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Intervention de Ivica Bocevski

Réunion du 19 février 2009 à 11h45
Commission des affaires étrangères

Ivica Bocevski, Vice-Premier ministre de l'Ancienne République yougoslave de Macédoine chargé de l'intégration européenne :

Permettez-moi de m'adresser à vous d'abord dans ma langue maternelle, comme je le fais à chacun de mes déplacements à l'étranger.

Vous les Français, vous avez pour habitude d'envoyer les meilleurs d'entre vous à l'étranger pour qu'ils y deviennent des héros nationaux : il y a deux cents ans, vous avez envoyé La Fayette aux Etats-Unis ; il y a vingt ans, vous avez envoyé M. Robert Badinter en Macédoine, où il est devenu un héros ! C'est la raison pour laquelle j'ai eu ce matin un entretien très intéressant avec M. Badinter, personne avec laquelle l'histoire des perspectives européennes de la Macédoine a commencé. Je remercie la France de la part qu'elle a prise à la création d'un Etat moderne de Macédoine, et je suis profondément convaincu que l'avenir européen de mon pays est impossible sans son appui.

Je vais maintenant poursuivre mon propos en langue anglaise.

Nous tous ici souhaitons être membres à part entière de l'Union européenne. L'intégration est l'aboutissement logique du processus d'européanisation – développement du marché, droits de l'homme, protection des droits des minorités, renforcement des institutions politiques – qui est à l'oeuvre dans l'ensemble de l'Europe centrale et orientale et en Europe du Sud-Est.

L'Union européenne nous a aidés à parvenir à la stabilité, et à long terme elle peut nous apporter la prospérité. C'est ce à quoi aspirent, bien sûr, non seulement les Macédoniens, mais tous les peuples des Balkans. Nous partageons l'histoire, la civilisation et les valeurs de l'Europe ; néanmoins, il nous a fallu assez longtemps pour parvenir à cet objectif stratégique. Le processus est en cours dans toute la région, il est un peu plus long chez nous que chez certains de nos voisins.

Les Balkans ont été stigmatisés dans le passé comme une région de troubles. Ses perspectives ont longtemps été incertaines. L'instrument de l'européanisation n'a pas été perçu partout de la même façon. Sans refaire l'histoire, force est de reconnaître que les Balkans ont manqué beaucoup d'occasions. Il n'est cependant pas trop tard, et je veux aujourd'hui parler des étapes à venir et de l'avenir européen que nous voulons offrir à nos concitoyens.

Dans la région, certains pays sont plus avancés que d'autres dans le processus d'adhésion, mais notre dénominateur commun est bien la perspective d'intégrer l'Union. Nous, dirigeants politiques des Balkans, avons devant nos concitoyens et devant l'Histoire la responsabilité d'atteindre ce but et de défendre les valeurs qui sont celles de l'Union européenne.

Cela dit, il faut aussi relever les défis immédiats, et 2009 ne sera pour personne une année facile. Compte tenu de la crise monétaire et financière et des difficultés dans la ratification du traité de Lisbonne, je ne pense pas que l'élargissement soit cette année une priorité pour l'Union européenne. Je salue l'engagement de la présidence tchèque sur le dossier des Balkans, nous attendons également beaucoup de la présidence suédoise. Mais c'est dans l'ensemble de l'Union comme dans les Balkans et à Bruxelles qu'il faut une implication politique forte pour que le processus d'élargissement puisse se poursuivre. Malheureusement, l'avenir de celui-ci manque de clarté, de même que les critères d'adhésion. L'Agenda de Thessalonique garantissait une perspective d'intégration à tous les pays participant au processus de stabilisation et d'association et satisfaisant aux critères de Copenhague, mais depuis le récent élargissement à deux de nos voisins, la Bulgarie et la Roumanie, la procédure est transformée. Désormais, il nous faut remplir des critères définis non seulement par l'Union, mais aussi par certaines capitales européennes – Athènes en ce qui nous concerne. Le processus d'origine est perverti par l'introduction de négociations sans fin et de critères de conditionnalité stricte.

Chers amis, le temps est compté. A tout processus, il faut un point de départ et un point d'arrivée clairement définis. Dans l'ensemble des Balkans occidentaux, nous avons besoin d'avoir des perspectives claires et de connaître précisément les critères qui nous sont imposés, faute de quoi nous allons nous épuiser. La Commission et les Etats membres doivent aujourd'hui comprendre notre message. L'évolution actuelle amoindrit le rôle, jusqu'à présent moteur, de la commission dans le processus d'élargissement de l'Union, qui a pourtant été sa plus belle réussite.

Le temps est venu de remettre le dossier à plat au niveau de l'Union européenne –et sans doute aussi à Paris. Il faut tout d'abord établir un plan d'ensemble pour chacun des pays des Balkans, non en se limitant à la prochaine étape de la procédure d'élargissement, mais en vue d'une intégration pleine et entière dans l'Union. Ce plan doit préciser tous les critères et le calendrier ; dans le contexte difficile qu nous connaissons, c'est indispensable pour nous.

Permettez-moi d'évoquer enfin le processus de libéralisation des visas. Il est paradoxal que ma mère et les personnes de sa génération, qui avaient des passeports yougoslaves, établis du temps de la Yougoslavie de Tito, régime totalitaire communiste, aient eu la possibilité de circuler librement en Europe de l'Est et de l'Ouest et qu'à ma génération, avec un passeport macédonien, et alors que la Macédoine démocratique est candidate à l'adhésion à l'Union européenne, nous ayons été confinés en Macédoine pendant des années. En outre, dans une période difficile comme celle que nous vivons aujourd'hui avec la crise économique, les gens qui vivent coupés du monde sont des proies faciles pour les démagogues, les populistes, les xénophobes et autres nationalistes. Il ne faut pas permettre cela dans les Balkans. En Macédoine, plus de 70 % des jeunes de 16 à 30 ne sont jamais allés dans un pays de l'Union européenne ; et actuellement, les visas coûtent à notre population plus de 5 millions d'euros par an.

Pour conclure, je vous rappelle que la Macédoine est candidate à l'adhésion depuis trois ans, mais qu'aucune date n'est encore fixée pour le début des négociations d'adhésion. Dans ce contexte, je suis heureux de pouvoir engager un débat avec vous.

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