateurs britannique, français, allemand, luxembourgeois et autres discutent très âprement, sous l'égide de la Commission, pour déterminer s'il est acceptable, par exemple, de faire entrer 10 % de hedge funds dans des produits vendus au public. Certains n'y voient pas d'inconvénients, considérant que le risque est dispersé et que le public doit avoir accès à ces produits qui rapportent de l'argent. L'AMF, quant à elle, a toujours pris des positions assez prudentes et elle a souvent été battue. Il est donc malaisé d'interdire la commercialisation de certains produits auprès de certaines catégories d'acheteurs dans un marché en voie d'unification, compte tenu des enjeux de technique financière et de compétitivité. A posteriori, il aurait été bienvenu que les subprimes ne puissent être vendus au public…

Le Président Didier Migaud a remercié M. Prada et M. Rameix pour leurs réponses.

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