Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, personne ne l'en aurait cru capable et pourtant elle l'a fait. L'Europe qu'on disait faible, l'Europe impuissante et timorée, l'Europe désunie a su prendre son destin en main et faire face à la plus importante crise financière des dernières décennies. Elle aurait pu se diviser dans l'épreuve, elle s'est rassemblée. Elle aurait pu hésiter et attendre, elle a décidé.
Ce succès, nous le devons à la détermination de ses responsables, qui ont su prendre la mesure de la crise et proposer un plan de sauvetage à la hauteur des enjeux : 1 700 milliards d'euros injectés sur le marché financier pour soutenir l'activité des entreprises, par conséquent la croissance et l'emploi. Ce succès, nous le devons à Gordon Brown, nous le devons à Angela Merkel, qui ont fini par surmonter leurs contraintes nationales pour inventer ou approuver des mesures sans précédent dans l'histoire européenne, et nous le devons au Président de la République, au Premier ministre, et à vous, madame la ministre, dont l'engagement sans relâche depuis des jours au service de la stabilité et du retour de la confiance dans notre pays force notre respect.
Tout le sens du projet de loi que nous examinons aujourd'hui vient de là : ce n'est pas un plan national contre nos partenaires européens, c'est un plan européen dans l'intérêt national. Il n'a pas été conçu de manière isolée, dans un sauve-qui-peut protectionniste qui aurait été incapable de faire face à la crise, mais sereinement, dans la coordination la plus étroite avec nos partenaires du G7, de l'Eurogroupe et de l'Union européenne. Il ne crée donc pas davantage de concurrence entre les États membres, il signe, au contraire, une nouvelle solidarité, seul moyen de rendre confiance à l'ensemble du système économique.
Au-delà de la méthode, le plan que vous nous proposez répond précisément aux besoins des économies européennes. L'urgence est d'éviter une contagion massive de la crise financière à l'économie réelle par un manque de financement des entreprises. L'urgence est de fournir les liquidités nécessaires aux banques pour leur permettre de jouer leur rôle de prêteur auprès des entreprises comme des particuliers. L'urgence est de sortir de la défiance généralisée pour renouer un à un les fils de la confiance.
Pour retrouver un financement normal de l'économie, vous nous proposez deux types de mesures qui viennent d'être largement décrites. Plutôt que de revenir sur leur détail, je voudrais insister sur leurs atouts.
Premier atout : la durée. La création d'une société de refinancement de l'économie desserre la contrainte de temps qui pèse actuellement sur les banques. Les prêts consentis par cette société seront d'une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans. En ouvrant cette perspective, vous permettrez de libérer la décision de prêt des exigences immédiates de rentabilité qui bloquent la décision financière et grippent l'économie.
Deuxième atout : l'égalité de concurrence. La création de la société des prises de participation de l'État revient à accorder des prêts de très longue durée par l'intermédiaire d'une entrée dans le capital des banques. Elle améliorera donc le ratio de solvabilité des établissements financiers et leur permettra de faire jeu égal avec leurs concurrents européens. La seule interrogation que l'on peut avoir porte sur le montant des fonds engagés : 40 milliards d'euros risquent de ne pas être suffisants au regard des besoins exprimés.
Troisième atout de ce plan : les garanties prises par l'État. Au moment où beaucoup de responsables économiques et financiers ont failli, il aurait été injuste et inacceptable que l'État ne s'entoure pas de toutes les assurances nécessaires. Contrairement au plan Paulson, qui a fait le choix hasardeux d'un rachat de créances sans contrôle, sans examen préalable des actifs, sans dispositif de surveillance, vous avez mis en place les garde-fous indispensables : l'État sera rémunéré en échange de la garantie qu'il apporte ; l'État gardera un droit de veto par l'intermédiaire du commissaire du Gouvernement sur toutes les décisions de nature à affecter ses intérêts ; l'État sera assisté par la Commission bancaire pour le contrôle des conditions d'exploitation de la société des prises de participation. Nous ne saurions trop insister sur ce point : chaque citoyen doit avoir la certitude que le plan de soutien des banques se fait sous un contrôle étroit de la puissance publique, dans le sens de l'intérêt général.