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Intervention de Daniel Garrigue

Réunion du 16 octobre 2008 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Garrigue, Rapporteur spécial :

La mission Recherche et enseignement supérieur constitue pour le Gouvernement une priorité. Son budget évolue très positivement, conformément aux engagements du Président de la République et aux objectifs de la stratégie européenne de Lisbonne.

Tout d'abord, les moyens de la mission augmentent fortement, de 4,5 % en autorisations d'engagement et de 3,2 % en crédits de paiement, ce qui est nettement supérieur à la progression d'ensemble du budget de l'État. Pour la première fois, ses crédits dépassent le seuil des 10 milliards d'euros – 10,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 10,4 milliards d'euros en crédits de paiement –, même si l'on ne tient pas compte de la modification du périmètre provoquée par la rebudgétisation des crédits d'OSEO innovation – laquelle, si l'on prend en compte à la fois les crédits propres à OSEO et ceux de l'ancienne Agence de l'innovation industrielle inscrits au programme Innovation stratégique industrielle – ISI – du budget d'OSEO, représente un apport d'un peu plus de 300 millions d'euros.

Cette évolution est due en grande partie à l'accroissement des crédits destinés à la recherche dans le domaine du développement durable, mais aussi à la montée en puissance des dépenses fiscales, avec l'inscription de 655 millions d'euros pour le crédit d'impôt recherche. Il faut d'ailleurs distinguer les créances fiscales, qui devraient passer de 1,6 milliard d'euros en 2006 à 3,5 milliards d'euros en 2008 et 3,9 milliards d'euros en 2009, et la dépense fiscale proprement dite, dont le rythme de progression est moins rapide mais qui atteint néanmoins un peu plus 2 milliards d'euros, soit une progression de 620 millions d'euros.

Le crédit d'impôt recherche tel qu'il est issu de la réforme intervenue en 2007 suscite un débat. En effet, lorsque, à l'occasion de l'adoption de cette réforme dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, l'Assemblée avait adopté les amendements de la commission des finances visant à rendre le dispositif plus favorable aux PME, il avait été souligné que les grands groupes en bénéficiaient largement et que le dispositif conduisait à un effet d'aubaine. Cependant, il convient de noter que le crédit d'impôt recherche réformé peut aussi avoir un effet anti-délocalisation non négligeable.

Les moyens alloués aux organismes publics de recherche progressent de 243 millions d'euros en autorisations d'engagement. Si l'on y ajoute les 122,5 millions d'euros d'économies dégagées sur certains dispositifs en faveur de la recherche privée, en lien avec la montée en puissance du crédit d'impôt recherche, les crédits qui pourront être consacrés à la recherche publique s'élèvent au total à 365 millions d'euros supplémentaires, ce qui doit être approuvé.

Par rapport à la stratégie de Lisbonne, l'on approche de l'objectif d'un ratio de deux tiersun tiers entre recherche privée et recherche publique. Il reste néanmoins difficile de consacrer 3 % du PIB à la recherche : la dépense intérieure en matière de recherche et développement, en progression très lente, représente aujourd'hui un peu plus de 2 % du PIB.

En ce qui concerne la recherche publique, les moyens des grands organismes affichent une progression de 3 %. Toutefois, ainsi que le regrettent leurs responsables, cette croissance recouvre la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et l'augmentation du versement au compte d'affectation spéciale Pensions ; la progression est donc en réalité de l'ordre de 1 %. Par rapport aux autres budgets, cela représente malgré tout une évolution favorable. S'y ajoutent les projets financés par l'Agence nationale de la recherche – ANR –, dont les crédits augmentent de 45 millions d'euros ; les principaux bénéficiaires de cette enveloppe accrue sont les équipes des grands organismes. Il faut donc relativiser cette évolution, dans un sens comme dans l'autre.

Reste en suspens la question du préciput, c'est-à-dire de la part des enveloppes qui revient aux organismes hébergeurs des projets sélectionnés par l'Agence. Le préciput s'élève aujourd'hui à 11 % de la subvention accordée, contre environ 30 % dans la plupart des autres pays comparables. Toutefois, ainsi que le soulignent les responsables de l'ANR, la comptabilité analytique des organismes n'est pas encore assez élaborée, et il en est de même dans les universités, pour qu'ils puissent évaluer précisément ce que leur coûtent ces hébergements.

