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Intervention de Pierre Nora

Réunion du 15 avril 2008 à 16h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

Pierre Nora :

J'ai le sentiment que la genèse collective du passé en tant que ce dernier éclairait notre identité présente est devenue très problématique. Le lien avec le passé est aujourd'hui tragiquement coupé. Les enseignants doivent trouver le moyen de le rétablir mais cela ne se fera plus dans le cadre d'un récit continu. Voilà une cinquantaine d'années, tout le monde comprenait pourquoi il fallait apprendre le grec, le latin et l'histoire antique : notre présent en était issu. Est-ce aujourd'hui facile de faire entendre à des enfants pourquoi ils doivent apprendre l'histoire de l'Antiquité ? Il en va d'ailleurs de même pour l'enseignement de la littérature. Pourquoi est-il si précieux d'apprendre Racine, Molière ou Corneille ? L'identification est très délicate à opérer. A cela s'ajoute le rôle des médias, le développement des voyages et toute une culture extérieure à l'école. Il me semble que, sur un plan pédagogique, il faut partir du présent et de la mémoire immédiate pour remonter vers un passé plus lointain.

Par ailleurs, confrontés à des mémoires incompatibles et contradictoires, nous ne devons pas officialiser une mémoire ou militer en faveur de l'une d'entre elles : nous devons tout remettre à plat en essayant de donner aux enfants le sentiment de les éduquer à partir de leur propre mémoire tout en faisant en sorte qu'ils fassent preuve d'une distance critique à son endroit.

Il est probable que, après l'âge de la conscience mythologique puis religieuse de soi, nous soyons en train de quitter l'âge de la conscience historique. Ce processus prendra du temps mais, pendant la période de transition que nous vivons, il faut savoir faire montre d'une grande prudence.

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