Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la crise financière a atteint un niveau tel qu'elle affecte désormais le financement de l'économie réelle. L'aggravation de la situation des marchés financiers, l'érosion de la confiance des investisseurs, la hausse du risque de crédit et l'assèchement des liquidités qui en découle menacent de bloquer le fonctionnement du système financier international et d'avoir des conséquences négatives sur la croissance de notre économie.
Il est vrai que le plan Paulson n'a pas contribué à redresser la situation, puisqu'il constitue une grave erreur de politique économique en ce qu'il a eu recours à une structure de défaisance. Or la France a bien connu ce type de structure, et si l'administration Bush s'était rapprochée de l'administration française, celle-ci lui aurait expliqué pourquoi il ne faut pas faire de structure de défaisance : avec le Crédit lyonnais, avec le Comptoir des entrepreneurs, avec le GAN, nous avons déjà donné !
La crise que le monde traverse est avant tout une crise de confiance, qui se traduit par une crise de liquidité et par une crise de solvabilité, du fait de l'affaiblissement des capitaux propres des banques. Il s'agit d'une crise de la dérégulation, ou plus précisément d'une pseudo-auto-régulation américaine, qui s'est terminée en non-régulation.
Dans ce contexte, ce projet de loi de finances rectificative pour le financement de l'économie est destiné à restaurer la confiance dans le système bancaire et financier et à assurer le bon financement de l'économie française et européenne. Le texte présenté vise à permettre l'octroi de la garantie de l'État qui, conformément à la LOLF, doit être autorisé par le Parlement dans le cadre d'une loi de finances.
Il comprend six articles ; je ne m'intéresserai ici qu'au sixième, les autres ne comportant aucune nouveauté.
Globalement, le Nouveau Centre soutiendra le Gouvernement dans sa volonté de rétablir le bon fonctionnement du système bancaire.
En effet, depuis longtemps, nous défendons l'idée d'une économie de marché régulée, de la liberté économique encadrée. Dans la situation actuelle, le plan de sauvetage bancaire doit être temporaire ; il doit être négocié avec les banques, et des contreparties doivent être exigées, tout simplement parce qu'il ne doit pas se faire sur le dos des contribuables et récompenser ceux qui ont fauté. Le Gouvernement va dans la bonne direction, puisque les deux dispositifs créés de refinancement et de recapitalisation des banques prévoient des contreparties, elles-mêmes temporaires.
Ainsi, le Nouveau Centre soutient les deux types de mesures d'application temporaire, une première destinée à réinjecter des liquidités dans l'économie, une seconde destinée à renforcer les fonds propres des organismes financiers.
Deux sociétés sont créées, une société de refinancement de nature privée et une société de prise de participation, publique celle-ci, qui aura la garantie de l'État pour lever jusqu'à 40 milliards d'euros environ sur les marchés afin d'accroître les fonds propres des banques.
En contrepartie de cet emprunt garanti par l'État pour refinancer et recapitaliser, les banques devront donner des gages : les établissements financiers demandeurs devront disposer de fonds propres suffisants pour en bénéficier ; les garanties seront adossées aux actifs des banques ; enfin, les opérations se déclencheront sous réserve de la signature « d'une convention fixant les obligations des établissements bénéficiaires », notamment, j'attire votre attention sur ce point, mes chers collègues, en matière de règles éthiques et d'engagements relatifs au financement de l'économie réelle.
Le Nouveau Centre a fait, à temps et à contretemps, des propositions en matière de règles d'éthique afin d'encadrer la rémunération des dirigeants, de mettre fin à la pratique des golden parachutes ou encore d'établir le principe du fauteur-payeur.
Vous nous en avez dit tout à l'heure un peu plus qu'en commission, madame la ministre, sur ce que vous entendiez par contreparties éthiques. Et même si nous sommes d'accord sur un certain nombre des points que vous avez évoqués, nous voudrions aller un peu plus loin. Nous vous suggérons plusieurs idées :
Un, interdire le cumul entre le statut de dirigeant mandataire social et celui de salarié. Vous avez dit que vous étiez d'accord. Reste le problème de la rétroactivité.
Deux, interdire à l'ensemble des mandataires sociaux de lever ou de céder des options tant qu'ils exercent des fonctions dans l'entreprise. Cette thèse, défendue par notre ex-collègue Balladur, me paraît pleine de bon sens : il s'agit de ne pas mettre les dirigeants des entreprises dans une situation dans laquelle ils ont des informations privilégiées et peuvent être à même de savoir s'il faut lever ou non les options.
Trois, supprimer le bénéfice des actions gratuites et des parachutes dorés lorsque les dirigeants ont commis des fautes ou mis leur entreprise en difficulté. Cela serait d'ailleurs complémentaire de ce que vous avez évoqué tout à l'heure dans votre discours, madame la ministre.
Quatre, conditionner l'intéressement ou les stock-options des dirigeants et des cadres dirigeants au fait que l'ensemble des salariés en bénéficient également. Vous n'en avez pas parlé dans votre intervention. Je pense que cette mesure serait équitable.
Cinq, renvoyer les dirigeants qui ont commis des fautes ou mis leur entreprise en difficulté, comme il est normal dans une société de responsabilité.
Le Nouveau Centre soutient ce plan de soutien aux banques doté de 360 milliards d'euros de garantie, d'abord parce qu'il est nécessaire, ensuite parce qu'il est européen. En effet, ce n'est que la traduction française du plan mis au point par les quinze pays de la zone euro, plus un certain nombre de pays hors zone euro, pour enrayer les effets de la crise financière. Une nouvelle fois, nous le constatons, nous qui sommes profondément européens au Nouveau Centre : quand l'Europe est unie, elle influence le cours du monde, quand l'Europe est désunie, elle ne pèse plus rien.
