Monsieur Boucheron, je réponds, en même temps qu'à vos questions, à celles de M. Garrigue, qui portent sur les mêmes points.
Sur la sécurité en Europe, la rencontre entre le Président Sarkozy et le Président Medvedev à Évian a été une occasion de commencer à répondre, comme la France s'y était engagée, à la déclaration du Président russe. Nous avons également rencontré à cette occasion M. Tadic, Président de Serbie. Le Président de la République a proposé à M. Medvedev l'organisation d'un sommet de l'OSCE en 2009. Nous travaillons sur l'idée d'un espace de sécurité en Europe, proposée par le Président russe. Cette question recoupe bien évidemment celle de l'OTAN. Nous avons maintenu le dialogue avec la Russie. Le 14 novembre se tiendra à Nice la rencontre Union européenne-Russie, dans le cadre du premier partenariat. Pour ce qui est du deuxième partenariat, élargi et plus précis, les rencontres n'ont pas été supprimées, mais déplacées, et nul ne songe à s'y soustraire.
Quand on parle de l'OTAN, il faut tenir compte de la réalité et ne pas s'abandonner à ses fantasmes. La France a été la première à dire qu'il fallait continuer à parler avec la Russie, et nous le faisons très largement – et pas seulement, monsieur Myard, à la triste occasion de cette crise en Géorgie, mais parce que la Russie, qui est notre voisine, est un grand pays et modifie toute sa structure depuis vingt ans et que, si nombreuses que soient les critiques qu'on peut formuler à son égard, il faut aussi nous féliciter de cette évolution. Le langage de M. Poutine est certes souvent difficile à accepter, tout comme la politique de force. Il nous faut toutefois rester conscients aussi que les frontières imposées aux Russes – avec notre accord – par leurs propres dirigeants, M. Eltsine et M. Gorbatchev, ne leur conviennent pas, car la Crimée, Sébastopol et Kiev représentent beaucoup pour eux. Ce n'est pas le cautionner que de le dire. Nous en tenons compte – et peut-être un peu trop pour le Président de la République. De même, les pays qui ont rejoint récemment l'Europe des Vingt-Sept ne peuvent pas avoir la même attitude que nous, car ils ont vécu du temps de l'Union soviétique un vrai martyre, et nous n'étions pas de leur côté, trop heureux en quelque sorte d'être à l'abri de l'autre côté du mur de Berlin. Ces pays n'ont pas la même psychologie ni la même expérience historique. Les pays Baltes vont très certainement réagir à la position que nous présentons dans l'Agenda transatlantique et nous exprimer leur désaccord pour une reprise des relations avec la Russie – ce qui ne sera sans doute pas le cas de la Pologne. Les vingt-sept pays membres ont une histoire différente et il est plus facile de maintenir l'unité dans la crise. Ce que nous avons fait à propos de la Géorgie est tout à fait inédit, mais la question des relations avec la Russie ne manquera pas de soulever des protestations.
La proposition de M. Medvedev est bien acceptée et nos rapports avec la Russie sont francs. Si la France n'avait pas exercé la présidence, la situation de la Géorgie aurait été beaucoup plus difficile. Les troupes russes seraient depuis longtemps à Tbilissi et auraient chassé le gouvernement de M. Saakachvili.
Même si les choses ne seront pas forcément comme on le croit, l'élection de M. Obama représente un grand changement. M. Obama est l'héritier du combat des droits civiques et, si ce n'est pas parce qu'il est noir qu'il est un bon Président, il faut tout de même noter qu'il est noir. Mais c'est bien parce qu'il est bon qu'il a été élu, parce qu'il représentait de formidables propositions et un changement total de notre vision : nous retrouvons l'Amérique que nous aimons. Sa personnalité même apporte une expérience que nous n'aurions pas pensé voir aussi vite. Souvenez-vous du film Devine qui vient dîner ce soir ? de Stanley Kramer, avec Sidney Poitier, en 1967 : une bonne famille américaine rejette sa fille qui veut épouser un Noir. C'était hier ! Les choses sont allées très vite et je salue l'efficacité de la démocratie américaine.
Pour ce qui concerne l'Iran, il est évident qu'il faut dialoguer, et c'est précisément ce que déclare M. Obama. Nous y sommes allés, mais il ne s'est rien passé. J'ai rencontré voilà quelques jours M. Ali Larijani, président du Parlement iranien et opposant à M. Ahmadinejad, mais il n'en est rien sorti. Sans doute les Iraniens veulent-ils dialoguer d'abord avec les Américains, mais l'espace de discussion iranien ne permet pas actuellement un vrai dialogue, qui doit être institutionnalisé et, en quelque sorte, externalisé. On nous propose en effet toujours de poursuivre le dialogue à Téhéran, mais nous avons un petit problème par rapport à M. Ahmadinejad et il nous faut donc attendre les élections. Je me suis souvent rendu en Iran et j'ai constaté, en parlant avec eux, l'attraction des étudiants pour l'Amérique, que vous évoquez. Toujours est-il que les élections, relativement contrôlées, mais sans doute pas toujours complètement truquées, amènent à chaque fois au pouvoir le parti des ayatollahs. Nous rencontrons M. Larijani ou M. Velayati, mais toutes les élections ont renforcé le pouvoir de M. Ahmadinejad. Je rappelle que le délégué américain participait à la dernière réunion tenue à Genève, mais que cela n'a encore rien donné. Nous continuerons cependant le dialogue, car nous ne voulons pas qu'il n'y ait que des sanctions.
À ce propos, un mot de la triche : pendant que nos entreprises s'abstiennent d'investir en Iran pour se conformer aux sanctions, certains de nos amis Européens le font.