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Intervention de François Perret

Réunion du 22 juillet 2008 à 15h00
Mission d’information sur les questions mémorielles

François Perret :

Je ferai quelques remarques dans le prolongement de ce que vient de dire M. le directeur général, tout en rappelant que la Direction générale de l'enseignement scolaire donne le cadre de ce qui doit être, tandis que l'Inspection générale constate ce qui est sur le terrain. Le cadre tracé par M. Nembrini m'inspire plusieurs remarques.

Premièrement, le propos se concentre – c'est l'objet des interrogations de la mission – sur la mémoire d'événements historiques. Or la mémoire concerne tous les enseignements et pas seulement celui de l'histoire. Il ne peut y avoir d'enseignement de la littérature ou de la langue française sans un effort de mémoire et sans que des choix soient opérés. Il n'y a pas non plus d'enseignement scientifique sans que l'on sélectionne dans l'histoire un certain nombre de faits ou certaines perspectives historiques. Le chantier de l'histoire des arts ouvre, de ce point de vue, un champ nouveau.

Il faut avoir à l'esprit que la mémoire est à l'oeuvre dans toute connaissance et dans tous les secteurs de l'école. Les programmes ont toujours privilégié certains événements historiques par rapport à d'autres. Ainsi, les programmes d'histoire de l'enseignement primaire applicables l'an prochain citent toute une série de personnages et d'événements classiques : Alésia, le baptême de Clovis, le couronnement de Charlemagne, Gutenberg, Varennes. Les programmes ont toujours mis en avant, surtout pour les âges enfantins, des personnages et des événements significatifs d'une époque pour permettre, à partir d'exemples concrets, de susciter la réflexion historique. Il en est de même dans l'enseignement du Français et de la littérature. Les programmes diffèrent selon les époques, selon que l'accent est mis sur tel ou tel événement plutôt que sur tel autre. Ces différences s'expliquent, non seulement par l'évolution des savoirs et de la recherche, c'est-à-dire par l'état du savoir savant, si je puis m'exprimer ainsi, mais également par des considérations qui touchent à l'actualité d'une société qui s'intéresse davantage à tel ou tel aspect de son histoire.

La réponse à votre première question, monsieur le président, est donc que tout programme est amené à faire des choix dans l'histoire et que c'est cet ensemble de choix dans toutes les disciplines enseignées qui fait de l'histoire de la France un roman national, lequel s'écrit de manière différente selon les époques.

Ma deuxième remarque renvoie à une autre problématique. Jean-Louis Nembrini a indiqué que la Direction générale de l'enseignement scolaire comportait un bureau pour l'élaboration des programmes et un autre pour promouvoir les pratiques mémorielles et accueillir les initiatives politiques prises dans ce domaine. Cette dualité que nous connaissons bien renvoie au problème de fond qui est celui de l'intégration dans les enseignements de toutes les initiatives prises en matière de travail de mémoire ainsi que de toutes les sollicitations qui ne cessent de s'abattre sur l'école. Ces dernières sont tellement nombreuses qu'il serait bien d'instituer, à l'école élémentaire, un « jour de l'école ». La difficulté est de transformer toutes ces initiatives en objets de savoir de telle façon, d'une part, qu'elles soient intégrées dans un projet pédagogique cohérent et, d'autre part, qu'elles aient un lendemain. Sinon, c'est un fusil à un coup et il y a peu de chances, dans la durée, que l'on reprenne des initiatives de ce type.

Ce qui est intéressant dans l'initiative qui a été prise pour l'enseignement de la Shoah à travers la figure des enfants martyrs, c'est justement que toute l'entreprise a tenté d'intégrer ce qui se présentait comme un acte purement mémoriel dans une perspective plus large d'enseignement avec des moyens sur lesquels je ne m'étends pas, laissant le soin à Hélène Waysbord d'en parler.

La dichotomie organisationnelle au sein même de l'administration centrale provient de la difficulté à intégrer dans les enseignements des initiatives chaque jour plus nombreuses qui ont chacune leur légitimité. Les gestes de premier secours, la sécurité routière, l'éducation au développement durable que l'on demande à l'école élémentaire d'enseigner sont peu intégrés – c'est un euphémisme – dans l'ensemble des enseignements. Or, tant que cette intégration n'est pas réussie, on est sûr d'un échec à court terme.

Derrière cette nécessaire intégration, il y a évidemment tout le débat sur le type d'enseignement qu'on vise. Au-delà des événements que, légitimement, on nous appelle à saluer ou à commémorer, quelle formation vise-t-on pour les jeunes gens qui nous sont confiés : quels types de valeurs, de compétences, de savoir-faire ou de savoir-être voulons-nous leur faire acquérir ?

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