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Intervention de Jean-Marc Roubaud

Réunion du 15 janvier 2008 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Roubaud, rapporteur :

a rappelé que, le 2 octobre dernier, il avait présenté devant la commission le projet de loi autorisant l'approbation du protocole du 15 mai 2003 amendant la convention du Conseil de l'Europe pour la répression du terrorisme de 1977. Le présent projet de loi vise à permettre la ratification d'une autre convention du Conseil de l'Europe, relative pour sa part à la prévention du terrorisme, et dont les stipulations complètent celles de la convention de 1977 modifiée, ainsi que les nombreux instruments internationaux en vigueur dans ce domaine.

Cette nouvelle convention a été élaborée par le groupe de travail qui a préparé l'amendement à la convention de 1977 : ce groupe de travail a été mis en place par le Conseil de l'Europe à la suite des attentats du 11 septembre 2001 afin de réfléchir aux moyens de combler les lacunes du droit international et de l'action internationale dans ce domaine. Dès le départ, la nouvelle convention s'est voulue complémentaire des instruments internationaux en vigueur : elle s'en distingue en mettant l'accent sur la prévention du terrorisme, et pas sur la répression, mais elle s'appuie sur les normes internationales, notamment pour ce qui est de la définition des actes terroristes.

Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté la Convention le 3 mai 2005 et a décidé de l'ouvrir, à compter du 16 mai 2005, à la signature des Etats membres, de la Communauté européenne et des Etats non membres du Conseil de l'Europe ayant participé à son élaboration. La Convention a été signée par 41 Etats sur les 47 membres du Conseil de l'Europe. La France fait partie des signataires depuis le 22 mai 2006. Sept Etats l'ont ratifiée, ce qui a permis son entrée en vigueur le 1er juin 2007 pour ces Etats.

La nouvelle convention a trois objectifs principaux : obtenir, dans les droits nationaux, la création de nouvelles incriminations en amont de la commission d'actes terroristes, développer la coopération entre les Parties et garantir l'indemnisation des victimes.

La convention exige que les Etats parties érigent en infractions pénales la provocation publique à commettre une infraction terroriste, le recrutement pour le terrorisme, l'entraînement pour le terrorisme, ainsi qu'une série d'infractions accessoires, à savoir la complicité, l'organisation de la commission d'une infraction précitée, la contribution à la commission ou la tentative de commettre une telle infraction. La convention précise qu'il n'est pas nécessaire, pour qu'un acte constitue l'une des infractions précitées, qu'un acte terroriste soit effectivement commis. Les Etats parties doivent aussi prévoir la mise en oeuvre de la responsabilité des personnes morales, et faire en sorte que les infractions visées par la Convention soient passibles de peines « effectives, proportionnées et dissuasives », dans le respect de leurs obligations relatives aux droits de l'Homme et du principe de proportionnalité des moyens aux buts poursuivis.

La Convention crée un devoir d'enquête pour les Etats parties sur le territoire desquelles pourrait se trouver l'auteur ou l'auteur présumé d'une infraction visée par la Convention.

La Convention renforce la coopération internationale dans plusieurs domaines : en matière de prévention, afin d'améliorer la capacité des Etats parties à prévenir les actes terroristes, mais aussi en matière pénale, les Parties devant s'accorder « l'assistance la plus large possible pour toute enquête, procédure pénale ou procédure d'extradition ». Est aussi prévue la « transmission spontanée » d'informations recueillies à l'occasion d'une enquête par un Etat à un autre si le premier estime qu'elles peuvent être utiles au second.

Mais la Convention constitue surtout une avancée importante en matière d'extradition. Elle pose d'abord le principe « extrader ou poursuivre » : si une Partie refuse l'extradition d'une personne suspectée de la commission de l'une des infractions visées par la Convention, elle est obligée de soumettre sans retard l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale.

Par ailleurs, toute infraction prévue par la Convention est automatiquement considérée comme un cas d'extradition dans tout traité d'extradition conclu entre les Parties, ces dernières s'engageant à les considérer comme telles dans tout traité d'extradition qu'elles seraient amenées à conclure. En cas de besoin, la Convention peut constituer la base juridique d'une extradition liée à l'une de ces infractions si les Etats concernés n'ont pas conclu de traité bilatéral d'extradition.

Les stipulations de la Convention excluent la clause d'exception politique pour les demandes d'extradition relatives à une infraction prévue par la Convention. Une telle demande d'extradition ou d'entraide judiciaire ne peut être refusée au seul motif qu'elle concerne une infraction politique, connexe à une infraction politique ou inspirée par des motifs politiques.

Enfin, la Convention exige des Etats parties qu'ils adoptent des mesures pour protéger et soutenir les victimes des infractions terroristes commises sur leur territoire. Ces mesures, qui sont soumises à la législation interne des Etats, peuvent comprendre, par exemple, une aide financière et un dédommagement des victimes du terrorisme et de leur famille proche.

La ratification par la France de cette convention constituera un signe fort de la fermeté de la France vis-à-vis du terrorisme, mais elle n'entraînera pas de changement dans son droit interne. En effet, la France respecte d'ores et déjà les obligations d'incrimination figurant dans la Convention et s'est dotée dès 1986 d'un fonds d'indemnisation en faveur des victimes d'attentats en France et des ressortissants français victimes d'actes de terrorisme à l'étranger, qui porte depuis 1990 le nom de Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

L'exclusion de la clause d'exception politique apparaît en revanche plus délicate au regard du droit français, qu'il s'agisse du code de procédure pénale ou de la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui considère comme « un principe fondamental reconnu par les lois de la République ayant à ce titre valeur constitutionnelle » le principe selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour des infractions à caractère politique. Il a néanmoins accepté des assouplissements à ce principe lorsque les faits sont d'une « particulière gravité », notamment lorsqu'il s'agit d'actes de terrorisme. Le Gouvernement français n'a donc pas jugé nécessaire de déposer une réserve qui lui aurait permis de refuser une extradition au motif que l'infraction était politique.

Par sa dimension préventive, la Convention apporte des compléments très utiles aux instruments internationaux en vigueur, et en particulier à la convention européenne pour la répression du terrorisme, récemment amendée.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi (n° 516).

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