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Intervention de Hervé Morin

Réunion du 7 octobre 2008 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Hervé Morin, ministre de la défense :

Je suis heureux de retrouver votre commission pour présenter un budget qui est bon, et même très bon. Ce budget est absolument conforme aux engagements pris depuis un an : réorganisation du ministère, restructuration de nos implantations, réflexions sur la mutualisation, l'interarmisation et la répartition des ressources entre soutien et forces opérationnelles, les moyens humains étant aujourd'hui consacrés pour plus de 60 % au soutien et près de 40 % aux forces opérationnelles. Nos efforts sont payés de retour puisque le projet de budget nous permettra tout à la fois de réaliser des progrès importants dans l'équipement des forces et d'améliorer la condition du personnel.

Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » vous ont été présentés la semaine dernière par M. Jean-Marie Bockel. Je vous rappelle également que je ne présenterai pas les crédits de la gendarmerie. C'est le ministère de l'intérieur qui les gérera désormais intégralement dans le cadre de la mission « Sécurité ».

Quelques mots sur le contexte dans lequel ce budget, qui correspond à la première année de l'exécution de la loi de programmation militaire, a été préparé.

Dès mon arrivée au ministère en mai 2007, mon attention a été appelée sur le caractère insoluble de l'équation financière de la période 2009-2011 et en particulier de celle de l'année 2009 pour laquelle nous aurions dû assurer, si nous en étions restés au référentiel de fin 2006-début 2007, une dépense de 34,7 milliards d'euros, soit un saut de plus de 4 milliards.

Les prévisions tablaient, pour les dépenses d'équipement, sur une augmentation de 6 milliards d'euros en moyenne annuelle pour la période d'exécution de la loi de programmation 2009-2014. Ce n'était ni réaliste ni compatible avec l'état de nos finances publiques et nos engagements européens. Nous avons beaucoup travaillé sur cette « bosse » financière dans le cadre de la RGPP, de la revue des programmes d'armement et du Livre blanc.

Ce dernier, en définissant les moyens, les formats et les contrats opérationnels des armées, a reconfiguré nos besoins et les a hiérarchisés sur une période de douze à quinze ans. Il prévoit ainsi 377 milliards d'euros pour la période 2009-2020 tout en fixant un rythme d'accroissement des ressources de 0 % en volume jusqu'à 2011, puis de 1 % en volume à partir de 2012. Il acte en outre le financement des besoins au-delà des crédits budgétaires par des ressources exceptionnelles. Entre 2009 et 2011, la résorption de la « bosse » résiduelle représentera environ 1,7 milliard d'euros.

La réforme du ministère porte principalement sur notre dispositif d'administration et de soutien. Elle permettra d'importantes réductions d'effectifs – 54 000 au total d'ici à 2015 –qui nous donneront des marges de manoeuvre supplémentaires pour financer la condition des personnels et l'équipement des forces. Ces efforts ont porté leurs fruits puisque nous serons en mesure de vous présenter dans quelques semaines un référentiel de programmation robuste. Ce référentiel présente des choix clairs, décline les priorités définies dans le cadre du Livre blanc et prévoit les financements associés.

Pour la première fois, le projet de loi de finances s'inscrit dans le cadre de la programmation de l'ensemble des dépenses de l'État sur trois ans. Il fixe donc des enveloppes pour la première moitié (2009-2011) de la loi de programmation militaire, qui portera sur la période 2009-2014.

Le projet de loi de programmation et son rapport annexé devraient être déposés sur le bureau de votre assemblée au mois de novembre afin que vous puissiez les examiner en première lecture avant Noël. L'idée est de parvenir à une adoption définitive à la fin du mois de janvier 2009. Il est important de tenir ce calendrier car le projet comporte l'ensemble des mesures de restructuration du ministère ainsi que les dispositions d'accompagnement social.

Conformément à la démarche globale que je viens de retracer, ce budget triennal respecte les engagements pris. Malgré l'état de ses finances publiques et la crise financière que nous traversons, la France ne baisse pas la garde en matière de défense. La capacité d'adaptation et de réforme dont notre ministère fait preuve permet d'optimiser les ressources budgétaires qui lui sont accordées.

La défense constitue une réelle priorité du budget de l'État. Conformément à la trajectoire financière définie par le Livre blanc, les ressources de la mission « Défense » hors pensions – étant entendu que les pensions progressent de 350 millions d'euros cette année – connaîtront une progression égale à celle de l'inflation dans la période 2009-2011. Nous tiendrons donc l'objectif du « zéro volume ». Cette trajectoire est dérogatoire à la norme appliquée aux autres ministères : compte tenu de la progression de la charge de la dette et des pensions, c'est plutôt le maintien en valeur qui est pour eux la référence voire, pour certains d'entre eux, une baisse des crédits.

