Je suis d'accord, Monsieur Vanneste, avec l'idée qu'on ne peut pas assumer toutes les commémorations en grandes et belles commémorations.
On peut d'ailleurs commémorer autrement des événements importants et qui ont marqué : je reviens de Beyrouth où je suis allé pour la commémoration de la tragédie du Drakkar, qui avait fait 58 morts au sein du détachement militaire français qui y était stationné. A cette occasion, il y avait des anciens, des frères d'armes, et mêmes des jeunes de la journée d'appel de préparation à la défense. On peut marquer des temps forts et faire passer des messages sans créer des obligations de commémorations nationales annuelles. Dire cela n'est pas atténuer l'importance de cette tragédie, qui nous rappelle des enjeux du monde d'aujourd'hui. Pour l'avenir, il faut réfléchir à deux fois avant de créer de nouvelles commémorations.
La commission Kaspi s'est demandée si la suppression de dates ne risquerait pas de créer des conflits et de heurter des personnes mobilisées en faveur de ces dates, ce qui n'aurait pas de sens. En revanche, faut-il donner plus d'importance à certaines de ces commémorations ? Le 11 novembre, le 14 juillet, la victoire sur le nazisme et la barbarie, l'exaltation des valeurs issues de la Révolution… Ce sont des questions que la commission Kaspi était en droit de se poser.
De plus, la mémoire doit rassembler et non pas diviser, autour de quelques grands repères historiques communs, qui sont le socle de la nation. Sauf exception, on ne peut pas, chaque fois qu'il y a une demande de mémoire, aller vers une décision du Parlement ou une commémoration. Cela ne ferait que rendre plus difficile notre tâche.
Mme Hostalier a évoqué une question très concrète et visible de notre paysage, les tombes. Pour faire aussi bien que nos voisins qui font le mieux, il faudrait tripler le budget d'entretien. Je vais, à l'occasion du vote du budget, vous proposer un effort. Mon prédécesseur en avait déjà prévu un pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de l'Armistice. Les montants ne sont pas considérables. On doit pouvoir continuer à progresser.
Il y a un travail d'actualisation de la démarche mémorielle à faire. Ainsi, avec Rama Yade, nous avons décidé de commémorer le 3 novembre prochain la Force noire à Reims. Cette démarche rencontre le succès dans les pays africains. Tous les ambassadeurs concernés seront là. Plusieurs ministres sont annoncés. Les présidents des grandes associations combattantes françaises viendront aussi.
Nous allons, à travers ce temps fort, allier la dimension mémorielle et les combats d'aujourd'hui autour des droits de l'Homme. C'est une démarche très positive, de respect de la vérité, avec une dimension de fierté, de mémoire partagée, et la conscience d'une réalité historique très contrastée. Mais on ne crée pas une commémoration nationale pour cela. J'approuve donc votre proposition d'avoir le souci, envers les jeunes générations, de lier le respect de l'Histoire et la dimension mémorielle, en relation avec ce qu'ils vivent aujourd'hui.
Il en est de même de votre proposition concrète de favoriser, avec les associations qui font ce travail, des déplacements de jeunes. Les jeunes sont friands de chantiers dans les pays du Sud, ont envie de se rendre utiles, de vivre des contacts fraternels avec les jeunesses des autres pays.
Dans le même esprit, nous allons avec votre collègue Patrick Beaudoin et des anciens du bataillon de Corée nous rendre dans les endroits où des soldats sont tombés, pour marquer leur mémoire.
Vous avez évoqué la Marseillaise. Certains disent que le Gouvernement a surréagi ; mais qu'aurait-on dit s'il n'avait pas réagi et s'était hâté d'oublier ? Il était inévitable qu'il se sente fortement interpellé. Certains ont proposé de dissocier l'exécution de la Marseillaise et la tenue des matchs de football. Mais ne serait-ce pas abandonner le travail que nous devons faire pour que disparaisse ce type de réflexe chez une partie de nos jeunes?