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Intervention de Bertrand Fragonard

Réunion du 15 mai 2008 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Bertrand Fragonard :

À ce sujet, nous avons adopté, en avril 2005, un avis que je trouve encore excellent, très actuel. L'idée sous-jacente aux ALD reste robuste. Dans notre système, lorsque les dépenses de santé d'un assuré social excèdent un certain montant, la gratuité des soins est garantie. La prise en charge des ALD constitue une illustration importante de ce principe, tout comme l'exonération dite « du K50 », applicable aux soins hospitaliers dès qu'ils sont un peu lourds, hormis la petite franchise instaurée il y a quelques années. Le régime des ALD a représenté un progrès considérable dans l'accès aux soins. Le Haut conseil n'envisage aucunement d'explorer l'hypothèse brutale de sa suppression. Cela reviendrait au demeurant à déverser sur les complémentaires un montant massif, concentré sur les personnes âgées, avec un système de compensation de solidarité. Le Haut conseil a jugé qu'une réforme des ALD ne saurait aller jusqu'à la casse du concept, à l'instar du forfait hospitalier de 18 euros, qui ne remet pas en cause le principe de l'exonération dite « du K50 ». En réalité, la croissance des ALD ne doit pas être déplorée mais constatée, ce n'est pas un échec mais une donnée : si le nombre de diabétiques augmente, il convient de les soigner correctement et d'assumer la dépense. Si les dépenses liées aux ALD progressent, c'est aussi le cas des dépenses liées aux autres affections, même si leur rythme de croissance est un peu moins rapide.

D'où vient le débat ? Plus que d'autres dispositifs, cette exonération est soumise à une indication médicale. Dans la mesure où les restes à charge – RAC – assumés par les malades non éligibles au dispositif des ALD sont élevés, ne serait-il pas plus équitable de se détacher de la condition médicale ? Mais quelles seraient les conséquences financières de ce changement ? Dès 2005, sans employer l'expression « bouclier sanitaire », nous avions évoqué l'idée d'un mécanisme financier unifiant les prises en charge sur la base d'un plafonnement durable. Le système actuel semble rationnel de loin mais recèle en réalité nombre d'excroissances, de failles et de disparités, notamment des RAC excessifs dans certaines situations. Plusieurs centaines de milliers d'assurés seulement sont frappés mais l'éthique du système s'en trouve entachée. Il ne faut pas négliger non plus les dépassements d'honoraires, devenus l'un des problèmes majeurs de l'assurance maladie.

Pour supprimer les disparités, il existe deux voies : modifier le périmètre de l'ALD pour ne plus protéger que les maladies véritablement longues et coûteuses ; substituer le concept de bouclier sanitaire à celui d'ALD. Dans la première hypothèse, il appartiendrait à la Haute Autorité de santé, la HAS, puis aux autorités de tutelle de définir le cercle béni des ALD. Mais trier entre les maladies serait extrêmement difficile : choisir entre les diabètes ou faire sortir du régime des ALD les malades stabilisés supposerait une énergie politique considérable. La tendance est plutôt à allonger la liste des ALD. Le Haut conseil a d'ailleurs approuvé l'opposition de la HAS à un classement en ALD de toutes les maladies orphelines ou rares.

Finalement, même si des progrès étaient enregistrés dans le tri entre maladies, l'instauration du bouclier serait pertinente car c'est le seul processus rationnel. C'est la conclusion de notre rapport, qui, je le reconnais, a créé quelques perturbations. Deux questions se posent : faut-il mettre en place un bouclier ? Doit-il prendre en compte les revenus ? Cette nouvelle approche, pour pertinente qu'elle soit, ne révolutionnera pas la réalité sociale : nos dépenses augmentent parce que nous détectons les maladies plus rapidement et parce que nous les soignons mieux. C'est d'ailleurs pourquoi le système doit être revu périodiquement. Il n'en reste pas moins qu'une réforme supprimant le concept d'ALD sans lui substituer le bouclier ne saurait faire l'objet d'un consensus au Haut conseil car presque aucun ménage ne pourrait supporter les dépenses liées à certaines maladies.

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