a d'abord observé que dès l'ouverture du deuxième rendez-vous sur les retraites, en avril dernier, la Délégation aux droits des femmes a attiré l'attention du ministre du travail et de la solidarité sur la question des retraites des femmes.
En effet, les pensions servies aux femmes sont de façon persistantes inférieures à celle des hommes : le niveau des pensions est inférieur, en moyenne, de 38 % à celles des hommes. Ces pensions sont en outre d'un niveau très variable au sein de la population des retraitées féminines. Certaines femmes, isolées, souvent âgées, ayant peu travaillé, donc peu cotisé, se trouvent dans des situations économiques extrêmement précaires.
L'écart des pensions entre les femmes et les hommes reflète, pour une part, les caractéristiques des carrières des femmes. Celles-ci constituent moins de droits personnels à la retraite en raison d'une activité plus souvent interrompue pour des raisons liées à la naissance et à l'éducation des enfants. Les droits directs acquis par les femmes ne représentent que 55 % de ceux des hommes. En outre, elles travaillent bien plus souvent que les hommes à temps partiel. Ces facteurs en se combinant ont de fortes conséquences en matière de retraite, d'autant plus fortes que s'y ajoute l'effet des inégalités salariales et de carrières professionnelles qui progressent moins vite.
Les revalorisations qui ont été annoncées tant celle du minimum vieillesse que celles des pensions de réversion du régime général (25 % en 5 ans), deux dispositifs qui s'adresse, en pratique, très majoritairement aux femmes, sont donc tout à fait bienvenus. Il faudra tout de même veiller à leur mise en oeuvre et notamment à ce que la revalorisation de la réversion s'applique à tous les retraités bénéficiaires et pas seulement aux pensions nouvellement liquidées.
Les différences de pension entre hommes et femmes proviennent aussi des modes de calcul des retraites. La réforme de 1993 (allongement de la durée de cotisation et calcul du salaire de référence sur les 25 meilleures années) s'est avérée particulièrement pénalisante pour les personnes aux carrières incomplètes ou fractionnées ; bien souvent les femmes sont les premières concernées.
Le Conseil d'administration de la CNAV a d'ailleurs récemment adopté une série de propositions de réforme qui partent du constat que les règles actuelles de calcul de pensions « pénalisent fortement les aléas de carrière ». Apporter des correctifs immédiats à certaines modalités de calcul serait donc indispensable pour mieux prendre en compte le congé de maternité dans la constitution des droits, comme pour atténuer les effets des carrières incomplètes. Sans méconnaître, ni la nécessité de garantir dans la durée l'équilibre des régimes de retraite, ni les perspectives démographiques de vieillissement de la population, qui ont été exposées lors des auditions, la Délégation va formuler des recommandations en ce sens.
Les conséquences du temps partiel ont été, en partie, prises en compte dans les règles de validation des trimestres (l'équivalent de 200 heures SMIC permet de valider un trimestre) et par le mécanisme du « minimum contributif » qui en atténue les effets. Le problème demeure cependant pour les temps très partiels, qui sont souvent des temps partiels subis. Le calcul des pensions sur une base de salaire très faible conduit nécessairement à des niveaux de retraite très faibles. Des discussions sur le temps partiel sont donc indispensables, notamment pour remédier aux conséquences du temps partiel subi et inciter les employeurs à favoriser le passage à des temps de travail qui se rapproche du temps plein.
L'information des salariés sur les conséquences en matière de retraite devrait également systématique, ce que la Délégation avait déjà préconisé en 2004. De même, les salariés à temps partiel devraient être mieux informés de la possibilité qui leur est ouverte de cotiser à l'assurance vieillesse sur l'équivalent d'un temps plein, pour le régime général mais aussi pour les régimes complémentaires et les partenaires sociaux incités à prévoir cette possibilité et sa prise en charge dans les accords collectifs.
Enfin, une réflexion générale sur les droits conjugaux et familiaux est indispensable. En effet, ceux –ci jouent un rôle déterminant dans le niveau des pensions servies aux femmes que ce soit par les bonifications de pension et les majorations de durée d'assurance accordées aux mères de famille ou par la réversion. Ils représentent des masses financières importantes et devraient être adaptés aux évolutions de la société.
Sur ces deux sujets la réflexion est engagée : le Comité d'Orientation des retraites doit remettre d'ici la fin de l'année les résultats de ses travaux sur les droits familiaux et conjugaux.
La question des majorations de durée d'assurance dans les régimes spéciaux tels celui de la fonction publique a été soulevé devant la Délégation. À compter de 2004, le bénéfice de la majoration de durée d'assurance ne bénéficie qu'aux mères titulaires de la fonction publique. Pour les enfants nés avant 2004, la condition d'interruption d'activité aboutit, dans des cas précis à ce que certaines mères ne bénéficient des bonifications de pension.
La rapporteure a ensuite insisté sur la recommandation visant à mieux prendre en compte la situation des femmes divorcées et a indiqué qu'elle allait déposer une proposition de loi en ce sens.
Dans un grand nombre de cas, la séparation du couple, laisse les mères de famille qui n'ont pas exercé d'activité professionnelle ou l'ont interrompue pour s'occuper de l'éducation des enfants, sans réels droits sociaux. Ces femmes n'ont pas constitué de droits personnels à la retraite, en dehors du bénéfice de l'AVPF (allocation vieillesse des parents aux foyers) versée sous condition de ressources ou après une adhésion volontaire. Or, la protection offerte par ces dispositifs est insuffisante.
Dès lors, le juge, au moment du divorce, et lorsqu'un des conjoints n'a pas exercé d'activité professionnelle pendant la durée du mariage pour s'occuper de l'éducation des enfants, devrait systématiquement opérer un partage des droits à la retraite constitués par celui qui a cotisé.
Ce partage serait fonction de la durée du mariage et de la période d'inactivité. Il donnerait lieu directement au versement d'une partie de la pension par les caisses de retraite au moment où l'un des conjoints fait valoir ses droits et s'interromprait dès lors que le droit à la réversion jouerait.
Après que Mme Claude Greff, rapporteure a précisé que la proposition de partage des droits à la retraite entre les ex-époux ne générait pas de dépenses supplémentaires et répondait à un véritable souci d'équité. Elle a également précisé que les recommandations de la Délégation seront adressées au Ministre du travail, de l'emploi et de la solidarité ainsi qu'au Conseil d'administration de la CNAV et au Conseil d'Orientation des Retraites.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.