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Intervention de général Roland Gilles

Réunion du 8 octobre 2008 à 11h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Roland Gilles :

Je suis ravi de m'exprimer devant vous, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, à propos du projet de budget de la gendarmerie pour 2009 mais également, en cette période sensible de transition, du passage de la tutelle organique du ministère de la défense au ministère de l'intérieur et du futur projet de loi sur la gendarmerie – c'est capital car le précédent texte législatif date de 1798.

En 2009, la gendarmerie nationale connaîtra des mutations notables. Les défis à relever ne manqueront pas, à commencer par celui du maintien du statut militaire et de la culture militaire. Au 1er janvier 2009, si le projet de loi déposé est adopté, la gendarmerie sera placée sous l'autorité du ministère de l'intérieur. Le Président de la République l'a annoncé solennellement à la Grande Arche de la Défense, le 29 novembre 2007, devant 1 800 gendarmes et policiers. Ce projet de loi vise un subtil équilibre entre, d'une part, le respect de l'identité de l'arme et son attachement à la communauté militaire et, d'autre part, son intégration au ministère de l'intérieur, qui renforcera les liens fonctionnels avec la police nationale.

Dans cet équilibre, le ministère de la défense conservera des attributions à l'endroit de la gendarmerie ainsi que des ressources budgétaires, ayant notamment trait aux gendarmeries spécialisées – gendarmerie maritime, gendarmerie de l'air, gendarmerie de l'armement et gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires. De la même manière, le ministère de la défense continuera de soutenir la gendarmerie dans différents domaines traditionnels. Le 25 juillet dernier, les deux ministres ont signé un accord-cadre sur ces soutiens, comportant trente-cinq protocoles particuliers.

Nous devrons être particulièrement attentifs à la recherche d'un équilibre dans cette nouvelle posture institutionnelle. Le placement de la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur est une mesure nécessaire qui permettra, d'une part, de renforcer la cohérence de la mission sécurité et, d'autre part, de franchir un nouveau cap dans la coordination opérationnelle avec la police amorcée depuis 2002 et dans la mutualisation des outils. L'intégration d'une force armée dans un ministère civil nécessite toutefois des mesures d'ajustement. La spécificité de la gendarmerie ne doit pas faire obstacle à une intégration harmonieuse dans son nouvel environnement mais, dans le même temps, elle doit être suffisamment prise en compte pour que son caractère militaire, sa culture propre et ce qui fait son efficacité opérationnelle soient préservés.

L'année 2009 sera également charnière sur le plan budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2009 illustre tout d'abord la participation de la gendarmerie à l'effort gouvernemental de maîtrise des dépenses publiques. Il nous appartiendra de faire en sorte que cet effort s'effectue en pérennisant la qualité du service public de sécurité rendu à tous nos concitoyens. En 2009, nous mettrons en oeuvre des réformes permettant à la gendarmerie de remplir son contrat opérationnel. Nous devons être présents au rendez-vous qui nous est fixé.

Le bilan 2007 de la gendarmerie est intéressant et mérite d'être souligné.

La tendance observée depuis 2002 en matière de lutte contre la délinquance s'est confirmée pour la gendarmerie : dans nos zones de compétence, la baisse de la délinquance générale s'est accentuée, avec un recul de 2,2 % des faits délictueux enregistrés. La baisse, depuis 2002, atteint 15,1 %. Nous nous rapprochons tangentiellement du seuil symbolique du million de faits délictuels, soit le niveau atteint en 2000.

La régularité dans le temps de cette évolution est à mettre en parallèle avec le maintien de nos indicateurs d'activité. Ainsi, notre taux global d'élucidation des affaires est de 41,1 %, niveau pratiquement équivalent à celui de l'année passée. Cet été, la gendarmerie s'est illustrée dans la résolution d'affaires d'homicides emblématiques qui ont ému l'opinion publique, en particulier celle du petit Valentin. Le taux d'élucidation a même progressé pour la délinquance de proximité ; dans ce domaine, il atteint désormais 15,7 % alors que ces faits – notamment les cambriolages – demeurent les plus difficiles à résoudre et les plus durement ressentis par nos concitoyens.

Le travail d'initiative des gendarmes – aller chercher les délinquants sans attendre un dépôt de plainte – a continué de progresser : plus 0,4 %. Cette évolution résulte notamment de l'implication accrue des gendarmes dans la lutte contre les infractions à la législation sur les étrangers avec 2335 faits supplémentaires constatés, soit une hausse de 30,7% par rapport à 2006.

Le nombre de gardes à vue a progressé de 6,2 %. Corrélativement, le nombre de personnes mises en cause par des enquêtes de la gendarmerie et incarcérées a crû de 2,4 %.

Ces évolutions illustrent l'engagement du gendarme sur le terrain. Elles traduisent une performance accrue de l'institution dans son travail de lutte contre la délinquance, obtenue grâce à de nouveaux outils législatifs et une meilleure disponibilité des moyens technologiques modernes.

