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Intervention de Joëlle le Morzellec

Réunion du 1er avril 2008 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Joëlle le Morzellec :

a précisé qu'elle était statutairement rattachée directement au Directeur général de la recherche et de l'innovation, au Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais qu'elle avait compétence sur l'ensemble du secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche. La Mission pour la parité s'appuie sur un réseau de « correspondants parité » présents dans les organismes de recherche publique ainsi que dans la majorité des universités. Le réseau universitaire est animé par Mme le Professeur Armelle Le Bras-Chopard, et le réseau de correspondants parité à l'intérieur des organismes de recherche par Mme Marie-Josèphe Robert-Lamar, maître de conférences. Deux autres personnes renforcent la Mission : l'une venant d'un organisme de recherche et l'autre étant une jeune femme maître de conférences en littérature anglaise, chargée de suivre plus particulièrement les questions européennes et internationales. Au total, la Mission comprend désormais cinq personnes, dont une secrétaire.

Mme Joëlle le Morzellec a ensuite mis en avant les différences d'orientation entre étudiants et étudiantes.

Le pourcentage de filles en Terminale S est de 46 % mais il chute à 32 % à l'université, en premier cycle de « sciences et structure de la matière », tandis qu'il atteint 60 % dans les filières touchant aux sciences de la vie et à la santé. Dans les classes préparatoires scientifiques, les filles ne sont que 28 % et seulement 23 % dans les écoles d'ingénieurs.

Pour la rentrée prochaine, le ministre de l'éducation nationale a donné comme directive aux proviseurs de faire passer en classes préparatoires systématiquement entre 5 et 15 % d'élèves de bon niveau, parmi lesquels il y aura nécessairement des filles. En effet, à la fin du deuxième trimestre de Terminale, les proviseurs peuvent, après le conseil de classe, suggérer aux élèves concernés et à leur famille d'entrer en classe préparatoire. C'est une démarche incitative à la fois en termes d'ascension sociale et pour la formation de nouveaux scientifiques. La France, comme tous les pays du monde, va connaître une pénurie de chercheurs et d'ingénieurs, avec le départ en retraite de la génération du baby boom. Or, on assiste à une désaffection généralisée à l'égard des sciences fondamentales – mathématiques, physique, chimie. En effet, les jeunes sont rebutés par l'idée de travailler enfermés dans un laboratoire pour – du moins en France – des rémunérations qui ne sont pas extraordinaires. Les femmes devraient donc logiquement accéder à un certain nombre de postes.

On pense généralement que, dans l'enseignement supérieur, les femmes sont nombreuses dans les filières littéraires. C'est le cas pour les maîtres de conférences mais pas pour les professeurs. Toutes disciplines confondues, il n'y a que 17 % de femmes professeurs. Dans la recherche, les femmes sont plus nombreuses – 32 % – dans le secteur public que dans le secteur privé : 20,5 %. Cela tient d'abord au fait que les hommes n'ont pas vraiment bien accueilli les femmes dans les réseaux de chercheurs. Leur façon de travailler, souvent tard le soir, entre en conflit avec la vie familiale. On retrouve d'ailleurs la même tendance dans la haute fonction publique. En outre, les femmes s'auto-censurent et ne postulent pas à certains postes. Enfin, on sait que la période entre trente et quarante ans, où se font les grands choix professionnels, est aussi celle de la maternité.

La Mission pour la parité a pour tâche d'examiner la place des femmes dans les domaines de la recherche et de l'enseignement supérieur et de proposer toutes mesures tendant à remédier aux déséquilibres constatés, notamment dans le déroulement des carrières et dans l'accès aux fonctions de responsabilité. Elle mène des actions pour inciter les jeunes filles à s'orienter vers les études et les carrières scientifiques et veille à ce que la question du genre soit prise en compte.

