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Intervention de Jean-Michel Fourgous

Réunion du 13 février 2008 à 11h45
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Fourgous, Rapporteur de la MEC :

a rappelé que le bureau de la Commission des finances a souhaité que la mission d'évaluation et de contrôle examine les programmes d'armement qui représentent des enjeux financiers considérables, contribuent à la défense de la France et engagent le pays pendant des décennies. Les programmes d'armement naval, qui sont parmi les plus onéreux, ont été retenus. La MEC a examiné les trois plus importants : les sous-marins nucléaires d'attaque – SNA – Barracuda, les frégates FREMM et le deuxième porte-avions – PA2. Son rapport retrace, dans une première partie, ces trois programmes, tels qu'ils apparaissent à l'issue des auditions qui ont été menées puis, dans une seconde partie, les obstacles financiers et les difficultés de méthode relevés.

Les Barracuda sont destinés à remplacer les SNA Rubis dont la durée de vie a dû être prolongée. Le caractère indispensable de ce programme est évident : les SNA protègent les sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, piliers de la dissuasion française, ils protègent le groupe aéronaval et mènent des missions autonomes. Pour en avoir au moins trois opérationnels en même temps, il convient de détenir six bâtiments. Les Barracuda seront plus volumineux, plus silencieux et plus performants que les Rubis. Pour autant, leur disponibilité, légèrement meilleure que celle de leurs prédécesseurs, ne permettra pas de diminuer leur nombre, à moins de réduire les missions et les ambitions de notre pays.

Il s'agit d'un programme très coûteux, à raison d'environ 1,3 milliard d'euros l'unité, qui inclut toutefois six années et demi d'entretien. Seul le premier bâtiment est, pour l'instant, financé. Pourtant, il convient de ne plus attendre : d'une part, les Rubis ne pourront être prolongés indéfiniment, d'autre part, les chantiers de Cherbourg vont bientôt achever le dernier sous-marin nucléaire lanceur d'engins – SNLE –, le Terrible, et seront en chômage technique si on ne commence pas la fabrication des Barracuda.

La mission considère que l'étalement dans le temps des programmes d'armement majeurs doit être évité. En effet, l'expérience montre que tous les programmes qui ont fait l'objet d'un décalage se sont avérés plus onéreux que prévu, notamment parce qu'il a fallu prolonger la durée de vie des équipements devenus obsolètes qu'ils étaient censés remplacer. S'inscrivant dans cette logique, la MEC propose que le calendrier de réalisation des Barracuda ne soit plus modifié. Toute mesure d'économie devra donc être envisagée sur un autre programme.

Pour autant, tenant compte des contraintes budgétaires du pays, la mission propose de ne plus engager de nouveaux programmes d'armement sans qu'aient été dégagées les ressources réelles correspondantes, dans le cadre d'une politique budgétaire soutenable.

Les frégates européennes multi missions – FREMM – sont construites en collaboration avec l'Italie : il est prévu d'en construire 17 au profit de la France et 10 au profit de l'Italie. Les 8 premières FREMM françaises ont déjà été commandées, la première est en chantier depuis quelques mois. Ces frégates sont de bons bateaux de défense anti-aérienne et de lutte anti sous-marine. Elles ne sont certes pas aussi sophistiquées que les frégates Horizon avec lesquelles elles travailleront lorsqu'il s'agira, par exemple, de protéger le porte-avions, mais elles constituent un bon compromis coût–efficacité.

Elles représentent à nos yeux l'exemple à suivre, la marine ayant su se satisfaire d'un matériel éprouvé et performant sans tomber dans le piège consistant à demander toujours plus de fonctions, pas toujours indispensables. Cela n'a pas forcément été le cas pour d'autres programmes pour lesquels la course aux « surspécifications » inutiles a tiré les prix vers le haut.

Au total, chaque FREMM coûtera environ 400 millions d'euros, contre plus de 900 millions d'euros pour les frégates Horizon et 625 millions d'euros pour les frégates allemandes F125.

