Je vais d'abord vous expliquer quelle place occupe le développement des structures de garde d'enfants dans les priorités politiques de la Commission, puis vous faire part de nos dernières initiatives en la matière, enfin vous donner quelques informations figurant dans notre rapport sur l'état des lieux des structures en Europe. Concernant la pertinence du système français, je vous laisserai le soin d'en parler !
Dans le cadre de la conciliation vie professionnelle, vie privée et vie familiale, l'offre de structures d'accueil pour les enfants en âge préscolaire est un enjeu majeur pour la Commission européenne. En effet, l'accès à ces structures facilite l'emploi, en particulier des femmes, qui sont souvent les premières à prendre en charge les enfants mais aussi les personnes dépendantes ; il s'inscrit aussi dans la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes, eu égard aux écarts de salaires persistants et au déséquilibre dans la répartition des tâches domestiques et familiales ; et il constitue un soutien à l'inclusion sociale, l'emploi permettant de lutter contre la pauvreté des enfants et des parents, et les structures d'accueil de réaliser des projets familiaux, sachant que l'Europe subit actuellement un ralentissement démographique.
Quelques chiffres récents. La stratégie de Lisbonne, définie en 2000, portait notamment sur la conciliation vie professionnelle – vie privée. Sa relance en 2005 ayant mis l'accent sur l'emploi, le Conseil a alors fixé pour les femmes un objectif de 60 % de taux d'emploi d'ici à 2010. Aujourd'hui, ce taux se situe à 58 % en Europe et à 60 % en France. Selon nos dernières statistiques, le taux de chômage en Europe atteint 7,8 %, et 8,9 % en France. En Europe, 31,2 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 7,7 % des hommes – ces taux étant respectivement de 30 % et de 5,7 % en France. Ils confirment une inégalité entre les sexes, notamment parce que les femmes sont plus enclines à se sacrifier pour raison familiale et parce qu'un travail à temps partiel peut les aider à entrer sur le marché de l'emploi, ce qui n'est pas sans conséquence sur leur carrière et leur pension. D'où l'importance de structures d'accueil facilitant l'accès des femmes à un emploi rémunéré et du soutien à leur indépendance économique.
Autre comparaison pertinente : l'impact de la parentalité sur l'emploi des hommes et des femmes. En Europe, le taux d'emploi des femmes ayant un enfant de moins de douze ans diminue de 12,4 % par rapport aux femmes n'ayant pas d'enfant, alors que celui des hommes augmente de 7,3 %. La France se situe dans la moyenne européenne : - 10,1 % pour les femmes et + 7,3 % pour les hommes.
Autre élément intéressant qui révèle un décalage : la répartition du temps de travail domestique par rapport au temps de travail payé dans le ménage. Les femmes en Europe consacrent 18 heures de plus par semaine que les hommes au travail domestique. En revanche, elles consacrent sept heures de moins par semaine à un emploi payé. La France est également dans la moyenne pour le travail domestique des femmes, qui y consacrent 18 heures de plus par semaine, mais elle affiche un meilleur résultat pour les heures passées dans un emploi payé, avec un écart de 4 heures entre les hommes et les femmes.
Selon la nouvelle méthodologie européenne, l'écart des salaires entre les femmes et les hommes est de 17,4 % en Europe et de 15,8 % en France.
Dans le cadre de sa stratégie pour l'égalité hommes-femmes, la Commission a présenté en octobre dernier un paquet général sur la question de la conciliation vie privée – vie professionnelle. Ce paquet contenait deux propositions législatives et un rapport sur le suivi des « objectifs de Barcelone ». En 2002, le Conseil européen avait en effet invité les États membres à s'efforcer de mettre en place, d'ici à 2010, des structures d'accueil pour 90 % au moins des enfants entre trois ans et l'âge de la scolarité obligatoire et pour au moins 33 % des enfants âgés de moins de trois ans. Ces objectifs sont aujourd'hui une ligne directrice.
La première proposition législative vise à réviser la directive sur la maternité en portant la durée minimale du congé de maternité de 14 à 18 semaines payées en équivalents congés maladie ; en accroissant la flexibilité offerte aux femmes pour décider si elles prennent leur congé avant ou après l'accouchement ; en améliorant la protection de l'emploi des femmes pendant et au retour de ce congé. Je rappelle que l'Europe fixe un seuil minimal, chaque État membre étant libre d'aller au-delà, la France étant déjà à seize semaines.
La deuxième proposition législative vise à assurer l'égalité de traitement des travailleurs indépendants – dont la protection sociale est très souvent insuffisante – et des conjoints aidants, par exemple les épouses dans le secteur agricole dont la situation est très précaire. Nous proposons que les travailleuses indépendantes et les conjointes et partenaires de vie aidantes bénéficient du même droit à congé de maternité que celui prévu pour les travailleuses salariées, et que les conjoints et partenaires de vie aidants puissent s'affilier, sur une base volontaire, au même régime de sécurité sociale que les travailleurs non salariés.