Un point de la situation des femmes dans l'enseignement supérieur a été publié en novembre 2007. Au cours des dix dernières années, le taux de féminisation a progressé lentement pour atteindre 17,9 % chez les professeurs et 40,4 % chez les maîtres de conférences, soit une augmentation de l'ordre de 5%. Ce taux est plus élevé en lettres et en pharmacie qu'en sciences, droit et médecine. Par ailleurs, chez les maîtres de conférences, dans la tranche d'âge 30-39 ans, les femmes sont devenues majoritaires en droit, en lettres et dans les disciplines de santé. On note aussi certains renversements de tendance. Lorsque l'informatique est née, beaucoup de femmes se sont lancées dans cette nouvelle discipline. Par la suite, parce qu'on ne leur a pas laissé une place suffisante, elles s'en sont retirées.

On parle souvent de stéréotypes quand on compare les comportements masculins et féminins : tout petit, l'enfant adopte des attitudes qui, sans qu'elles soient innées, se remarquent au sein de la famille et de l'école, et poussent les adultes à faire jouer les petits garçons avec des camions et les petites filles avec une dînette.

Mettant à profit son expérience de recteur en Martinique, Mme le Morzellec a observé qu'en métropole, la plupart des professeurs des écoles sont des femmes et que les hommes, considérant cette profession comme dévalorisée, ne s'y engagent plus. Dans les départements d'outre-mer, au contraire, ce métier permet d'être fonctionnaire. Les hommes se présentent donc encore beaucoup plus massivement au concours que les femmes et la plupart des directeurs d'école primaire sont des hommes. La fonction éducative, qui permet d'accéder au savoir et de monter dans la hiérarchie sociale, y fait encore l'objet de beaucoup de considération.

Lorsqu'un métier se féminise, il perd de son intérêt aux yeux des hommes, qui le délaissent. Aussi, féminiser les noms de métiers revient à les stigmatiser, alors que le neutre fonctionnel attache plus de valeur à la fonction qu'à la personne qui l'occupe.

En 2006, à la suite des nominations intervenues au CNRS qui ont attribué les postes de responsabilité uniquement à des hommes – Mme Zimmermann était d'ailleurs intervenue à cette occasion – le ministre François Goulard a créé un comité pour l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans l'enseignement supérieur et la recherche, chargé de formuler des propositions.

Désormais, les contrats quadriennaux conclus entre l'État et les universités comportent un volet relatif à la politique de la parité menée par celles-ci. Au moment de la signature du contrat, un certain nombre d'objectifs avec des indicateurs doivent être affichés : l'université peut s'engager, par exemple, à recruter un certain nombre de femmes aux postes de maîtres de conférences ou professeurs et, inversement, à embaucher des hommes comme personnels administratifs – ces postes étant traditionnellement occupés par des femmes – afin de parvenir à une réelle égalité professionnelle au sein du monde universitaire. Cette obligation a fait l'objet d'une note du directeur de cabinet. Elle figure maintenant dans les contrats, en particulier ceux de la vague D sur lesquels le ministère travaille actuellement, les 84 universités françaises étant divisées en quatre vagues de contrats : A, B, C, D. Au bout des quatre ans de la durée du contrat, les universités seront évaluées sur la politique qu'elles auront ou non menée et sur les résultats obtenus. Leur budget en tiendra compte, c'est une avancée importante.

Désormais, la Direction générale de la recherche et de l'innovation, qui accorde des subventions aux colloques scientifiques, demande systématiquement aux organisateurs le nom des femmes présentes dans le comité d'organisation, dans le comité scientifique, et parmi les intervenants. La subvention accordée est modulée en fonction de ces trois critères. C'est un acquis important de la Mission. Le vivier des femmes scientifiques étant bien inférieur à celui des hommes dans certaines disciplines, il faut les « faire voir » et les aider à gravir les échelons.

La volonté de mettre en lumière des carrières exemplaires de femmes, qui allient excellence et dynamisme au quotidien, a conduit également à compléter les prix déjà existants.

