Je suis très heureuse de venir présenter ce dossier devant la Commission des finances. Je ne suis pas surprise de son invitation et je n'y vois aucune marque de suspicion comme il a pu être dit. C'est un dossier très difficile par sa structure, son volume et l'architecture de la solution trouvée, et il appelle des explications claires.
L'administrateur délégué de Dexia, M. Pierre Mariani, pourra compléter mes explications : il découvre en ce moment la nature et le contenu d'un certain nombre d'obligations de Dexia. Je vais vous présenter l'amendement 375, et le resituer dans le contexte de l'opération que nous avons conduite en coopération avec l'État belge.
Mais d'abord un mot sur la SFEF et la SPPE. Le décret relatif au comité de suivi a été signé aujourd'hui ; il sera publié au Journal Officiel de demain.
L'activité de la SFEF consiste à donner la garantie de l'État, dans la limite d'un plafond de 320 milliards d'euros, à des emprunts qui sont ensuite réacheminés vers les banques de façon à leur permettre de financer l'économie française. Onze milliards d'euros ont déjà été émis par la SFEF, en une tranche de six milliards d'euros et une autre de cinq milliards. Une tranche préalable de cinq milliards avait été une simple avance de la Caisse des dépôts et consignations.
S'agissant de la SPPE, nous avions identifié, au sein de l'enveloppe maximale de 40 milliards d'euros votée par le Parlement, 10,5 milliards pour renforcer les fonds propres des banques. Les négociations avec la Commission européenne ont été longues et difficiles. L'assistance de la Banque centrale européenne a été déterminante pour nous permettre de convaincre la Commission qu'il fallait distinguer les banques qui faisaient l'objet d'un plan de sauvegarde et celles qui faisaient l'objet d'un plan de soutien, et que, entre les deux catégories, des taux d'intérêts et des conditions différentes étaient justifiés.
Dexia relève d'un plan de sauvegarde. Pour ce plan, la Commission a travaillé efficacement et dans des délais très rapides. En revanche, les négociations relatives aux plans de soutien ont été plus longues. Notre plan de soutien aux banques françaises est validé depuis deux jours. Demain, nous allons souscrire à 10,5 milliards d'euros de titres subordonnés émis par les six grandes banques de réseau françaises.
C'est la SPPE qui porte la prise de participation de l'État d'un milliard d'euros dans le capital de Dexia. Dexia était confrontée à la fois à une crise de liquidité et à une crise de solvabilité. Cette crise a conduit les États belge, français et luxembourgeois à décider de participer à la recapitalisation du groupe, de changer sa direction, et de lui accorder une garantie spécifique sur ses émissions. Cependant, cette garantie, de 55 milliards d'euros, ne couvre que les financements des sociétés du « groupe Dexia » : Dexia SA, Dexia Banque Belgique, Dexia Crédit local, Dexia Banque Internationale du Luxembourg. Elle ne concerne pas la société américaine FSA, qui est une filiale de Dexia Holdings.
C'est Financial Security Assurance Inc, filiale à 100 % de FSA Holdings Limited – la holding de tête de FSA –, qui fait l'objet de la cession. Elle détient 420 milliards de dollars d'engagements, dont 310 sur des collectivités locales américaines.
La société qui pose problème est la société de gestion FSA Asset Management - FSAAM – , autre filiale à 100 % de FSA Holdings Limited. En effet, elle détient 17 milliards de placements notamment des dépôts des collectivités locales américaines ; or elle a géré ces dépôts de façon sans doute hasardeuse, puisqu'aujourd'hui la valeur au prix du marché de ces 17 milliards de dollars a été réduite à 11,5 milliards de dollars, une forte partie de ces dépôts ayant été placée en produits de titrisation, notamment en produits hypothécaires.
Le premier objectif des États français, belge et luxembourgeois était, en soutenant Dexia, d'éviter un risque systémique qui, compte tenu des ramifications de l'activité de Dexia, aurait été catastrophique pour le système bancaire européen.