Nous n'avons pas proposé de modifier le congé parental, la procédure européenne prévoyant que tout changement en la matière repose sur un accord des partenaires sociaux européens. Nous les avons donc consultés et leur avons remis un document comportant nos pistes pour moderniser ce congé. Je rappelle que le minimum européen est de trois mois – là aussi, la France est au-delà –, le volet rémunération revenant aux États membres. À ce stade, nous pensons souhaitable d'augmenter la durée du congé parental, de revoir sa rémunération, de prévoir la possibilité de le prendre jusqu'aux douze ans de l'enfant, au lieu de huit ans actuellement, et d'inciter les pères à le prendre.
Toujours pour favoriser la conciliation vie familiale – vie professionnelle, nous envisageons d'introduire des congés susceptibles de répondre aux besoins des travailleurs, à savoir le congé de paternité, le congé d'adoption, et le congé dit « filial » pour prendre soin de personnes dépendantes. Ce « paquet congés », le congé de maternité mis à part, est entre les mains des partenaires sociaux européens dont nous attendons les résultats des négociations pour ce printemps.
Dans le cadre du suivi des objectifs de Barcelone, la Commission a fait un rapport qui dresse un état des lieux des structures de garde en Europe et permettant ainsi de voir où en sont les États membres de leurs engagements.
Si nous n'avons pas, au niveau européen, la compétence pour légiférer sur les crèches, nous avons le devoir, et le pouvoir, de suivre les engagements des États membres et, à cet égard, notre rapport fournit des statistiques, des données harmonisées et comparables sur l'utilisation des « systèmes formels de garde » de la petite enfance, à savoir les crèches, les écoles maternelles, les assistantes maternelles – à l'exclusion des aides familiales, des jeunes filles au pair, etc. Cet état des lieux porte sur trois points : la disponibilité et l'accessibilité, le coût et le financement, la qualité et les conditions de travail.
En ce qui concerne la disponibilité et l'accessibilité, nous avons distingué deux classes d'âge d'enfants dont les besoins et l'offre de garde sont très différents. Pour les enfants de zéro à trois ans, la demande concerne principalement les crèches, dont l'accès est généralement payant – donc un peu plus coûteux pour les parents – et n'est garanti que dans un nombre très limité d'États membres, en l'occurrence la Finlande, le Danemark et la Suède. Sans surprise, des États nordiques ! De plus, des considérations culturelles et les traditions familiales des différents États entrent souvent en ligne de compte dans le choix du mode de garde. Enfin, les modalités des congés de maternité et parentaux ont un impact sur la demande de services de garde, des congés longs incitant les femmes à rester à la maison, donc à moins utiliser ces structures. Si l'on constate une grande hétérogénéité parmi les États membres pour cette tranche d'âge, on ne la retrouve pas pour les enfants de trois à six ans, dont une part importante est placée en école maternelle, système généralement subventionné ou gratuit dans les États membres.
S'agissant des structures de garde en général, nous avons aussi trouvé pertinent de distinguer les taux de couverture en fonction du nombre d'heures pendant lesquelles les enfants sont gardés – de 0 à 30 heures ou plus de trente heures par semaine –, une crèche ouverte trente heures ne pouvant répondre aux besoins des parents travaillant à temps plein.
Pour les enfants de zéro à trois ans, nos dernières statistiques font apparaître que seuls cinq États membres dépassent actuellement l'objectif de 33 % de taux de couverture. Cinq autres s'en approchent, parmi lesquels la France avec 31 %. Beaucoup d'États membres affichent une couverture inférieure à 10 %, une dizaine avoisinant les 2 % – comme la République tchèque et la Pologne. Ces écarts très importants s'expliquent, encore une fois, par les traditions familiales et les considérations culturelles qui entrent beaucoup en jeu pour cette tranche d'âge. Ce taux de couverture concerne les enfants quel que soit le nombre d'heures par semaine.
Pour les enfants entre trois ans et l'âge de la scolarisation, les résultats sont meilleurs : huit États membres, parmi lesquels la France, ont dépassé l'objectif de Barcelone de 90 % et trois autres en sont très proches. Les autres États membres ont, en général, un taux de couverture assez élevé, de 70 % à 80 %. En revanche, les structures d'accueil fonctionnant souvent à temps partiel pour cette tranche d'âge, en considérant le taux de couverture à temps plein, il apparaît que plus de la moitié des États membres ont en fait un taux de couverture en dessous de 50 %.
La question du coût et du financement est indissociable de celle sur la disponibilité des structures d'accueil. Eu égard à l'inclusion sociale, le coût ne doit pas être un frein au retour à l'emploi, en particulier pour les ménages les moins favorisés. Sur le caractère abordable financièrement des structures d'accueil, nous constatons de grandes différences entre les États membres, mais aussi à l'intérieur d'un même pays, cette coexistence de plusieurs modèles de financement offrant un choix aux parents. Pour les enfants de moins de trois ans, le coût net de la garde des enfants pour les ménages varie énormément entre les États membres, entre 5 % et plus de 30 %. D'après une étude de l'OCDE, la France se situe dans la tranche des États dont le reste à charge est le plus élevé, autour de 12 %, le taux le plus élevé allant à la Grande-Bretagne, avec 32 %.