Créé par le ministère de la recherche et des nouvelles technologies en 2001 et bénéficiant, depuis 2004, de l'appui de la Fondation d'entreprise EADS, le grand prix Irène Joliot-Curie est accordé chaque année. Le prix de « la femme scientifique de l'année » récompense une femme dont la carrière est déjà bien avancée et qui a produit de nombreuses publications. Le prix de « la jeune femme scientifique » met à l'honneur une jeune femme qui a soutenu sa thèse, commencé à publier et qui s'engage dans un créneau qui semble porteur où elle a déjà un certain rayonnement. Le « parcours femme entreprise » est décerné aux femmes qui ont fait une école d'ingénieur et ont pu monter leur société et créer des emplois. Ils ont été complétés par un quatrième prix appelé « mentorat », du mot latin désignant le tuteur. Il récompense une personne physique ou morale qui a accompagné des jeunes femmes, soit en début de carrière, soit pour passer des étapes et prendre des responsabilités. Il peut aller à un professeur d'université qui, au-delà du simple accompagnement de ses thésards, les aide à franchir des étapes et à entrer dans la vie professionnelle, ou bien à une association telle celle de femmes cadres de GDF qui aident les plus jeunes à franchir les échelons et qui a été récompensée en 2006.

L'année dernière, la Mission pour la parité a fait créer un nouveau prix appelé « Avenirs d'outre-mer », afin d'aider les jeunes filles qui en sont originaires et ont suivi des études scientifiques en métropole sur des thèmes compatibles avec un emploi dans leur région d'origine, à y retourner pour faire carrière. Ce prix est organisé en partenariat avec la Financière OCEOR, filiale de la Caisse d'Épargne. La lauréate 2007 est une jeune Réunionnaise, qui a intégré l'Institut de formation des ingénieurs forestiers et qui a un projet en relation avec le nouveau parc naturel de la Réunion qui vient d'être créé.

Les jeunes femmes récompensées par ces prix méritent d'être aidées. De fait, elles perçoivent 10 000 euros ; somme fractionnée, pour le Prix « Avenirs d'Outre-Mer » au long de la durée d'exécution du projet.

En 2007, Valérie Pécresse s'est fortement impliquée dans les élections et les nominations au Conseil national des universités et on y constate une nette progression des femmes par rapport à 2003. Elles représentent à présent 41,3 % des membres du CNU, tous collèges et disciplines confondus. Or, en dehors des juristes, des économistes, et des gestionnaires qui ont une agrégation d'enseignement supérieur, tous les autres postulants enseignants doivent passer une habilitation à diriger les recherches après leur doctorat et être qualifiés par le CNU pour pouvoir devenir professeur. La proportion de femmes dans le collège des professeurs est passée entre 2003 et 2007, de 25 % à 33 % et, parmi les maîtres de conférences, de 45 % à 49 %, toutes disciplines confondues.

Il ne s'agit évidemment pas de promouvoir des femmes qui n'en auraient pas la capacité : les actions menées visent à repérer et à promouvoir des femmes disposant de toutes les compétences requises.

Les jeunes filles représentent 60 % des étudiants dans les disciplines littéraires et le secteur de la santé ; mais elles sont beaucoup moins présentes en mathématiques, physique et chimie, informatique ainsi que dans certaines sciences de la communication. Pourquoi se dirigent-elles moins vers les mathématiques et les autres disciplines fondamentales ? Ces disciplines seraient-elles trop abstraites, comme la philosophie où il y a moins de femmes que dans d'autres sciences littéraires ? Nul ne le sait, mais on note une différence très forte avec les sciences expérimentales. Les femmes ont une attirance pour tout ce qui est plus tactile, expérimental, vivant et qui touche à la personne. Un mathématicien qui enseigne maintenant l'histoire des sciences à Paris VIII, Denis Guedj, a écrit un livre intitulé Les mathématiques expliquées à mes filles où il tente de comprendre les rapports qu'elles entretiennent avec cette discipline.