Dans la seconde partie de mon intervention, je voudrais, madame la ministre, vous poser cinq questions auxquelles le groupe Nouveau Centre aimerait que vous répondiez.
La première interrogation concerne le régime juridique des deux sociétés créées. La situation est claire s'agissant de la société de participation, qui dispose de 100 % de capitaux publics : la société s'endette, avec la garantie de l'État elle reprête, elle est dans le périmètre public. En revanche, s'agissant de la société de refinancement, je l'appelle ainsi bien qu'elle n'ait pas encore de nom dans le texte, il serait intéressant que le Gouvernement précise, plusieurs collègues l'ont demandé, où en est la création de cette société avec les banques puisqu'elle sera à majorité, semble-t-il, propriété des banques, et comment il voit la mise en oeuvre de cette société de refinancement.
La deuxième question porte sur le choix du plafond de 360 milliards d'euros. Nous nous sommes beaucoup interrogés : pourquoi 360 milliards, pourquoi pas 300 ou 500 ? On nous a parlé de trois composantes : 40 milliards de plafond pour les prises de participation de la société, 55 milliards d'euros pour Dexia – à ce propos, il serait intéressant de savoir pourquoi on demande 55 milliards de garantie pour Dexia en plus des 6,4 milliards que les États belges, luxembourgeois et français ont mis en oeuvre – et enfin, 265 milliards d'euros pour le refinancement proprement dit. D'après ce que nous a dit M. le rapporteur général, ce sont des ordres de grandeur. Il serait intéressant que vous nous expliquiez, madame la ministre, si, conformément à ce qu'indiquait le rapporteur général, ces chiffres représentent les besoins de financement pour les deux ans qui viennent, mais pas au-delà.
Troisième question, le Nouveau Centre s'interroge sur les tensions qu'un tel plan pourrait susciter sur le marché de l'épargne. Si on mobilise une partie de ces plafonds sur le marché de l'épargne, n'existe-t-il pas un risque, au regard du montant de l'épargne nationale, d'avoir des tensions par rapport à d'autres utilisations : il n'y a pas que les banques qui ont des besoins, les entreprises non bancaires également. Pourriez-vous nous donner quelques précisions sur ce point, madame la ministre ?
Quatrième question, le Nouveau Centre souhaite mettre l'accent sur les droits du Parlement en la matière et sur le nécessaire suivi et le contrôle du dispositif mis en place par la représentation nationale. Gilles Carrez l'a indiqué tout à l'heure, nous sommes plusieurs à suggérer que soit créé un comité de suivi pluripartiste afin que les parlementaires puissent exercer leur droit de contrôle, a posteriori bien sûr, sur la société de refinancement comme sur la société de participation et Dexia. Il s'agit non pas de prendre part à la gestion de ces deux sociétés mais de contrôler l'utilisation de l'argent public, ou plus exactement des garanties publiques, afin d'en éviter les effets d'aubaine ou les dérives.
En dernier lieu, le Nouveau Centre voudrait connaître l'impact budgétaire de la recapitalisation des banques. M. Woerth en a parlé tout à l'heure. Nous voudrions avoir des précisions.
Certes, le solde d'exécution budgétaire pour 2008 n'est pas impacté par les 40 milliards d'euros d'éventuelles prises de participation de l'État, financées par de l'endettement, qui viendront accroître la dette publique en 2009 parce qu'il semble bien que cette société publique de prise de participation sera dans le périmètre des administrations publiques. Sachant que la dette publique devrait déjà atteindre 65,3 % du PIB en fin d'année 2008 et 66 % en 2009, si on prélève 40 milliards d'euros en 2009, cela représentera 2 points de plus, c'est-à-dire qu'on serait autour de 68 %.
Ce n'est pas négligeable mais il y a surtout le problème du coût de cette dette, de l'ordre de 2 milliards d'euros nets. Les prises de participation seraient-elles susceptibles, dans un premier temps, de couvrir la totalité du coût des intérêts liés à l'endettement pour intervenir en capital ? Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez là-dessus.
Pour le deuxième volet du plan, à savoir la société de refinancement des banques, le fait pour l'État d'apporter sa garantie aux activités de la société n'aurait a priori pas d'impact sur la dette publique, au sens maastrichien, si tout se passe bien puisqu'il me semble qu'il n'y aurait de coût éventuel que dans la mesure où il y aurait des sinistres et que cette société ferait jouer la garantie dont elle bénéficie de l'État – à ce moment-là, il faudrait une dotation de l'État.
Enfin, reste à savoir si l'État actionnaire fera une bonne opération, à terme, en recapitalisant les banques et en revendant ensuite ses parts, dans quelques années, comme ce fut le cas pour Alstom. Ce n'est pas exclu, mais l'aller-retour risque de ne pas être aussi rapide, que ce soit dans le cas des banques risquant de défaillir, comme Dexia, ou dans le cas des banques non menacées mais qui cherchent à renforcer leurs fonds propres pour se mettre au niveau de leurs concurrentes, notamment européennes. En tout état de cause, le Nouveau Centre exigera des garanties pour que les ventes futures des parts de l'État soient entièrement consacrées au désendettement.
En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de cette loi de finances rectificative, essentiellement son article 6, parce qu'elle est économiquement nécessaire, financièrement indispensable et engagée du point de vue européen, mais il restera vigilant quant au respect des droits du Parlement et à la stabilisation de notre niveau d'endettement public.