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Intervention de François Fillon

Réunion du 9 juin 2009 à 15h00
Déclaration du gouvernement préalable au conseil européen et débat sur cette déclaration

François Fillon, Premier ministre :

Plus nous avons besoin de l'Europe, plus l'indifférence des citoyens s'accroît. Cette contradiction, nous avons collectivement le devoir de la surmonter en donnant à l'Union européenne l'efficacité et la flamme qui lui font trop souvent défaut. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Permettez-moi de vous livrer mon analyse sur cette abstention. Pendant les vingt premières années de la construction européenne, l'instauration d'une paix durable fut le tremplin de tous nos efforts et de nos idéaux. Elle ne joue plus aujourd'hui – et c'est tant mieux – le rôle mobilisateur qui fut le sien auparavant.

Durant les vingt années suivantes, la construction européenne fut l'oeuvre d'une élite éclairée qui travailla dans l'ombre pour surmonter les résistances ou les hésitations des États membres. Cette approche a eu ses mérites en termes d'efficacité, mais elle a eu aussi ses travers technocratiques et bureaucratiques.

Enfin, durant les dix dernières années, la stratégie légitime de l'élargissement a dilué l'image, le contenu et l'action de l'Europe. Elle nous a, de plus, condamnés à des débats institutionnels incessants.

Le résultat est là : pour beaucoup de nos concitoyens, l'aventure européenne demeure une affaire de spécialistes ; elle est désincarnée, et elle ne parle pas au coeur des peuples.

L'abstention, ce n'est pas le rejet de l'Europe. C'est un appel à une Europe qui agit, à une Europe qui protège, à une Europe qui incarne un idéal. Nous rejoignons ainsi l'ambition de la France, l'ambition du Président de la République : l'Europe a besoin de politique ; l'Europe doit être politique. À l'occasion de notre présidence de l'Union, nous avons démontré que cette Europe politique était possible.

Mais il faut bien reconnaître que, depuis quelques mois, l'Union européenne est revenue à une démarche plus classique, marquée par la lente recherche d'un consensus a minima. Or, au regard de la crise exceptionnelle que nous traversons et des grands défis que nous devons relever, cette Europe des petits pas et des petits compromis est devenue totalement inacceptable. Elle ne recueille d'ailleurs pas l'adhésion des citoyens.

C'est l'un des messages de cette élection. Il nous renvoie à la question centrale de notre génération : l'Europe veut-elle, oui ou non, écrire l'histoire ? Veut-elle, oui ou non, se donner les moyens de peser face aux puissances américaine, chinoise, indienne, et demain brésilienne ou russe ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Si tel est le cas, alors il faut relancer l'Europe. Il faut repenser son fonctionnement, et lui assigner des objectifs prioritaires.

Le Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 sera la première réponse des chefs d'État et de Gouvernement après le vote des citoyens européens. Il doit être l'occasion de démontrer que l'Union européenne est de nouveau dans la voie de l'action,

Trois sujets majeurs sont à l'ordre du jour : celui de la crise économique et financière, celui de la lutte contre le changement climatique et celui relatif à la mise en oeuvre du traité de Lisbonne.

La réponse à la crise est naturellement la priorité absolue. Le Conseil devra trancher une question essentielle sur laquelle la France est très en pointe : comment remettre de l'ordre dans la surveillance des banques et des établissements financiers ?

Les services bancaires et financiers circulent librement dans toute l'Europe, mais pour contrôler l'ensemble il existe encore vingt-sept superviseurs indépendants et vingt-sept cadres nationaux de régulation financière. Si, à l'avenir, nous voulons éviter un nouveau risque d'effondrement du système financier européen, il faut mettre un terme à ce système baroque.

Sur la base du rapport de M. de Larosière, la Commission vient de faire des propositions qui, dans l'ensemble, répondent à nos attentes. Il s'agit de mettre en place un comité européen chargé d'analyser le risque financier systémique. Nous pensons que la banque centrale européenne, dont le rôle s'est révélé vital pendant la crise, doit présider ce comité. Il faut un système efficace pour la supervision financière européenne, qui soit capable de prendre des décisions contraignantes lorsque c'est nécessaire.

Cette autorité européenne doit également assurer la supervision directe des entités paneuropéennes, comme les agences de notation financière ou les chambres centrales de compensation, entités qui échappent aujourd'hui à toute supervision efficace.

Plusieurs États membres, dont le Royaume-Uni, ont encore de très fortes réserves sur ces points. Notre devoir est de leur démontrer que l'heure n'est plus aux hésitations en ce qui concerne un système qui a failli. La désorganisation européenne en matière de supervision et de régulation financière constitue une faiblesse d'autant plus inacceptable que, pendant que les Européens en débattent, les Américains semblent décidés à agir pour remédier aux défauts de leur propre système, avec un plan ambitieux de rationalisation de la supervision américaine et une volonté de régulation du marché des produits financiers dérivés.

Économiquement, politiquement, moralement, l'Europe ne peut rester à la traîne de ce mouvement de régulation financière ; elle doit même en prendre la tête. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il s'agit de l'un des grands enjeux du Conseil européen. Jeudi prochain, il sera également à l'ordre du jour de la rencontre entre le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel.

La supervision financière n'est qu'un des éléments de la réponse européenne à la crise. La gravité de la situation impose en effet un réexamen rapide de l'ensemble des politiques européennes. Certains efforts sont en cours : la Banque européenne d'investissement a ainsi augmenté de façon considérable ses capacités de prêts au sein de l'Union européenne, ses prêts annuels passant de 45 à 60 et bientôt 70 milliards d'euros ; avec un effort particulier en faveur des PME et de la recherche.

De même, la Commission a rapidement adapté sa politique de contrôle des aides d'État pour nous permettre de secourir de nombreuses entreprises menacées par la crise.

Mais nous pensons qu'il faut aller beaucoup plus loin dans le réexamen des politiques européennes.

Alors que notre secteur automobile européen connaît une crise historique, il manque encore, malgré les demandes réitérées de la France depuis plusieurs mois, un plan européen global pour ce secteur et, en particulier, un plan en faveur de la voiture électrique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Il manque également un plan global en faveur de la croissance verte, alors que ce sera l'un des grands secteurs de croissance de demain.

Il faut aussi prendre rapidement une initiative européenne pour aider les entreprises à investir davantage dans la recherche et l'innovation. Il faut continuer à simplifier les obligations réglementaires et bureaucratiques qui pèsent sur les plus petites entreprises. À ce sujet, nous proposons que soient suspendues toutes les propositions qui pourraient créer des coûts supplémentaires pour ces dernières (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC), tout en continuant à agir résolument en faveur de l'environnement.

Il faut aider les États membres, notamment à travers le Fonds social européen, afin qu'ils soient en mesure de mieux former les salariés les plus menacés par la crise.

L'Europe n'a pas vocation à être le ventre mou de la mondialisation. Il faut un réexamen sérieux de la politique commerciale européenne,…

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