Je déposerai par ailleurs un amendement visant à renforcer les moyens de l'Institut Pasteur, qui souffre depuis quelques années d'une progression très faible de ses ressources.

La réforme de l'organisation de la recherche avance rapidement. La loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 et celle relative aux responsabilités et libertés des universités du 10 août 2007 visaient à placer l'université au coeur du dispositif français de recherche. Elles ont provoqué des changements considérables, avec la réaffectation des unités mixtes entre les universités et les grands organismes, la réorganisation du CNRS et de l'INSERM en instituts, la montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche et l'installation de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES), qui fait un travail d'évaluation systématique aussi bien auprès des établissements d'enseignement et de formation qu'auprès des organismes de recherche. Ce dispositif se met en place avec rapidité, bien que ce ne soit pas toujours facile.

Cet effort de réforme et de réorganisation doit être poursuivi jusqu'à son terme. Des questions de périmètre ne sont pas encore résolues, notamment dans le domaine des sciences de la vie, avec un différend entre l'INSERM, qui invoque la mission qui lui a été confiée de réunir l'ensemble des sciences de la vie, et le CNRS, qui fait observer qu'on ne sait pas exactement jusqu'où celles-ci s'étendent et qu'il est nécessaire de tracer des frontières. La programmation de la recherche fait également débat : les grands organismes reprochent à l'ANR d'établir sa propre programmation, mais d'un autre côté l'Agence doit évidemment jouer un rôle dans la définition des appels à projets. Une clarification doit intervenir aussi rapidement que possible afin que la programmation de la recherche dans chacun des grands domaines soit forte et lisible, sans risquer d'être affaiblie par des choix contradictoires.

Enfin, il faut souligner que des avancées importantes sont réalisées en matière de carrières scientifiques et d'amélioration de leur attractivité. Par rapport à l'objectif général de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, les suppressions de postes sont limitées : 900 départs ne seront pas remplacés dans l'enseignement supérieur et la recherche, dont 450 emplois statutaires (soit un départ à la retraite sur douze). Sur ces 450 suppressions, il s'agira de 225 emplois supprimés dans les organismes et 225 dans les universités. Par ailleurs, 450 emplois non statutaires ne seront pas remplacés : il s'agit de 225 allocataires de recherche (qui sont en fait des emplois aujourd'hui non pourvus) et de 225 post doctorants.

Par ailleurs, la ministre vient d'annoncer une série de mesures visant à améliorer la carrière des chercheurs et à mieux récompenser l'excellence. Un effort est également fait en direction des enseignants-chercheurs, en particulier les jeunes. Il avait en effet été déploré qu'accaparés par les tâches de formation, ils ne puissent pas consacrer le temps nécessaire à leur recherche, alors que ce sont les années durant lesquelles ils sont le plus créatifs. L'an dernier, nous avions déposé un amendement permettant aux grands organismes de financer, sur leurs ressources propres, des primes ou rémunérations supplémentaires pour les personnels en fonction des résultats obtenus ; un rapport devait être remis par le Gouvernement dans un délai de six mois, nous l'attendons encore ! Nous avions également déposé, avant de le retirer, un amendement visant à transformer en CDI un certain nombre d'emplois du CNRS et d'autres grands organismes, afin de permettre un recrutement plus souple. Comme il entre parfaitement dans la stratégie actuelle, je vous le soumettrai de nouveau cette année.

S'agissant enfin des post-doctorants, si le nombre de financements directs sur le budget va diminuer, le relais sera très largement assuré dans le cadre des projets ANR qui financeront 1 000 nouveaux « post-docs ». Ainsi en 2007, sur les 6 000 contrats ANR, les deux tiers concernaient des post-docs. Certains s'inquiètent du nombre de post-docs qui sont titulaires de contrats de deux à trois ans – d'ailleurs souvent renouvelés –, mais la poursuite de l'effort d'assouplissement du recrutement à l'université et dans les grands organismes de recherche devrait permettre à une grande partie d'entre eux de s'intégrer durablement dans notre système de recherche.

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