a indiqué que la mission Sécurité civile représente 418,4 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008. En ajoutant les dotations des autres ministères, la charge totale pour l'Etat s'élèverait à 900 millions d'euros en 2008. Mais l'essentiel des charges en faveur de la sécurité civile est supporté par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). En 2006, les comptes administratifs des départements faisaient apparaître une dépense de 4,2 milliards d'euros. Les budgets primitifs pour 2007, qui présentent une augmentation de près de 20 % par rapport aux comptes administratifs pour 2006, s'élèvent même à 5,1 milliards d'euros.
Au total, les dépenses consacrées à la sécurité civile devraient représenter 5,9 milliards d'euros. La charge de cette politique publique est proche de celle du Logement (6,2 milliards d'euros) ou de la Justice (6,5 milliards d'euros). De telles augmentations rendent l'effort contributif de nos concitoyens difficilement supportable et ces dépenses font défaut dans d'autres secteurs tout aussi prioritaires de l'action locale. Les dépenses des SDIS par habitant dans les comptes administratifs pour 2006 représentent une dépense de 82 euros par habitant. Dans certains départements, cette dépense représente un prélèvement qui peut être supérieur à celui de la taxe d'habitation pour une famille de quatre personnes.
Force est de constater que l'appel lancé par votre Rapporteur spécial depuis deux ans n'a pas été entendu. L'importance de ces dépenses et la continuation de leur augmentation contraignent maintenant à demander une pause, en engageant un mouvement de regroupement des casernes et en cessant les recrutements. Le système n'est pas piloté, avec d'un côté l'État qui détient uniquement les moyens mutualisés et qui réglemente, et de l'autre les SDIS, en charge de la plus grande partie des moyens opérationnels, sous la responsabilité des conseils généraux. La création en 2004 de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours n'a pas permis d'assurer une véritable gouvernance de la sécurité civile dans notre pays. La revue générale des politiques publiques, engagée par le Gouvernement à la suite de l'élection du Président de la République le 6 mai 2007, doit être l'occasion de reposer le problème de l'architecture institutionnelle de notre système de sécurité civile. Il faudrait qu'un de ses groupes de travail soit explicitement en charge de la sécurité civile.
En application de la LOLF, et pour la première fois le 31 mai 2007, le rapport annuel de performances sur la mission Sécurité civile a été présenté en annexe au projet de loi de règlement pour 2006. Il s'agit d'une avancée majeure dans l'information du Parlement sur l'exécution du budget. Mais sa mise en oeuvre devra s'affiner au cours des ans, avec une meilleure appropriation du document par le responsable de programme. Le ministère de l'Intérieur a habilement fait usage de la fongibilité asymétrique pour participer au financement du 12ème Canadair avec les crédits de personnel non consommés.
Trois grandes orientations sont proposées par le Gouvernement en 2008 : la modernisation des matériels d'intervention sur les risques naturels et technologiques et de lutte anti-terroriste, la poursuite du projet ANTARES (dispositif d'interopérabilité des réseaux de communications) et des projets immobiliers ciblés sur les sites opérationnels. Le projet annuel de performances pour 2008 prévoit 732,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 418,4 millions d'euros en crédits de paiement. La forte augmentation des autorisations d'engagement résulte de la décision prise de conclure, en 2008 un marché de maintenance des aéronefs qui court sur une période de dix ans, comme l'avait préconisé l'audit de modernisation d'avril 2006 sur le sujet.
Il faut se féliciter de la bonne maîtrise par les services de l'Etat du budget de la sécurité civile. Il est d'autant plus étonnant, par comparaison, que les départements n'arrivent pas à en faire autant, avec une augmentation permanente des coûts des SDIS. Cette maîtrise des coûts et des budgets par les services de l'Etat souffre cependant deux exceptions notables : les colonnes de renfort et les secours d'extrême urgence, qui font l'objet de sous-dotations chroniques. Le projet annuel de performances pour 2008 prévoit un montant de 1,7 million d'euros pour les crédits de colonnes de renfort, alors que la moyenne des cinq dernières années s'élève à 9,5 millions d'euros. Les secours d'extrême urgence sont dotés de 0,1 million d'euros en 2008, où la différence est encore plus grande avec la moyenne de consommation des cinq dernières années, qui s'élève à 26 millions d'euros.
Conformément aux préconisations des corps d'inspection, la justification du coût synthétique de l'heure de vol par appareil et l'intégration des dépenses d'investissement des flottes aériennes dans une perspective pluriannuelle, avec notamment l'indication de l'échéancier de paiement pour les investissements, ont été développées dans le projet annuel de performances pour 2008.
Un objectif spécifique a ainsi été défini pour l'école nationale supérieure des officiers des sapeurs-pompiers (ENSOSP), auquel a été associé un indicateur de performance. Il faut regretter le retard de négociation et de signature du contrat d'objectif et de performance, qui est pourtant une obligation de la LOLF et qui seul permet un exercice efficace de la tutelle sur cette école. L'ENSOSP doit jouer un rôle primordial dans le recrutement et la formation de haut niveau des cadres supérieurs des services d'incendie et de secours. La presse a rapporté, ici ou là, des comportements violents ou indisciplinés de certains sapeurs pompiers professionnels. Ces comportements isolés ne remettent évidemment pas en cause le haut degré de compétence et de professionnalisme de la très grande majorité de ces fonctionnaires territoriaux, mais il convient de les dénoncer et de les corriger par le recrutement et la formation.