Dans les objectifs fixés à la nouvelle direction figuraient le rétablissement d'une structure de financement appropriée et la réduction des risques auxquels était exposée Dexia, notamment aux États-Unis. Lors de la conférence de presse qui a suivi la nuit de négociation entre les trois États, la seule question qui intéressait les analystes financiers et les journalistes était : qu'advient-il de FSA ?
La réduction des risques du portefeuille international de Dexia, et en particulier la résolution du cas FSA, est déterminante pour le maintien de la viabilité du groupe et sa concentration sur ses métiers de base : la banque de détail et de dépôt en Belgique et au Luxembourg, et le financement des collectivités locales en France et en Belgique.
Dexia est exposée au risque américain par le biais de FSA Inc. et de FSA Asset Management. FSA Inc est essentiellement un rehausseur de crédit. FSAAM en revanche a une activité de gestion d'actifs. Son portefeuille comporte un risque de pertes significatif.
Les actionnaires de Dexia ont donc demandé à la nouvelle direction de céder aussi vite que possible FSA, de façon à réduire une exposition au marché américain qui crée pour elle un risque disproportionné par rapport à son bilan, qui est de 637 milliards d'euros.
La nouvelle direction s'est immédiatement mise en quête d'acquéreurs potentiels. Elle a recueilli quatre offres et est entrée en discussion effective avec Assured Guaranty, un rehausseur de crédit détenu par Wilbur Ross, et qui est en train de prendre une position de forte domination sur ce marché. Aux termes des discussions, Dexia a conclu un accord avec Assured Garanty. Celle-ci reprend, pour 722 millions de dollars, FSA Inc., ainsi que ses 420 milliards d'engagements, dont 310 auprès de collectivités locales américaines, et le risque qui leur est associé compte tenu de l'état de la santé financière de ces collectivités.
En revanche, Assured Garanty a refusé d'inclure FSA Asset Management dans le champ de l'accord, sauf à être payée pour cela.
Par ailleurs, FSA Inc supporte un grand nombre de garanties, notamment sur FSA Asset Management, la totalité de son bilan et de ses contreparties. Ces garanties ne pouvant être débouclées (il faudrait pour cela obtenir l'aval de toutes les contreparties, ce qui est en pratique très difficile), il s'est avéré impossible de vendre FSA Inc. hors FSA AM sans garantir au repreneur que FSA Inc. ne serait jamais appelé au titre de ces garanties de FSA Inc. sur FSA AM. En pratique cela supposait une garantie d'État.
Comment va fonctionner la garantie des États français et belge ? Elle fait l'objet de l'amendement qui vous est proposé et d'une convention qui sera signée avec Dexia et l'État belge. D'abord, pour ce qui est de l'État français, elle s'inscrira à l'intérieur du plafond des 360 milliards d'euros déjà voté. Ensuite, elle est portée ensemble par la Belgique, pour 62 %, et la France, pour 38 %. Elle s'applique aux engagements de Dexia relatifs aux actifs de FSA AM. Elle ne s'applique qu'aux actifs et pas au passif : elle porte au maximum sur le total des actifs de FSA AM, c'est-à-dire les 17 milliards de dollars déjà évoqués. Ce montant initial va progressivement diminuer à mesure que les engagements seront remboursés aux contreparties. Comme l'indique l'amendement, elle est accordée à titre onéreux, et non gratuit. Enfin, elle diminue au fur et à mesure que les actifs sont cédés par Dexia et elle prend fin lorsque le montant des actifs devient inférieur à 4,5 milliards de dollars moins les montants déjà appelés en garantie. Il est par ailleurs convenu qu'en cas de réalisation du sinistre, les 4,5 premiers milliards seront supportés par Dexia ; c'est seulement au-delà de cette somme qu'intervient la contre-garantie des États belge, pour 62 %, et français, pour 38 %.
Enfin, si les États français et belge étaient appelés en garantie, ils recevraient en échange, à concurrence des montants engagés, des actions ou titres de Dexia. La garantie, qui est rémunérée, ouvre donc droit en outre, si elle est exercée, à souscrire en priorité à des actions de Dexia, et donc à monter au capital de la banque ou à des certificats ou des titres participatifs.