S'agissant de la PESD, je remarque que l'Union européenne n'a jamais eu autant de missions qu'à l'heure actuelle : Kosovo, Bosnie, Géorgie, Proche-Orient, Afghanistan, Tchad… Je le répète, bien qu'elle puisse l'être encore plus, l'Europe est déjà forte. Il y a six ou sept ans, on n'aurait pas pu envisager la gestion simultanée de toutes ces opérations. Voilà pourquoi il m'est difficile d'imaginer qu'une France reprenant toute sa place au sein de l'OTAN bloquerait le développement de l'Europe de la défense.
À l'heure actuelle, la France joue dans l'OTAN un rôle politique et militaire très important. Elle est intégrée à 100 % politiquement, mais pas militairement. Si tel était le cas, cela aurait-il des conséquences aussi néfastes qu'on le dit sur l'Union européenne ? La France n'est pas un acteur de troisième ou de quatrième rang dans l'OTAN, bien au contraire ! Sans elle, les opérations et les missions de l'OTAN ne sont pas possibles.
M. Loïc Bouvard pose la question des avantages que la France pourrait retirer de sont intégration au commandement militaire. Tout d'abord, elle participerait pleinement à la discussion des « directives ministérielles » qui fixent les objectifs et les types d'opération. Il va sans dire, aussi, que des officiers généraux français seraient les bienvenus dans les structures de commandement. Enfin, il nous faut transformer le système de planification de la défense hérité de la Guerre froide, et je souhaite que la France participe pleinement à cette discussion. Elle pourrait ainsi influer sur les directives données aux autres alliés, États-Unis compris. Étant donné l'importance des troupes françaises en opération, ce serait un grand plus.
Pour ce qui est de la défense antimissile, lorsque j'ai appris l'existence de pourparlers au sujet d'un troisième site américain en Europe, j'ai dit d'emblée à l'administration du président Bush : si l'on veut être sérieux, il faut « otaniser » le débat. J'ignore quelle sera la position du président Obama. Le vice-président Biden a indiqué qu'il n'était pas entièrement convaincu de l'efficacité du système et que l'information sur les coûts était insuffisante. Pour ma part, je soutiendrai toujours que la défense antimissile est une priorité de l'OTAN et qu'elle ne saurait avoir un effet négatif sur la dissuasion.
La France, madame Fort, décidera seule de sa participation aux missions et opérations de l'OTAN. Notre organisation repose sur un principe sacré, celui du consensus. Quant à la dissuasion nucléaire française, elle n'est pas du ressort de l'OTAN, non plus que la gestion des opérations de maintien de la paix. Dès lors, je ne crois pas que le dernier pas qui consiste à rejoindre la structure militaire intégrée fasse une grande différence ni pour la France, ni pour l'OTAN, ni pour l'Europe. Vraiment, je ne vois pas comment le fait que la France reprenne toute sa place affaiblirait l'Europe de la sécurité et de la défense. Cela dit, il s'agit d'une décision nationale souveraine. Il me revient ensuite, en tant que garant des procédures, d'en appliquer les conséquences au niveau de l'OTAN. J'ai une grande admiration pour le général de Gaulle et je me sens un peu gaulliste, mais je crois qu'il est temps que la France et l'OTAN profitent d'une rénovation de la relation entre la France et l'Alliance.
L'OTAN, en tant que telle,, monsieur Fromion, ne peut prendre position sur la coopération structurée permanente. À titre personnel, je pense qu'il est très positif que l'Europe se donne les moyens de telles coopérations car j'espère que l'Europe de la sécurité et de la défense ne se résumera pas à un « pouvoir doux » – soft power. Il faut qu'elle soit également active dans le hard power, faute de quoi on assistera à un partage des responsabilités entre l'Union européenne et l'OTAN qui me semble peu souhaitable. Pour moi, l'Europe de la défense doit assumer des opérations plus importantes que des opérations de maintien de la paix. Je suis aussi favorable à la formule des groupements tactiques. En Afghanistan, la formation de la police est certes importante mais je souhaiterais que l'Union européenne soit également active dans les opérations militaires que nous sommes obligés de mener.
Enfin, monsieur Gérard Voisin, l'OTAN n'est pas impliquée dans la difficile question de Chypre. Cependant, l'absence de solution à ce problème n'est pas sans conséquences sur les relations entre l'Union européenne et sur l'OTAN. Il ne s'agit pas d'accuser quiconque, mais une solution est nécessaire pour que ces relations s'améliorent.