L'objectif d'une croissance zéro des ressources en volume implique trois hausses successives de 500 à 600 millions d'euros en 2009, 2010 et 2011 afin de tenir compte de l'inflation. En 2009, le financement de cet accroissement sera assuré par des ressources exceptionnelles, consolidées les deux années suivantes. En 2010 et 2011, le financement sera assuré par des crédits budgétaires.

Au-delà de cette trajectoire, il nous faudra financer le pic de besoins supplémentaires –la fameuse « bosse » – pour passer de 31 milliards à 32 milliards. Comme pour les 600 millions dont je viens de parler, ce milliard supplémentaire proviendra de ressources exceptionnelles.

Les ressources totales de la mission « Défense » hors pensions augmenteront donc de 5,4 % en 2009, pour atteindre un peu plus de 32 milliards contre 30,4 milliards en 2008, à structure de budget comparable.

Les recettes exceptionnelles proviendront des cessions d'actifs immobiliers issues des redéploiements territoriaux et du regroupement des implantations de l'administration centrale sur un site unique à Balard, ainsi que des cessions de fréquences résultant du réaménagement du spectre électromagnétique au titre du dividende numérique. En effet, le passage de la télédiffusion du mode analogique au mode numérique entraînera une opération importante de réattribution des fréquences au profit notamment de la téléphonie mobile. La défense sera partie prenante et retirera des recettes des fréquences qu'elle sera amenée à céder.

Deux comptes d'affectation spéciale seront sollicités, l'un, existant, relatif aux cessions immobilières, qui recevra des produits de cessions immobilières de la défense à hauteur d'un milliard d'euros, l'autre, dont la création est prévue au projet de loi de finances pour 2009, relatif à la valorisation de la ressource spectrale à hauteur de 600 millions d'euros. Ces recettes sont sûres, plus même que le reste du budget puisque les crédits figurant dans un compte d'affectation spéciale sont reportables d'une année sur l'autre sans qu'il y ait possibilité de régulation budgétaire.

La crise n'aura pas d'incidence sur les revenus tirés de l'immobilier puisque le ministère de la défense obtiendra le milliard d'euros dès l'année 2009 : c'est une société immobilière dépendant de l'État et appuyée sur un opérateur du secteur public qui réalisera ensuite le portage des immeubles et les revendra au fur et à mesure, aux meilleures conditions du marché.

Deuxième caractéristique de ce budget : la maîtrise de la masse salariale. Pour la première fois dans l'histoire récente du ministère, celle-ci ne progressera pas en 2009. Elle diminuera même légèrement pour s'établir à 11,7 milliards d'euros contre presque 11,8 milliards d'euros en 2008, tout en permettant un effort exceptionnel en faveur de la condition des personnels civils et militaires.

8 390 emplois seront supprimés dans le périmètre du ministère, dont 8 000 pour la mission « Défense ». Compte tenu de la création de 140 emplois dans les services de renseignement, le solde net sera de 8 250 suppressions d'emplois.

Ces économies nous permettent de financer la revalorisation de la condition du personnel à hauteur de 89 millions d'euros, dont 74 millions pour les militaires et 15 millions pour les civils, au-delà des mesures générales applicables à l'ensemble de la fonction publique. En 2008, l'effort a porté sur l'ensemble des militaires du rang et sur les sergents en début de carrière, conformément au plan d'amélioration de la condition militaire arrêté par mon prédécesseur en février 2007. En 2009, l'essentiel de l'effort sera dirigé vers les sous-officiers et une partie des officiers. Je précise que les textes relatifs à la réforme des statuts particuliers des militaires ont été publiés.

Nous financerons aussi le plan d'accompagnement social des réformes à hauteur de 140 millions en 2009. Ce plan repose sur des aides au départ – pécules pour les militaires –, à la reconversion ou à la mobilité. L'effort portera principalement sur le soutien, mais aussi, accessoirement, sur l'opérationnel lorsqu'il s'agira d'accompagner la dissolution de certaines unités de blindés, d'artillerie ou de transmission, conséquence directe de la chute du mur de Berlin. Les restructurations ne toucheront pas les forces engagées sur les théâtres d'opérations extérieures.

Le processus de baisse de la masse salariale s'amplifiera dans les années à venir compte tenu des prévisions de réduction d'effectifs. Au terme de la loi de programmation, en 2014, la masse salariale du ministère sera inférieure à celle de 2008, et ce malgré le plan d'amélioration de la condition militaire et le GVT – glissement vieillesse technicité. Nous disposerons ainsi de marges de manoeuvre importantes pour l'équipement des forces.

