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Intervention de Marie-Françoise Pérol-Dumont

Réunion du 25 mars 2009 à 9h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Pérol-Dumont, président du groupe Caisses d'épargneBanques populaires :

La question, monsieur le rapporteur général, de la place de l'État est double, selon qu'on parle des fonds propres du nouvel ensemble ou de sa gouvernance.

Comme vous le savez, le risque de marché auquel les deux groupes sont exposés, comme le sont tous les établissements bancaires, s'est considérablement accru depuis dix-huit mois. En tant que banque de financement et d'investissement, Natixis y est exposée frontalement et doit le gérer conformément aux règles comptables et prudentielles qui s'imposent à elle. Or ces règles génèrent des besoins en fonds propres à la hauteur du risque.

Étant donné l'incertitude qui préside à l'évaluation de ce risque, Natixis présente un profil de risque marqué. À cela s'ajoutent les risques existant dans le réseau régional des Caisses d'épargne, auxquels la Caisse nationale des caisses d'épargne a dû faire face. les autorités prudentielles et le régulateur ont jugé que l'ensemble de ces risques rendait nécessaire de consolider la structure de fonds propres de ces banques, afin de garantir leur solidité financière aux yeux des observateurs et de ceux qui financent ces banques tous les jours. C'est ce qui justifie l'apport de 5 milliards d'euros, qui vient s'ajouter à un apport de 2 milliards d'euros de fonds propres – 1 milliard venant des Caisses d'Épargne et 1 milliard du groupe Banques populaires.

Le deuxième problème était un problème de gouvernance, les discussions entre les deux groupes ayant fait apparaître un risque de ce point de vue. C'est notamment la gouvernance de Natixis qui risquait de pâtir des désaccords éventuels entre les deux actionnaires. C'est une des raisons, en dehors des raisons industrielles, pour lesquelles les autorités prudentielles ont jugé que le rapprochement était utile.

En pratique, il est prévu qu'une fois l'opération de rapprochement réalisée, ce qui suppose le vote d'une loi, s'agissant de créer l'organe central d'un groupe coopératif détenant des prérogatives de puissance publique, l'État apportera 5 milliards d'euros au nouvel ensemble : 2 milliards en titres subordonnés à durée indéterminée, et 3 milliards sous forme d'actions préférentielles, convertibles en actions ordinaires au bout de cinq ans. Ces actions de préférence donneront à L'État les droits stratégiques d'un actionnaire minoritaire important : il sera représenté par deux administrateurs au conseil de surveillance du nouveau groupe et proposera en sus la désignation de deux administrateurs indépendants qui présideront les comités d'audit et des rémunérations du nouvel organe central. Il disposera donc au conseil de surveillance de quatre administrateurs sur dix-huit ayant une voix délibérative. Une liste des décisions devant être prises à la majorité qualifiée a été arrêtée : il s'agit de toutes les décisions de nature à porter atteinte aux droits patrimoniaux de l'État, telles que les opérations d'acquisition ou de cession importantes, ou portant sur le capital du nouvel organe central, ou encore la nomination du président du directoire. Par ailleurs, sa présence au conseil de surveillance garantit à l'État l'accès à l'intégralité de l'information dispensée en conseil sur la situation, la stratégie et l'ensemble des projets de l'établissement. Tout cela est de nature à protéger les intérêts de l'État.

En outre, les titres de l'État seront rémunérés conformément aux recommandations de la Commission européenne : à hauteur de 8 % pour les titres subordonnés, et au-delà pour les actions préférentielles, l'État ayant considéré que le montant apporté étant plus important, les droits stratégiques n'avaient pas à être plus valorisés que l'option de conversion en actions ordinaires.

Enfin, la rémunération de l'État sera garantie sur le périmètre total du groupe, incluant notamment l'ensemble des banques et des caisses régionales, et non pas seulement sur le périmètre du seul organe central.

Ces fonds propres apportés par l'État sont certes d'un coût relativement élevé, mais il n'y a pas dans l'état actuel des marchés d'autres sources de fonds propres. En cas d'amélioration de la situation économique et financière, la rémunération de ces fonds croissant avec le temps, le nouveau groupe aura intérêt à rembourser l'État en levant des fonds propres à un coût moins important : tel est la logique qui sous-tend ce dispositif, comme ceux mis en place par tous les gouvernements pour soutenir les systèmes bancaires. Je crois qu'en outre les deux groupes auront à coeur de retrouver l'autonomie qu'ils craignent de perdre dans cette opération.

Je pensais avoir déjà répondu à la question de la conciliation entre centralisation et décentralisation. Il s'agit fondamentalement de deux groupes décentralisés, de deux réseaux d'établissements financiers autonomes au niveau régional : les Banques régionales populaires et les Caisses régionales d'épargne sont des banques de plein exercice, établissements autonomes disposant de fonds propres et d'une politique propre de distribution, menée par des dirigeants selon une logique économique qui les rend comptables de leurs résultats et de leur bilan. Cependant, s'agissant de banques sous statut coopératif, la loi bancaire impose qu'un organe central assure la sécurité financière de l'ensemble du dispositif, en mettant en oeuvre le mécanisme de solidarité financière. Cet organe central dispose pour ce faire de capacités de détermination des orientations stratégiques, de pilotage financier, de la liquidité et de la trésorerie. Ces pouvoirs attribués par la loi à l'organe central limitent l'autonomie des établissements régionaux, sans autoriser celui-ci à s'immiscer dans leur gestion.

C'est cette logique économique que je souhaite voir à l'oeuvre : trente-sept établissements autonomes, dont les dirigeants seront comptables des résultats, la responsabilité étant la contrepartie de l'autonomie, affiliés à un organe central exerçant l'intégralité des pouvoirs de contrôle et de pilotage.

Les degrés de centralisation différents des deux groupes s'expliquent par la jeunesse du réseau des Caisses d'épargne, où l'organe central y est plus fort, alors que les établissements du groupe Banques populaires ont acquis au fil du temps une plus grande autonomie. J'ai pu constater – tout dernièrement encore à Nantes, monsieur Ayrault – que les dirigeants des établissements des deux réseaux adhèrent à 100 % à ce projet : c'est qu'ils connaissent la réalité du terrain et se vivent comme les dirigeants d'établissements autonomes.

Les plans de départs volontaires, lancés indépendamment du projet de rapprochement, monsieur Chartier, à la Caisse nationale des caisses d'épargne, et chez Natixis, dans le cadre du recentrage de la banque sur ses activités, correspondent aux réductions d'effectifs réalisées par toutes les banques de financement et d'investissement du monde.

Quant à la plainte relative aux conditions d'introduction en bourse de Natixis, j'en ignore le contenu.

Il n'y aura pas, monsieur Perruchot, de fusion des deux réseaux et des deux marques, la force d'une banque de détail résidant dans sa distribution et sa marque. Il faudra bien en revanche donner un nom à l'organe central, la question de savoir si ce nom pourra être utilisé comme marque étant encore à l'examen.

Il y aura bien rapprochement des organes centraux, mais sur le terrain, la politique des agences restera définie par chaque établissement régional. Si les Caisses régionales d'épargne comme les Banques régionales populaires ont créé beaucoup d'agences ces dernières années, le rythme devrait néanmoins se ralentir, étant donné le niveau de couverture du territoire.

J'ai utilisé la formule d'« homme neutre », monsieur Ayrault, pour signifier que je n'appartenais à aucun des deux groupes : il ne s'agissait pas pour moi de nier que je suis proche de M. Sarkozy : je le suis et j'espère le rester.

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