La gendarmerie a aussi obtenu de très bons résultats en matière de lutte contre l'insécurité routière. Le nombre des tués sur les routes situées en zone de gendarmerie a diminué de 8,5 %. Celui des blessés et des accidents corporels sont également en repli, respectivement de 4,7 % et 4,9 %. Au total, 113 vies ont été épargnées en 2007 et 2 436 depuis 2002 ; autant de drames familiaux en moins. Les résultats du mois dernier sont encore positifs, avec une baisse de 25 % du nombre des tués. Les actions préventives et répressives engagées depuis plusieurs années ont modifié les comportements ; les résultats obtenus illustrent leur efficacité.

Au-delà des bons résultats enregistrés, il convient de souligner que l'évolution de notre institution s'est poursuivie.

Nous cherchons à construire un outil pour traiter les vulnérabilités majeures que notre pays pourrait connaître. À cet effet, nous avons intégré au sein du nouveau groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), deux unités qui cohabitaient auparavant avec le GIGN originel au sein du groupement de sécurité et d'intervention de la gendarmerie : l'escadron parachutiste d'intervention de la gendarmerie nationale, l'EPIGN, et le groupe de sécurité de la Présidence de la République, le GSPR. Avec cet ensemble aggloméré, nous disposons aujourd'hui d'une force de près de 400 gendarmes passant tous par le moule de la formation à l'intervention. Nous pouvions naguère faire monter à l'assaut 60 à 70 gendarmes ; aujourd'hui, en cas de prise d'otages de masse, plus de 250 personnels, formés à l'identique et possédant la même capacité d'intervention, seraient disponibles.

L'année écoulée a également été riche en termes de réflexions : nous avons participé aux travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ; nous avons été audités dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Le projet de loi de finances pour 2009 s'inscrit dans le cadre de la politique générale de maîtrise des dépenses publiques ; nous participerons à cet effort gouvernemental et collectif.

En 2009, le plafond d'emplois de la gendarmerie est de 99 509 équivalents temps plein (ETP), soit une baisse de 1 625 ETP sous l'effet de deux phénomènes. D'abord, nous participons à l'effort collectif de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, soit 1 246 ETP en moins – 771 suppressions nettes et 475 au titre de l'extension en année pleine des mesures décidées en 2008. En outre, des transferts d'effectifs sont prévus, majoritairement au profit de programmes du ministère de la défense : au total, 379 ETP sont concernés, dont les 298 ETP de la gendarmerie de l'armement transférés du programme 152 au programme 146, dont le directeur de programme est le délégué général pour l'armement et 48 ETP de la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires. En 2009, nous poursuivrons le mouvement interne, amorcé cette année, de recentrage, par transformation d'emplois, des gendarmes sur leur coeur de métier. Historiquement, la gendarmerie était monolithique, avec un statut unique, y compris pour les fonctions non opérationnelles – soutien, administration et logistique. En 1997, par souci d'économie, nous avons créé un corps de soutien, alimenté par substitution d'emplois, de manière à réserver le statut de gendarme aux fonctions opérationnelles. Depuis, les fonctions de back-office ont vocation à être tenues par des militaires du corps de soutien ou par des personnels civils, ce qui est bien plus rationnel et économique. En effet, le militaire sous statut de gendarme coûte plus cher : il est logé par nécessité absolue de service et perçoit une indemnité de sujétion spéciale de police. Ainsi, 600 postes d'officiers et de sous-officiers de gendarmerie affectés en état-major central ou régional seront transformés en 300 postes d'officiers du corps technique et administratif et de sous-officiers du corps de soutien, auxquels s'ajoutent 300 postes de personnels civils. À compter du 1er janvier 2009, nos personnels civils seront recrutés par le ministère de l'intérieur mais nous conserverons nos personnels civils déjà intégrés. Ce plan global de transformation de postes s'échelonnera sur dix ans. À échéance, la gendarmerie comptera 6 000 militaires du corps de soutien et 6 000 civils, pour respectivement 4 500 et 2 000 aujourd'hui.

Les rémunérations et charges sociales, hors pensions, progresseront en raison de l'hypothèse retenue d'augmentation de 0,8 % du point d'indice de la fonction publique et de la mise en oeuvre de mesures catégorielles. Dans le contexte actuel d'économies, ces mesures sont essentielles pour garantir la sérénité du gendarme. Lorsque le Président de la République a annoncé que la gendarmerie rejoindrait le ministère de l'intérieur, en corollaire, il a manifesté la volonté que le gendarme conserve son statut militaire et que la condition du gendarme soit équilibrée par rapport à celle du policier. Le rapport sur la parité globale police-gendarmerie, remis au Gouvernement après validation par les deux directeurs généraux, exprime à cet égard plusieurs préconisations dont deux sont prises en compte dans ce projet de budget.

