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Intervention de Claude Birraux

Réunion du 3 mars 2009 à 17h00
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Birraux, rapporteur :

ont souligné que leurs recommandations quant au pilotage de la mise en oeuvre de la stratégie s'appuient sur l'expérience acquise dans le domaine de la recherche nucléaire.

A cet égard, il apparaît nécessaire d'une part, de définir une responsabilité de pilotage pour l'ensemble de la recherche énergétique, disposant de la faculté d'effectuer un arbitrage des moyens entre les différentes échéances auxquelles se trouve confrontée la politique de l'énergie ; d'autre part, de définir une responsabilité de pilotage par domaine, pour ceux identifiés comme prioritaires. En outre, il faut avoir le souci de ne pas créer des structures lourdes et coûteuses.

Les recommandations concernent ainsi :

- premièrement, la désignation d'un « Haut commissaire à l'énergie », en mesure d'orienter la recherche en énergie dans la perspective plus générale de la politique de l'énergie ; en fait, il s'agit simplement d'étendre et de renforcer les compétences du « Haut Commissaire à l'énergie atomique », qui sont d'ores et déjà plus larges que ce que son titre peut le laisser entendre ; il s'agit de lui troquer un titre plus court contre un profil plus large ;

- deuxièmement, la nomination de « coordinateurs » désignés officiellement parmi les partenaires des programmes relevant d'une priorité de recherche ; il ne s'agit pas d'acteurs nouveaux, mais de « primus inter pares », qui peuvent et doivent décider en cas de difficulté tactique sur le chemin de la recherche, et en contrepartie de ce pouvoir, ont la responsabilité d'en rendre compte aux autorités de l'État ;

- troisièmement, la mise en place d'une « Commission nationale d'évaluation » en charge de la recherche sur les nouvelles technologies de l'énergie, sur le modèle de celle déjà à l'oeuvre depuis deux décennies dans le domaine de la recherche sur les déchets radioactifs; ainsi, toutes deux procéderaient annuellement à leur évaluation, chacune dans leur domaine, puis en rendraient compte à l'OPECST ; il s'agit là de structures permanentes, mais légères, car composées de membres certes officiellement désignés, mais bénévoles ; l'expérience montre qu'un tel dispositif est très pertinent ; il sert d'aiguillon utile.

Abordant l'analyse du fond de la stratégie, MM. Christian Bataille et Claude Birraux ont indiqué qu'elle distinguait d'un côté, les technologies établies, celles dont la primauté dans l'effort de recherche français est reconnue et garantie par la loi, à savoir l'énergie nucléaire et le pétrole, et de l'autre, les technologies nouvelles, pour lesquelles un tri officiel des priorités reste à faire.

Les technologies établies n'appellent pas de réorientations importantes, mais seulement quelques inflexions d'ajustement.

Dans le domaine de l'énergie nucléaire, ces inflexions concernent essentiellement un renforcement des instances de pilotage, dans le sens évoqué précédemment.

Pour la recherche sur la séparation transmutation, il semble naturel de confier cette tâche de pilotage au CEA, avec la mission de veiller à ce que les recherches sur les réacteurs de quatrième génération visent bien à recycler tous les déchets à haute activité comme combustibles (neptunium, américium, curium), et pas seulement le plutonium. Pour la recherche sur l'entreposage, l'ANDRA paraît bien placée, puisqu'elle gère les dispositifs de stockage en bout de chaîne, et qu'il s'agit surtout d'éviter le risque d'une multiplication des normes techniques adoptées par les différents producteurs de déchets.

S'agissant des recherches sur le stockage, il convient que les travaux menés par l'IRSN au tunnel de Tournemire fassent l'objet d'une évaluation par la Commission nationale d'évaluation.

Dans le secteur pétrolier, les recommandations concernent deux préoccupations d'ordre général, mais d'une signification symbolique importante :

- d'abord, il faudrait que l'IFP, établissement public financé par l'État, anticipe la disparition future des hydrocarbures fossiles, en ouvrant des chantiers au long cours dans des domaines nouveaux pouvant néanmoins mobiliser utilement son incontestable expertise. Deux pistes sont suggérées : premièrement les plastiques minéraux sans carbone, concept déjà exploré par le professeur Davidovits ; deuxièmement, les plastiques photovoltaïques, pour lesquels il s'agirait d'ailleurs plutôt de coopérer à la valorisation industrielle future ;

- l'autre préoccupation concerne une meilleure visibilité sur l'allocation des moyens de recherche affectés à la recherche pétrolière. Il s'agit d'une centaine de millions d'euros, dont on perçoit souvent mal a priori la justification au vu des bénéfices de Total (14 milliards en 2008). Le rapport recommande la mise en place d'une structure sur le modèle de l'ancien « Fond spécial des hydrocarbures », qui permette de mieux montrer que ces moyens bénéficient au tissu des PME du secteur parapétrolier.