Concernant les filles, le mot « auto-censure » apparaît souvent. Parce qu'elles sont brillantes, elles vont en Terminale S comme les garçons et l'on s'étonne qu'elles ne poursuivent pas ensuite dans la voie scientifique. Il faut bien voir que, si la Terminale S donne des compétences en maths, physique, chimie et autres, elle est surtout une filière d'excellence permettant de postuler partout. Si elle est la voie à emprunter pour aller vers les grandes écoles scientifiques, de nombreux titulaires du baccalauréat S s'orientent ensuite vers d'autres voies : écoles de commerce, Science Po. C'est pour réagir à cela que le ministre de l'éducation nationale a voulu revitaliser la section littéraire du baccalauréat. Pendant longtemps, les études touchant à la psychologie avaient pour seuls débouchés des postes de psychologues cliniciens et de conseillers d'information et d'orientation dans l'Éducation nationale. Les services de ressources humaines des entreprises recherchent maintenant les compétences des psychologues pour les recrutements et les promotions. Une certaine prise en compte de la personne fait que les entreprises hésitent moins à recruter un jeune qui a fait des études littéraires à l'université. Le ministre a saisi une opportunité et permis une avancée importante.

Un point est sûr : les femmes sont peu sûres d'elles et sont trop modestes. Elles savent que, à cursus égal, il leur faudra fournir le double de preuves qu'un homme de leurs capacités à occuper tel ou tel poste et cela les dissuade de postuler.

C'est par la famille qu'il faut commencer pour espérer changer les mentalités. Certes, dans les milieux aisés, une jeune fille fera des études et sera orientée selon ses qualités propres. Mais, dans les milieux moins favorisés, les archétypes sur les métiers et la notion de hiérarchie semblent insurmontables. La croyance qu'une femme ne peut pas atteindre tel type de poste empêchera une fille de se lancer dans certains types d'études. Il est, en revanche, des professions, comme celle de médecin, qui sont une reconnaissance sociale pour des parents de situation moyenne ou défavorisée. En fait, un grand nombre de non-dits jouent encore au moment de l'orientation.

Recteur de l'académie de Rouen de 1993 à 1996, Mme le Morzellec se souvient de l'émoi qu'a suscité la demande d'une fille qui voulait obtenir un diplôme de carrosserie automobile. Des idées fausses persistent sur de nombreux métiers qui sont devenus beaucoup plus faciles grâce aux machines à commande numérique, par exemple. Une femme disposant des compétences techniques peut parfaitement les occuper. Au Havre comme à la Martinique, les classes professionnelles de charpentier de marine sont tout à fait accessibles aux filles. Les femmes ont leur place à tous les niveaux et dans tous les métiers, dès lors qu'on leur permet d'acquérir les qualifications professionnelles, universitaires ou scientifiques nécessaires.

Lors de la dernière Journée des femmes, il a été décidé de réactiver le comité créé par M. Goulard. Mme Valérie Pécresse lui a confié de nouvelles missions et lui a notamment demandé de travailler avec Lionel Collet, président de l'Université Claude Bernard Lyon 1. La Charte pour l'égalité entre les femmes et les hommes de cette université permet aux femmes revenant de congé de maternité de n'effectuer que la moitié de leur service. C'est une avancée considérable. Le principe d'une réflexion pour la création d'une charte nationale, en lien avec la Conférence des présidents d'université, a été arrêté. Mme Valérie Pécresse a également demandé à Mme Marie-Laure Pileni, physicienne et chimiste et administrateur actuel de l'Institut universitaire de France, de constituer un comité pour la reconnaissance de la place de la femme dans l'enseignement supérieur et la recherche.

On peut se réjouir que l'éducation nationale ait chargé quelqu'un de travailler à ces questions d'égalité. Il s'agit de Mme Anne Rebeyrol avec laquelle un travail en lien étroit s'est établi : on ne peut en effet séparer enseignement secondaire et enseignement supérieur. Il est important que les Centres d'information et d'orientation donnent aux jeunes des informations sur les métiers où des postes seront disponibles au cours des prochaines années, afin de leur permettre d'orienter leurs études en conséquence.

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