Premièrement, un effort indiciaire sera réalisé au profit des gendarmes, officiers comme sous-officiers, en prenant comme référence l'application du plan corps et carrières de la police nationale, qui arrivera à échéance en 2012. L'objectif est de parvenir à un équilibre global d'ici 2012. Après « bleuissement » par Matignon fin novembre 2007, le Gouvernement a même étendu le principe de nouvelles grilles à l'ensemble de la communauté militaire. Il n'y a donc pas de disjonction entre les armées et la gendarmerie. Le ministère de la défense prévoit de réaliser ces grilles dans les trois ans à venir. La première annuité pour la gendarmerie figure dans ce projet de budget, à hauteur de 11,4 millions d'euros.

Deuxièmement, des mesures catégorielles doivent quelque peu accélérer le rythme de carrière du gendarme, notamment en repyramidant le corps des sous-officiers. Ce rééquilibrage par rapport à la police nationale passe par une révision de la cible physique du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE, engagé en 2005. Un effort financier de 20 millions d'euros est proposé pour financer l'annuité 2009. La mise en oeuvre du PAGRE doit s'achever en 2012, ce qui est cohérent avec la poursuite des objectifs assignés par le chef de l'Etat dans le cadre de la parité globale entre la gendarmerie et la police.

Comme je l'ai dit à Mme la ministre, outre la nécessité de disposer des moyens de remplir notre mission au profit de nos concitoyens, une des priorités consiste à garantir la sérénité des gendarmes en rééquilibrant leur condition par rapport à celle des policiers.

Les crédits de fonctionnement s'élèveront à 988 millions d'euros avant transfert de 54 millions d'euros principalement au titre de la compensatoire SNCF. La loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la future LOPPSI, nous fait bénéficier d'un « resoclage » de 30 millions d'euros en fonctionnement.

Au total, la hausse de nos crédits de fonctionnement s'élève à 77 millions d'euros. L'effort est notable compte tenu de la progression des dépenses de l'État mais contraint au regard de l'évolution des missions nouvelles qui nous sont confiées – en métropole, outre-mer et à l'étranger – ou à l'évolution de coûts sur lesquels nous n'avons aucune prise, notamment celui des carburants. L'exemple de l'opération Harpie, conduite cette année en Guyane, est symptomatique : elle a coûté 3 millions d'euros dont 1,5 million d'euros de surcoût ; si nous la reconduisons – et c'est probable –, cela nous coûtera à nouveau 3 millions d'euros sur six mois. De surcroît, je ne suis pas sûr que la levée de la réserve dont nous avons bénéficié en exécution depuis 2006 soit acquise en 2009. Optiquement, la hausse des crédits est de 77 millions d'euros, mais nous serons soumis à des contraintes.

Les crédits de fonctionnement alloués hors fonctionnement courant s'élèveront à 61 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 65 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui nous permettra d'acquérir du matériel nécessaire à la sécurité de nos gendarmes : nouvelles tenues de maintien de l'ordre, équipements de protection individuels et munitions pour les armes à létalité réduite.

Les crédits d'investissement, hors AOT – autorisations d'occupation temporaire –, s'élèveront à 288 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 311 millions d'euros en crédits de paiement. Ils nous permettront de renouveler une partie des matériels atteints par les critères de réforme, notamment les véhicules, et de poursuivre l'acquisition de matériels améliorant la protection de nos personnels : visières pare-balles pour casque de maintien de l'ordre et gilets pare-balles.

De plus, 7,3 millions d'euros seront affectés à la vidéoprotection et 3,1 millions d'euros à l'acquisition de lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation, les LAPI.

En outre, nous améliorerons la qualité de la relation avec nos concitoyens en déployant des téléservices au profit des usagers pour un montant de 2 millions d'euros et en dématérialisant les contraventions des quatre premières classes pour un montant de 1,5 million d'euros. Dans le même esprit, les brigades de gendarmerie de dix départements expérimentent une boîte aux lettres Internet qui offre aux citoyens la possibilité de contacter la gendarmerie et d'obtenir des réponses à leurs questions ; les premiers retours de ce nouveau mode de communication sont bons. Quant au pré-dépôt de plainte en ligne, qui fera gagner du temps aux plaignants comme aux forces de l'ordre, il sera expérimenté dans deux départements.

Les principaux programmes d'infrastructure permettront de poursuivre les opérations de maintenance et de construction, avec la mise en chantier de 382 équivalents unités logements, EUL, et une opération sous financement AOT concernant une caserne située à Mulhouse et comprenant 70 EUL.

Le projet de loi de finances pour 2009 pour le programme 152 sera le premier rattaché au ministère de l'intérieur ; cette évolution constitue un changement majeur pour notre institution. L'année qui s'annonce sera aussi celle de la mise en place de nombreuses réformes. Nous nous emploierons à faire en sorte que les bons résultats engrangés en 2007 et 2008 se confirment.

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