Personne ne conteste que la BCE se soit adaptée, mais c'est une question de rapidité et d'ampleur. Avec la faillite de Lehman Brothers, les créanciers obligataires ont perdu leur capital, ce qui a poussé les investisseurs à se détourner des supports de placement bancaires. Le problème vient de la vitesse de substitution. La BCE a accru ses interventions en volume et en durée, mais le mouvement n'est pas suffisamment rapide pour permettre une gestion confortable de la liquidité, même si la situation est inégale selon la structure du bilan des établissements. Auparavant, le critère d'éligibilité des supports à la BCE était secondaire puisque l'essentiel des ressources provenait du marché. Or c'est elle désormais qui assure la part la plus importante des financements.
J'en viens à la solvabilité. À cet égard, les assurances données par les chefs d'État et de gouvernement aujourd'hui confortent les établissements. J'ai cru pendant quelques heures que la déclaration des 27 suffirait, mais les initiatives isolées de certains pays pour parer à l'urgence ont finalement fragilisé l'édifice d'ensemble et accru les troubles des marchés. Les perturbations intègrent aussi des paramètres autres que la crise financière dans la mesure où les agents anticipent des évolutions défavorables des agrégats économiques. Il s'agit de trouver une communication qui entraîne la conviction.
L'intervention des États se fera surtout par le biais de prises de participation, avec les conséquences éventuelles sur la gouvernance des établissements. C'est une voie qui, de notre point de vue, est efficace et, en tout cas, préférable à la garantie des dépôts qui se révèle largement anxiogène. L'argument est plus facilement compréhensible pour les consommateurs, mais ils entendent quant à eux un message d'alarme : il pourrait y avoir un problème. Pourtant, avant d'actionner la garantie, il faut qu'il y ait eu faillite. On n'en est pas là en France et, en tout état de cause, même en cas de difficulté, il vaut mieux prévenir que guérir. L'important, dans le cadre de la gestion de crise, est de fournir des informations de nature à restaurer la confiance. La technique suivie va dans ce sens.
Quant aux conséquences sur l'économie française, j'ai deux observations.
D'une part, nous continuons à financer l'économie à un rythme satisfaisant. Le crédit aux entreprises a progressé de plus de 2 % en un semestre – je parle des nouvelles activités –, et le crédit immobilier augmente aussi. Un journal affirmait ce matin que les banques étaient très restrictives en matière de financement du logement. Mais, dans le même temps, il faisait valoir que, depuis dix ans, le prix des actifs immobiliers s'était accru de 140 %. C'est précisément une des causes de désolvabilisation des acheteurs potentiels, bien avant la hausse des taux d'intérêt, qui sont passés de 4,5 % à 5,5 %. Le prix des actifs immobiliers est un problème. Il ne serait pas populaire de dire que, plus vite les prix baisseront, plus vite le marché s'équilibrera. Pourtant, c'est une des conditions du redémarrage, lequel suppose une resolvabilisation des acteurs.
D'autre part, s'agissant d'un risque de ralentissement de l'offre de crédit, la réglementation bancaire actuelle fait que chaque dépréciation se traduit par une réduction de la capacité des établissements à faire du crédit. À cet égard, la disposition prise par le G 4, qui semble devoir être reprise par la Commission européenne d'ici à la fin du mois d'octobre, et consistant à modifier les règles comptables, est de nature à réduire l'impact négatif de l'évolution des marchés et à mieux cadencer le rythme des dépréciations éventuelles en lissant la base de capital qui sert de multiplicateur de crédit. Par ailleurs, la Commission bancaire a mis en oeuvre le premier pilier du dispositif Bâle 2, c'est-à-dire la mécanique qui définit, sur la base du portefeuille de crédits et les risques de marché de chaque établissement, les besoins en fonds propres. Nous en sommes aujourd'hui à calculer les besoins supplémentaires pour tenir compte des risques inhérents à la plus ou moins grande diversification des activités et à la méthode de gestion des risques opérationnels. Dans ce domaine, les régulateurs « ont la main » et, s'il ne s'agit pas de changer radicalement les règles prudentielles, ils devront faire preuve de souplesse dans la mise en oeuvre qu'il faudrait étaler suffisamment dans le temps pour qu'une contrainte supplémentaire ne se traduise pas par une nouvelle restriction de l'offre de crédit. Les règles comptables et prudentielles sont des outils importants de pilotage de l'offre de crédit.