S'agissant des priorités de recherche dans les technologies nouvelles, M. Claude Birraux a constaté qu'elles résultent pour l'essentiel d'un « sentiment général » au sein de la communauté de recherche, que les rapports Chambolle, Syrota, Guillou, ont déjà validé. Cela concerne en particulier quatre pistes dont la pertinence est confirmée :

- premièrement, la recherche sur l'énergie photovoltaïque. L'INES a conquis le créneau du silicium métallurgique, mais un grand pôle consacré aux couches minces est en préparation sur le plateau de Saclay ; la filière organique (plastiques photovoltaïques), quoiqu'à un stade très amont, doit être consolidée, et bénéficier d'un support de valorisation industrielle ;

- deuxièmement, la recherche sur les biocarburants de deuxième génération. Le projet de pilote industriel de transformation thermochimique de la biomasse sur le site du laboratoire de Bure doit bénéficier d'un soutien public spécifique ;

- troisièmement, la recherche sur les batteries rechargeables. Dans la continuité du rapport « Guillou », il faut souligner l'importance de l'électronique interne de commande dans l'optimisation des performances ;

- quatrièmement, la recherche sur les énergies marines. Il faut privilégier à cet égard les zones littorales dépourvues d'autres modes centralisés de production d'électricité.

Par ailleurs, un développement du stockage d'énergie de grande capacité est essentiel pour un développement plus équilibré de l'énergie éolienne. A cet égard, le régime tarifaire du stockage d'énergie doit être revu dans un sens plus incitatif. Le rapport décrit, en outre, un dispositif d'atolls artificiels qui pourraient fournir l'équivalent, sur le littoral de la Manche, des retenues d'eau dans les Alpes. La France pourrait s'enorgueillir un jour d'avoir eu l'initiative mondiale de ce nouveau genre de stations de stockage d'énergie en mer.

Enfin, dans deux domaines, après le rattrapage rapide effectué depuis l'impulsion donnée par le rapport « Chambolle » de 2004, un réajustement de l'effort de recherche est souhaitable :

- pour la pile à combustible, il faut renforcer les études sur les usages stationnaires et portables de préférence aux usages automobiles, sachant que toute avancée peut avoir des effets de synergie sur l'ensemble des usages ;

- pour le captage et stockage du CO2, un véritable effort de coopération internationale est la meilleure façon de développer un « marché potentiel à l'export », mais il faut aussi ouvrir un chantier sur la valorisation industrielle du gaz carbonique, selon la même logique que celle prévoyant, pour les déchets radioactifs, l'axe de la transmutation à côté de celui du stockage. Le but serait notamment de fabriquer à partir du gaz carbonique des carburants de synthèse.

En conclusion, MM. Christian Bataille et Claude Birraux ont souligné que leurs réflexions sur la recherche les ont constamment ramenés vers la question connexe de la formation, à deux niveaux : la formation des ingénieurs pour la conception et le développement des systèmes ; la formation des techniciens pour l'installation et la maintenance.

Les auditions ont permis de constater que ce besoin était déjà pris en charge par les responsables concernés :

- le Haut Commissaire à l'énergie atomique a reçu mission de vérifier qu'une mobilisation « en réseau » sur le modèle de Paris Tech, incluant les universités scientifiques comme Paris 11, permettrait de faire face au surcroît de besoin d'ingénieurs liés à la dynamisation de la recherche sur l'énergie (leur nombre doit passer de 300 à 1200) ;

- le Grenelle de l'environnement a permis d'identifier le besoin quantitatif et qualitatif de compétence artisanale pour l'installation et la maintenance des équipements centrés sur l'efficacité énergétique ou les énergies renouvelables. C'est l'objet du groupe de travail spécifique sur la « mobilisation des professionnels du bâtiment » mis en place depuis mai 2008 sur recommandation du Comité opérationnel relatif aux bâtiments existants.

L'évaluation résulte ainsi d'un travail d'une année (depuis fin janvier 2008) qui a conduit à auditionner une soixantaine de spécialistes de l'énergie en France, et une cinquantaine dans trois pays visités pour leur spécificité dans le domaine de l'énergie : la Finlande, les Etats-Unis, le Japon. Le rapport comporte en annexe tous les comptes rendus.

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