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Intervention de Jean-Claude Viollet

Réunion du 4 mars 2009 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Viollet :

Nous voyons souvent revenir dans vos propos, monsieur le secrétaire d'État, les mots « symbole » et « rupture ». Pour vous, le retour dans le commandement intégré serait symbolique. Quant au Président, il a indiqué que c'était la manifestation d'une nouvelle rupture. C'est l'un ou l'autre, même si une rupture peut avoir une portée symbolique. Quoi qu'il en soit, ce dossier engage très souvent la responsabilité politique de ceux qui s'expriment, et lorsque j'entends d'anciens Premiers ministres, avec leur expérience de la diplomatie, s'interroger sur l'opportunité de la démarche entreprise, je me dis qu'il y a matière à débat.

Nous ne sommes plus en 1949, ni en 1966. Quelle est aujourd'hui notre idée du nouveau concept stratégique de l'OTAN ? Cela n'a pas été clairement énoncé. Il faudra dire aux Françaises et aux Français ce que nous entendons négocier. Initialement, le concept stratégique concernait l'Europe et l'Atlantique Nord. Aujourd'hui, nous sommes présents en Afghanistan aux côtés de l'Alliance. Demain, nous serons peut-être sur d'autres terrains plus lointains encore, qui concernent naturellement l'Europe et la France, mais aussi l'ensemble du monde. De ce point de vue, l'Alliance atlantique est-elle le bon périmètre pour mobiliser les forces contre le terrorisme, par exemple ? A quel niveau sera fixé l'engagement des différents partenaires de l'Alliance ? Les moyens mis à sa disposition seront-ils limités – je pense au système des caveats ? Qu'en sera-t-il de son fonctionnement, des règles d'engagement et de décision ? Cela me ramène à l'article 5 : le périmètre et les objectifs étant différents, sa redéfinition s'impose.

Vous dites, à propos de l'Afghanistan, que notre logique est la bonne. Je le pensais tellement que j'ai moi-même voté pour la poursuite de l'engagement de la France et j'assume pleinement mon choix. Toutefois, je l'ai fait sous réserve que la France puisse s'exprimer clairement et peser sur la définition des objectifs et sur les moyens à engager dans l'opération. Or, rien de cela n'a été fait. Demain, nous prendrons peut-être la décision de renforcer encore notre engagement : il faudra refaire le point sur la nature de cet engagement, sur les objectifs poursuivis, sur les moyens consentis, évaluer les résultats, y compris sur un plan politique.

Par ailleurs, vous dites que l'Europe est un des pilier de l'Alliance. Mais comment doit-on organiser ce pilier, si tant est que les Américains en acceptent le principe ? Quel pilier, pour faire face à quelle menace ? Vous avez évoqué la crainte des Polonais face à la Russie, crainte confortée par ce qui s'est passé cet été en Géorgie. Mais dans cette affaire géorgienne, les Américains ne sont pas exempts de reproches dans la mesure où ils n'ont pas tenu compte de la notion d'« étranger proche » inventée par les Russes il y a bien des années. Dans cette affaire, l'Europe a pesé de tout son poids pour éviter le pire. La même question risque de se poser dans l'avenir : comment les engagements de l'Alliance sur le terrain européen se feront-ils demain ? Ne risque-t-on pas de nous retrouver devant des difficultés créées par certaines forces de l'Alliance – et non des moindres –, difficultés qui devront être réglées par les Européens et par eux seuls parce que les États-Unis estimeront qu'elles ne méritent pas un engagement ?

S'agissant du bouclier antimissile, les Américains ont négocié en direct, sans passer par l'Alliance – son secrétaire général nous a dit qu'il regrettait cette situation de fait. Pour ce qui nous concerne, nous sommes plutôt favorables à un système d'alerte avancée, comme en témoigne le lancement il y a quelques jours de SPIRALE, le système préparatoire infrarouge. L'alerte avancée est conforme à notre doctrine de dissuasion, alors que le bouclier antimissile pose le problème de la qualification de la dissuasion : en effet, se doter d'un bouclier antimissile revient à dire que l'on a peur que la dissuasion ne soit pas assez dissuasive. Or si nous nous dotons d'une alerte avancée, c'est précisément pour renforcer notre dissuasion. Il s'agit de deux systèmes différents. En tout cas, c'est au sein de l'Alliance que des décisions en la matière peuvent être prises. Quelle est la position de la France ?

Enfin, vous nous avez indiqué que l'on ne peut peser sur les décisions qu'à l'aune des moyens que l'on engage. L'un de nos collègues de la majorité rappelait hier que la France consacre à sa défense 1,7 % de son PIB ; or il faudrait qu'elle y consacre 3 % pour que nous puissions avoir les moyens de nos ambitions – il fut un temps où le pourcentage était de 5 %. Quels moyens sommes-nous disposés à engager pour peser ?

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