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Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 4 mars 2009 à 16h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Cazeneuve :

Je pense que nous pouvons remercier M. le secrétaire d'État pour la clarté et la cohérence de son exposé, qui nous donne l'occasion de prolonger un débat que nous avons engagé il y a quelques semaines et qui s'est poursuivi hier avec une audition très intéressante. Je voudrais lui démontrer que, sur ce sujet, aucun des membres de l'opposition ne fait preuve de psychorigidité et lui poser quelques questions simples.

Vous nous invitez, monsieur le secrétaire d'État, au pragmatisme et au réalisme, mais l'Europe de la défense est en panne, et cela depuis de nombreuses années. Vous avez rappelé, avec raison, le sommet de Saint-Malo en 1998 et l'initiative prise par Jacques Chirac et Tony Blair. A l'époque, le Gouvernement avait quelques prérogatives, si bien que le Premier ministre et le ministre de la défense ont joué leur rôle pour faire évoluer les choses. Toutefois, force est de constater qu'en raison notamment de la position des Britanniques, dont les tropismes atlantistes étaient très affirmés, les progrès accomplis au regard de ce que nous attendions ont été extraordinairement faibles. Et lorsque l'on s'inscrit dans le temps long de l'histoire de l'Europe et que l'on regarde la façon dont s'est cristallisée l'identité européenne de sécurité et de défense, on s'aperçoit que c'est un sujet sur lequel il est très difficile d'évoluer. D'une part, il constitue l'une des prérogatives les plus régaliennes des États et, d'autre part, il divise fortement les pays de l'Union, pour des raisons qui tiennent à leur histoire et à leurs alliances anciennes. De fait, certains regardent vers les États-Unis alors que d'autres, davantage tournés vers l'Europe continentale, proposent une autre orientation. L'Europe de la défense est donc, et depuis longtemps, en panne.

Vous évoquez avec prudence le bilan de la présidence française en la matière - l'EULEX au Kosovo, l'EUFOR au Tchad, auquel doit succéder la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad –, mais toutes ces opérations étaient engagées avant que ne débute la présidence française ! En matière de renforcement de l'Europe de la défense, nous cherchons en vain le bilan de la présidence française, qui pourtant, sur d'autres sujets, a abouti à des résultats très significatifs.

Le premier constat que nous devons faire ensemble – et vous l'avez dressé avec beaucoup de nuances car il vous faut plaider la cause pour laquelle vous êtes là –, c'est que l'Europe de la défense est en panne et que son bilan est singulièrement étique. Dès lors, quel intérêt avions-nous à changer de posture et en quoi la réorientation qui nous est proposée permettra-t-elle d'aller plus vite vers la création de l'Europe de la défense ? C'est une question que nous devons aborder avec pragmatisme et sans arrière-pensée.

Je considère que votre argumentation comporte des éléments contradictoires, à tout le moins insuffisamment fondés.

Tout d'abord, vous dites que la construction de l'Europe de la défense se fera plus facilement si la France se trouve dans l'OTAN. À moins d'apporter la démonstration qu'il y a au sein du commandement intégré une dynamique particulière des pays appartenant à l'Union qui leur permette de prendre des initiatives que nous ne pouvons pas prendre faute de faire partie de ce commandement, je ne vois pas sur quoi se fonde cette argumentation.

Par ailleurs, tout en étant à l'extérieur de l'OTAN, nous avons participé à un certain nombre d'opérations, comme en Afghanistan où nous sommes présents sur le théâtre d'opération, en étroite liaison avec les pays de l'Union. Je ne vois pas non plus en quoi le fait d'intégrer le commandement nous permettrait d'être plus efficaces et plus impliqués. Nous sommes certes à l'extérieur, mais il n'en reste pas moins que nous pouvons faire entendre notre voix lorsque surviennent des crises face auxquelles les États-Unis prennent une posture d'hyper-puissance et agissent dans l'unilatéralisme le plus pur, sans tenir compte des intérêts qui ne sont pas les leurs, de l'équilibre mondial et de la paix dans le monde. Il se trouve qu'un Premier ministre français, Dominique de Villepin, a prononcé il n'y a pas si longtemps un discours d'une très grande qualité devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Pensez-vous franchement qu'une telle liberté de ton serait possible si nous étions dans une mécanique totalement intégrée ?

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