J'ajouterai deux compléments d'information à l'intention de M. Boucheron. Tout d'abord, pour ce qui concerne la présence de précurseurs chimiques et de laboratoires sur le territoire pakistanais, je peux personnellement témoigner que, de 1998 à 2004, période où j'étais en poste au Pakistan, j'ai travaillé très étroitement avec les autorités pakistanaises et que, selon les informations provenant des officiers de liaison, il n'y avait plus de laboratoires au Pakistan à cette époque, parce que l'Afghanistan était suffisamment équipé de l'autre côté de la frontière – et, de fait, certaines communautés vivent à cheval sur cette frontière fictive qu'est la ligne Durand. Cela étant, le Pakistan entre aujourd'hui dans une zone de turbulences. Dans la province du nord-ouest du Pakistan, le Waziristan, dans l'agence de Khyber, que vous avez mentionnée, et dans celles de Bajour et de Dir, où les Nations unies intervenaient dans le cadre de programmes d'élimination des cultures dans les années 90, tandis que les Américains intervenaient dans les agences très particulières de Bajour et Mohmand, les talibans sont aujourd'hui installés, ainsi que des factions d'Al Qaïda, et tout porte à croire que pourraient s'y trouver des laboratoires, qui permettent d'augmenter les profits. De fait, 10 kilos d'opium permettent d'obtenir un kilo d'héroïne qu'on pourra vendre jusqu'à 50 fois plus cher que le kilo d'opium. D'autre part, nous évoquerons très prochainement une enquête sur les cultures illicites d'opium au Pakistan, car, si ce pays a pu être déclaré pays libre d'opium en 1998-1999, comme nous avons pu en témoigner après vingt ans d'assistance, on peut aujourd'hui se poser la question.
Pour répondre à la question de M. Myard sur la précision de nos enquêtes quant à la présence de cultures d'opium, je préciserai que ces enquêtes sont réalisées dans le cadre de notre programme d'enquête sur les cultures illicites, qui porte notamment sur l'opium en Afghanistan et au Myanmar et sur la coca en Amérique latine. Ce programme est très affiné. En Afghanistan, pour la période de janvier à août, c'est-à-dire entre le moment où les semences commencent à germer, et la récolte, plus de 300 enquêteurs – j'allais dire : « soldats » – sont sur le terrain et mènent l'enquête village par village, prenant des photos et identifiant les cultures. Nous couplons cette surveillance sur le terrain avec des prises de vues satellitaires qui nous donnent une vue d'ensemble du territoire. Je puis vous remettre la synthèse de notre enquête de cette année et vous communiquerai le rapport qui traite, village par village, des cultures illicites. Vous pourrez vous rendre compte par vous-même de la précision et de la qualité de nos informations.