L'effort d'équipement est en effet la troisième grande caractéristique de ce budget. Nous savons tous que notre armée a besoin de renouveler la quasi-totalité de ses matériels et doit lancer de nouveaux programmes identifiés par le Livre blanc comme des priorités, par exemple en matière d'observation et de renseignement.

En 2009, cet effort atteindra 17 milliards d'euros contre 15,4 milliards en 2008, soit un bond de plus de 10 %. En outre, nous disposerons d'autorisations d'engagement pour passer 10,2 milliards d'euros de nouvelles commandes globales – 60 Rafale, 3 frégates multimissions (FREMM) et 332 véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) – liées à la renégociation des contrats avec les industriels.

Au-delà de ces programmes structurants, nous passerons commande en 2009 de 150 missiles de croisière navals, de 22 hélicoptères NH90 en version terrestre et de 232 petits véhicules protégés. La priorité accordée à la fonction connaissance et anticipation et à l'espace sera concrétisée dès 2009 avec le lancement de la phase de conception du programme européen MUSIS, qui succédera à Hélios. J'espère que nous pourrons signer les lettres d'intention lors du conseil des ministres de la défense européen en novembre prochain, en confiant notamment à l'agence européenne de défense – AED – l'ensemble du segment sol. Je précise que la Pologne s'apprête à rejoindre les six pays participant à ce programme.

J'en viens aux livraisons prévues pour 2009 : il s'agit notamment de 8 hélicoptères Tigre, 14 avions Rafale, 96 VBCI, 34 canons automoteurs Caesar, la deuxième frégate antiaérienne Horizon et 128 missiles antiaériens ASTER 15 et 30 liés au programme SAMPT – système sol-air moyenne portéeterrestre.

Les dotations destinées au maintien en condition opérationnelle – MCO – hors dissuasion augmenteront de 8 %, pour atteindre 2,9 milliards. En dépit de l'effort consenti, nous connaissons toujours des difficultés liées à l'usure des matériels et à leur emploi intensif. Nous avons déjà réformé le service de soutien à la flotte et ceux chargés du MCO aéronautique. Nous allons maintenant le faire pour l'armée de terre en créant une structure intégrée de MCO du matériel terrestre – SIMMT –, qui assumera la maîtrise d'ouvrage déléguée et un service de maintenance industrielle terrestre – SMITER –, qui rassemblera l'ensemble des moyens industriels étatiques.

Il convient aussi de souligner la consolidation de notre effort de recherche. Les études amont progressent de 2,5 % par rapport à 2008, avec une dotation de 661 millions d'euros. Dans un périmètre plus large, les études de défense, qui comprennent les subventions aux écoles et organismes de recherche, verront leur budget s'accroître de 7 % pour atteindre 1,570 milliard d'euros.

J'en viens enfin aux OPEX, pour lesquelles nous faisons un effort supplémentaire : 510 millions d'euros de provision de financement sont prévus pour 2009 contre 460 millions en 2008. Les dépenses en 2008 devraient être plus proches de 800 millions d'euros que du milliard.

Conformément au voeu formulé par le président Teissier, j'ai engagé un premier travail de réflexion et de hiérarchisation des OPEX pour présenter au Président de la République, le moment venu, un certain nombre d'éléments. Ainsi, lors de la réunion informelle des ministres de la défense de l'Union européenne qui s'est tenue la semaine dernière, j'ai quasiment obtenu que nous arrêtions l'opération Althea en Bosnie. Il reste 2 500 à 3 000 hommes sur place mais les forces ont rempli la totalité de leur mission militaire. De même, faut-il maintenir au même niveau notre engagement en Côte-d'Ivoire ? Quelles seront les conséquences du transfert à l'ONU de l'opération EUFOR au Tchad ? Il nous faut veiller à réduire autant que possible les dépenses dans les années futures.

Un dernier élément figurera dans la loi de programmation militaire : j'ai obtenu la mise en place d'un mécanisme de financement assuré par la réserve interministérielle, ce qui mettra fin au financement des OPEX par le seul budget de la défense.

S'agissant des mesures d'urgence en Afghanistan, nous n'avons rien engagé avant le vote du Parlement, conformément à la lettre et à l'esprit de la Constitution. L'état-major des armées m'avait indiqué que l'acheminement de l'ensemble des éléments prendrait six semaines. Les hélicoptères sont déjà sur place, les drones en cours d'acheminement, et tout sera opérationnel à partir du 15 octobre.

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