Toutefois, le financement de ce programme n'a pas été prévu par la loi de programmation militaire – LPM. A l'époque, il était question de faire appel à un « financement innovant », un partenariat public-privé qui aurait eu pour conséquence d'alourdir un peu plus l'endettement du pays et qui a été finalement abandonné. L'État a mis en place un financement inspiré d'une pratique britannique : 619ème du financement est apporté par le ministère de la défense et 1319ème par le ministère des finances, mais ces crédits, inscrits en loi de finances rectificative, ont été aussitôt gelés.

Le deuxième porte-avions – PA2 – est le programme emblématique de la marine nationale en même temps que le moins abouti. Il s'agit d'assurer la permanence à la mer du groupe aérien lorsque le Charles-de-Gaulle est en entretien.

Le bilan de la collaboration menée avec les Britanniques sur le PA2, qui devait se traduire par des économies et une meilleure interopérabilité, est pour le moins contrasté. La marine britannique utilise depuis les années 60 des avions à décollage et atterrissage vertical, alors que la marine française utilise des avions classiques, plus performants. Les deux marines ont des besoins techniques différents, les catapultes et brins d'arrêts n'étant que les éléments les plus visibles, et il apparaît que, sur le plan aérien, il n'y aurait pas d'interopérabilité entre les deux marines.

DCNS et la Direction générale de l'armement – DGA – estiment néanmoins que la France y a gagné deux années pour tout ce qui concerne le dessin de la coque et des parties communes et les Britanniques considèrent que ce sont les Français qui ont payé le dessin de leur porte-avions.

Pour autant, les coûts n'ont pas été réduits d'autant que, dans le cadre d'une restructuration de leurs chantiers nationaux, les Britanniques ne souhaitent pas mettre en commun la fabrication des coques. Chaque pays travaillerait séparément sur des plans d'inspiration commune.

Aussi, le coût du PA2, qui serait à propulsion classique, est aujourd'hui estimé à 3 milliards d'euros, soit à peu près autant que ce qu'a coûté le Charles-de-Gaulle, à propulsion nucléaire. Lors des auditions que la mission a réalisées, il a été admis que le coût final pourrait être plus proche de 3,5 milliards d'euros.

L'intérêt du porte-avions n'est plus à démontrer, même si le ravitaillement en vol, en permettant des missions de plus en plus longues d'avions basés à terre, l'a relativisé. Il reste à savoir s'il est souhaitable d'en acquérir un deuxième pour suppléer le Charles-de-Gaulle, disponible 70 % du temps et en entretien les 30 % restant. Outre le coût d'acquisition, le PA2 coûterait entre 125 et 135 millions d'euros de fonctionnement par an, soit plus de 5 milliards d'euros pendant sa durée de vie, estimée à 40 ans.

Une proposition du rapport, dans l'hypothèse où le PA2 serait construit, consiste à demander que soit incluses dans le contrat au moins six années d'entretien, de manière à sensibiliser le constructeur à cet aspect du programme.

M. Jean-Michel Fourgous a ensuite indiqué que la mission mettait également l'accent sur la nécessité de favoriser les exportations d'armements dans le double but de fournir de l'activité aux bassins d'emplois concernés, mais aussi de réduire les coûts de nos propres armements en augmentant les séries. Prendre en compte la nécessité d'exporter dès la conception même des matériels militaires est indispensable. La guerre mondiale actuelle est avant tout économique.

À titre personnel, M. Jean-Michel Fourgous a regretté le manque de culture entrepreneuriale de la DGA et a appelé de ses voeux une réforme de cette administration dont le processus décisionnel, selon lui, n'est plus adapté aux lois du marché et qui manque cruellement d'une « culture d'exportation ».

Présentant les perspectives à l'exportation des programmes examinés par la mission, M. Jean-Michel Fourgous a indiqué que les sous-marins Barracuda n'étaient pas directement exportables mais permettaient à DCNS d'acquérir un savoir-faire utile pour exporter des sous-marins à propulsion classique, les Scorpènes, déjà vendus à plusieurs pays. Les FREMM sont directement exportables : en raison de leurs qualités et de leur coût modéré par rapport à leurs concurrentes, elles devraient logiquement trouver des acquéreurs étrangers. Seul le PA2 n'offre pas de perspective d'exportation directe, même s'il contribue au savoir-faire et à l'excellence de DCNS.

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