J'approuve totalement la remarque de Daniel Garrigue sur les conditions dans lesquelles se déroule notre débat.
Le président Poniatowski a eu raison de souligner, au début de la séance, l'événement qui s'est produit cette nuit aux États-Unis. Pour ma part, je ne fais pas partie des sceptiques qui pensent que cette élection, en raison de la puissance de certains intérêts américains, ne va pas changer grand-chose. Je crois au contraire que beaucoup de choses vont changer, à commencer par la vision que les peuples du monde ont des États-Unis et de l'Occident. Cet événement considérable devrait donc avoir des conséquences rapides sur notre politique extérieure.
De nombreux thèmes ayant déjà été abordés, je réduirai mes questions à deux points principaux.
Le premier concerne les relations entre l'OTAN et la Russie. J'approuve sans réserve la politique menée lors de la crise géorgienne et au moment du sommet de Bucarest : c'est celle qu'il fallait adopter. Cela étant, l'OTAN figure parmi les dossiers dont nous devrons discuter avec les Américains. Où va-t-on en ce domaine ? Nous savions où M. Bush, lui, voulait aller : il changeait le périmètre géographique de l'organisation, la nature de ses missions, le nombre de ses partenaires. Il voulait transformer en alliance politique de l'Occident ce qui était une alliance de défense euro-atlantique. Personnellement, je n'ai aucun problème particulier vis-à-vis de l'OTAN, mais je ne veux pas que notre pays se laisse entraîner dans n'importe quoi. Il est donc important de savoir comment le nouveau Président des États-Unis envisage la mission de l'OTAN, son périmètre et ses modes d'action.
Le deuxième point concerne l'Iran. Depuis longtemps, je regrette le discours que tient la France à l'égard de ce pays – un discours plus « bushiste » que celui de Bush. J'ai toujours prévenu qu'un jour ou l'autre les Américains discuteraient avec l'Iran, nous laissant simples spectateurs, à côté de la plaque, si je puis dire. Eh bien, ce moment ne va pas tarder à venir. J'aimerais donc que la France, surtout au moment où elle préside l'Union européenne, modifie sa position vis-à-vis de ce pays et engage un dialogue. Qu'on le veuille ou non, la résolution de toutes les situations de guerre au Proche et au Moyen-Orient passera, à un moment ou à un autre, par une négociation avec l'Iran. Il faut donc arrêter d'ostraciser ce grand pays, et amorcer quelque chose avant la prise de fonctions du nouveau Président américain. Dans le cas contraire, nous serons relégués à l'arrière-plan, en raison de l'effet conjugué de la puissance américaine et de la fascination de la jeunesse iranienne pour l'Amérique, qui est réelle. Le jour où la situation se débloquera, les choses pourront aller très vite. Rappelons-nous le meeting tenu par M. Baker à Tirana, quelques jours après la chute du mur de Berlin : le retour du balancier de l'Histoire peut parfois être très rapide.