En 2008 le Fond d'aide à l'investissement des SDIS (FAI) se verra doté de 28 millions d'euros de crédits. Ce fonds fait l'objet d'une réforme en profondeur pour éviter le saupoudrage et simplifier les procédures. Il s'agit de rendre au FAI sa fonction d'orientation des investissements des SDIS, en favorisant la mutualisation des acquisitions et de l'emploi des matériels. Ainsi pourra être recentrée l'action de l'Etat sur un nombre réduit de priorités. Ainsi le Var ne dispose pas d'hélicoptère de surveillance, alors que les départements voisins en ont, et une mutualisation serait utile.
La version 2008 du projet annuel de performances a pris en compte certaines remarques des corps de contrôle, notamment la création d'un indicateur sur le délai d'intervention sur colis piégés (transports en commun). Cette présentation, qui est intéressante et claire, est par contre trop brève et trop descriptive. Votre Rapporteur spécial rappelle sa remarque de l'an dernier sur la définition de l'indicateur « d'accidentologie des sapeurs pompiers en service commandé ». Les explications méthodologiques montrent qu'est considéré comme « accident en service commandé ayant entraîné un arrêt de travail » tout accident qui remplit les deux conditions suivantes : être survenu à l'occasion de l'activité de sapeur pompier professionnel ou volontaire (quelle que soit sa nature : trajet, intervention, casernement,...) et reconnu imputable au service par l'autorité territoriale ; avoir donné lieu à un arrêt de travail établi par certificat médical. Une répartition entre les différents types d'accidents serait utile pour individualiser ceux intervenus en intervention stricto sensu de ceux survenus en trajet ou en caserne.
Si le projet de création d'une mission interministérielle dénommée Prévention des risques et gestion des crises semble abandonné à court terme, le renforcement de la coordination interministérielle en matière de sécurité civile reste un nécessité. Le document de politique transversale pourra être une alternative à cette mission interministérielle, avec le rôle dévolu au ministère chef de file. Ce document présente en outre, pour la première fois, des informations sur les SDIS. Ce complément indispensable résulte de l'article 129 de la loi de finances initiale pour 2007, à la suite d'un amendement présenté par votre Rapporteur spécial. En application de cet article, la Direction de la défense et de la sécurité civile (DDSC) est en train de mettre au point un ensemble de 28 indicateurs normalisés reflétant une stratégie de gestion de la performance par les SDIS.
Comme l'a annoncé le Président de la République lors de la clôture du congrès national des sapeurs-pompiers le 29 septembre dernier, il est indispensable de revoir l'organisation du secours à personne, en surmontant les querelles de chapelles et l'opposition entre « rouges » et « blancs ». Ici comme dans d'autres domaines, les doublons, les redondances et les recouvrements de compétence engendrent des coûts qu'il faut maintenant maîtriser.
Le nombre d'interventions des SDIS représente depuis huit ans un chiffre stable d'environ 10 000 interventions par jour. Les incendies représentant 9,4 % et le secours à victime et l'aide à personne 64 %. L'activité traditionnelle du sapeur pompier, son coeur de métier, « soldat du feu », est donc maintenant devenue secondaire par rapport aux secours à personne. Cette évolution correspond certainement à une évolution des besoins et n'est pas critiquable en soi. Mais les services d'incendie et de secours continuent à être organisés avec les sujétions et les avantages de leur activité qui prévalaient jadis.
Les effectifs de sapeurs pompiers professionnels continuent à augmenter : 37 677 en 2006, soit 258 de plus qu'en 2005. Les dernières estimations provisoires montrent que l'effectif total de 38 000 sapeurs pompiers professionnels a été dépassé dans notre pays en septembre 2007. Les effectifs ont augmenté de plus de 10 000 en dix ans. L'organisation du temps de travail, encore principalement organisé sur la base de gardes de 24 heures, n'a pas évolué pour s'adapter aux besoins, alors que l'on sait, par exemple, qu'il y a peu de demandes d'intervention entre 23 heures et 6 heures du matin. Les sapeurs pompiers effectuent en moyenne entre 95 et 100 gardes par an, ce qui leur libère 270 jours par an hors de leur lieu de travail. Certains départements s'orienteraient vers 65 jours de garde par an… Une évaluation de ce régime de garde est en cours et devra être présentée au ministre de l'Intérieur dans les prochaines semaines, car nous devons tous être conscients qu'il convient d'inverser la tendance à la hausse des coûts dont l'origine provient, pour une partie importante, de l'accroissement des effectifs.
Une réflexion devra aussi s'engager sur la fiscalisation de ces dépenses aujourd'hui portées uniquement par les collectivités territoriales.
En conclusion M. Georges Ginesta a proposé d'adopter les crédits de la mission Sécurité civile.
Le Président Didier Migaud a souhaité poser deux questions au Rapporteur spécial :
– Comment expliquer que les départements ne parviennent pas à contenir les dépenses des SDIS, alors que l'État a pu maîtriser les dépenses consacrées à la sécurité civile ?
– Les dépenses de personnel font l'objet dans le projet de loi de finances pour 2008 d'une prévision inférieure de 28 millions d'euros au montant 2007, alors que la mission compte seulement 35 équivalents temps plein travaillé en moins. Comment s'explique cette situation ?