Le conseil européen des 18 et 19 juin prochains doit traiter des grands enjeux européens à l'issue des élections, ainsi que des garanties à apporter à l'Irlande en vue de la ratification finale du traité de Lisbonne.
De ces élections en Europe, je tirerai les conclusions suivantes.
D'abord, ceux qui ont parlé de l'Europe dans cette campagne l'ont nettement emporté sur ceux qui ont voulu en faire un sujet de politique intérieure, et qui étaient tout simplement hors sujet. Ensuite, l'abstention, forte dans toute l'Europe, prouve s'il en était besoin qu'il faut, partout, en permanence, parler de l'Europe sur le terrain, et pas seulement au moment des échéances européennes. Un sondage montre aujourd'hui que les Français le réclament.
Je salue, pour ce qui concerne la France, la réforme constitutionnelle et le nouveau règlement de l'Assemblée nationale, qui permettront de renforcer la dimension européenne de nos débats, en commission comme dans l'hémicycle.
Des progrès notables ont été réalisés, notamment par un travail régulier avec les commissions permanentes, et nous avons maintenant les outils pour intervenir en amont sur les textes en préparation de la Commission européenne. Il faut aussi accentuer le travail avec les parlementaires européens.
J'observe ensuite que le PPE devance le PSE, à la suite de la victoire du PPE dans la très grande majorité des pays européens. J'y vois notamment la marque de la présidence française de l'Union qui, par sa réactivité, par son volontarisme, a montré que l'Europe politique était possible.
Cela nous impose des devoirs. Face à la crise mondiale, il faut, dans le prolongement de la présidence française de l'Union, renforcer la coordination des politiques économiques, construire une véritable politique industrielle pour protéger nos emplois et nos produits, affirmer avec force la préférence communautaire. Pouvez-vous nous dire si vous croyez à des avancées dans ces domaines auprès de nos partenaires ?
Ce succès, comme la percée des mouvements écologistes, doit amener à continuer avec détermination la lutte contre le réchauffement climatique, après les résultats obtenus sous présidence française. Il s'agit de faire de Copenhague, à la fin de l'année, un succès prolongeant le paquet Énergie-Climat adopté à l'unanimité par les chefs d'État et de gouvernement, et par le Parlement européen, pour que l'Europe entraîne non seulement ses partenaires américains qui restent à convaincre, mais aussi d'autres puissances telles que la Chine.
Il faudra aussi adopter une taxe carbone pour défendre la préférence communautaire à laquelle nous sommes attachés.
La troisième leçon que je tire, c'est que les citoyens attendent plus d'Europe, et pas moins d'Europe. Ainsi, sur la crise financière, il faudra de nouvelles réunions des chefs d'État et de gouvernement ; il faudra approfondir la concertation en liaison avec la Commission et avec le président de la Banque centrale européenne, comme cela avait été fait sous présidence française.
Il faudra également qu'en septembre 2009, le prochain G20 – création de l'Union européenne – adopte des mesures concrètes pour la lutte contre les paradis fiscaux et pour la régulation et la moralisation du capitalisme – je pense notamment aux hedge funds.
L'Europe politique n'existera que si l'on réforme son fonctionnement. Le traité de Lisbonne, imaginé par Nicolas Sarkozy et négocié par le couple franco-allemand – plus que jamais indispensable, vous avez raison, monsieur Lemaire – permettra de faire avancer l'Europe politique.
Mes contacts avec mes homologues irlandais me donnent à penser que l'Irlande – la crise étant passée par là – ratifiera sans doute ce traité et nous donnera un président stable de l'Europe, un Parlement européen aux pouvoirs renforcés et un contrôle effectif par les parlements nationaux du principe de subsidiarité.
Tous, quelle que soit notre appartenance politique, nous aspirons à une Europe qui, sur la scène internationale, défende nos intérêts et nos valeurs européennes, ainsi que notre modèle social européen.
Tous, nous aspirons à une Europe qui, comme dans le conflit entre la Géorgie et la Russie, soit capable d'intervenir, seule et unie, pour y mettre fin.
L'Europe a comme devise « unie dans la diversité » : unie, parce que nous sommes la première puissance économique et commerciale, et que nous aspirons à être la première grande puissance monétaire ; diverse, parce que nous sommes aussi attachés à nos identités nationales, à nos cultures, à nos langues.
Bref, il faut que le futur Parlement européen se donne tout entier pour ambition celle du poète portugais, donc européen, Fernando Pessoa, qui écrivait : « Je rêve d'une Europe forte qui parle dans le monde d'une seule voix dans toutes ses langues ». (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)