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Intervention de Anne Jonquet

Réunion du 12 mai 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Anne Jonquet, responsable de la permanence du barreau de Bobigny :

La permanence du barreau de Seine-Saint-Denis est une permanence téléphonique pour les femmes victimes de violences. Elle est tenue par un groupe d'une soixantaine d'avocats et d'avocates du barreau du département, qui en compte 450. D'une part, une commission organise des formations et des réunions sur ce thème des violences. D'autre part, une convention passée avec l'Ordre des avocats permet à ce groupe d'intervenir auprès des femmes victimes de violences, essentiellement au titre de l'aide juridictionnelle et dès le dépôt de demande de cette aide, aussi bien sur le plan civil que sur le plan pénal. Ainsi, l'harmonie est assurée entre les procédures engagées et la défense des femmes victimes. Nous travaillons également avec l'Observatoire départemental des violences faites aux femmes.

Cette permanence téléphonique opérationnelle depuis maintenant deux ans et ouverte un jour par semaine, est financée par le Conseil départemental de l'accès au droit – CDAD – de Seine-Saint-Denis. Les avocats y donnent des conseils et des orientations à leurs interlocutrices, et leur apportent une écoute particulière. Il ne s'agit donc pas d'une permanence d'accueil proprement dite des femmes victimes de violences. Ce suivi particulier serait très difficile à mettre en place au sein du barreau de la Seine-Saint-Denis, où le secteur aidé, en particulier l'aide juridictionnelle et la commission d'office, est très lourd. En revanche, il existe une permanence du barreau pour les victimes d'infractions pénales afin d'assister celles-ci à l'audience où comparaîtra l'auteur présumé de l'infraction.

En tant que conseillère municipale, j'ai fait partie d'une Délégation aux droits des femmes à Bobigny. Cet engagement militant est à l'origine de mon action au sein du barreau de la Seine-Saint-Denis, où la majorité des femmes victimes de violences sont d'origine étrangère et connaissent, à ce titre, des difficultés culturelles et économiques très importantes.

Dans nos dossiers de divorce et de garde d'enfants, pratiquement une affaire sur deux présente des faits de violences conjugales – qui ne sont d'ailleurs pas quantifiés au travers des statistiques. Le barreau est donc très investi concernant cette problématique.

Si depuis 2005-2006, on observe une nette amélioration en matière de traitement des violences conjugales dans les commissariats, des disparités subsistent cependant entre eux. Les avocats rencontrent des difficultés pour suivre les dossiers du fait de la rotation des fonctionnaires, en fonction de leurs horaires et des jours de repos. En outre, il n'est pas facile de contacter le ou les deux référents du commissariat en la matière – si ce n'est par mail –. S'ils sont effectivement formés à cet effet, ils se révèlent être plutôt des relais des associations que des référents traitant spécifiquement des violences conjugales.

Concernant l'accueil, certains commissariats n'offrent qu'un seul et même endroit pour auteurs et victimes et, surtout, ne permettent aucune confidentialité. Or il est très difficile dans ces conditions pour une femme, surtout si elle est victime de violences depuis de nombreuses années, d'en parler et de porter plainte. À Bobigny, un effort a toutefois été entrepris pour offrir aux femmes un endroit particulier.

Sur le plan professionnel, certains fonctionnaires sont encore très peu formés pour aborder la question des violences. Le simple recours aux mains courantes n'est plus systématique, mais il existe toujours. En outre, même si la femme se présente à plusieurs reprises, les fonctionnaires de police abordent souvent la violence sous l'angle du différend familial, et non de la violence conjugale et familiale. Cette prise en compte globale n'est pas encore réellement acquise dans les commissariats.

Les avocats peinent à obtenir du commissariat des renseignements sur le suivi d'une plainte pour violences conjugales, d'autant, je le répète, qu'ils ont du mal à entrer en contact avec le fonctionnaire qui l'a enregistrée. Entre la comparution immédiate, le rendez-vous judiciaire, l'enquête préliminaire – avec éventuellement une confrontation et une audition –, ce suivi est très variable et il nous est difficile de bien l'expliquer aux victimes, surtout si elles maîtrisent peu la langue française, mais aussi aux associations. Connaître le sort donné à une plainte est donc problématique.

Généralement, après avoir porté plainte au commissariat, la femme rentre chez elle, ce qui est la pire des situations puisqu'elle se retrouve alors face à face avec son conjoint qui a été placé quelques heures en garde à vue. Il faut trouver des solutions à ce grave problème car si de nombreuses femmes craignent de porter plainte, c'est justement par peur de subir des représailles non seulement du conjoint, mais aussi très souvent de la belle-famille en raison du code familial, des traditions, des mariages forcés et autres comportements imposés dans les familles. La réponse policière actuelle est insuffisante.

Si le parquet de la Seine-Saint-Denis est très impliqué dans les violences par l'intermédiaire de notre vice-procureur, M. Poirret, et de nos propres référents violences, des disparités de réaction existent entre les substituts de permanence qui ne peuvent réagir qu'en fonction des informations qui leur sont transmises. S'il y a réquisition judiciaire avec examen aux urgences médico-judiciaires (UMJ) , le certificat médical avec interruption temporaire de travail qui est alors émis est en règle générale prépondérant dans la suite donnée à la plainte par le parquet. Par conséquent, en fonction de la façon dont est rédigé ce certificat et de l'interprétation des faits par le policier chargé du dossier, le parquet va donner une réponse plus ou moins satisfaisante. Nous avons d'ailleurs organisé au sein du barreau une réunion avec le responsable des UMJ de l'Hôpital Jean Verdier pour lui demander de quelle manière étaient reçues les femmes au sein de ces unités et quel était le sens d'une incapacité totale de travail sur le plan médico-légal.

Enfin, si une femme refuse la confrontation dans un commissariat, les policiers ont tendance à en tirer une conclusion contraire à la réalité. Or il est aisément compréhensible qu'une femme sous emprise depuis de longs mois a peur. Cette confrontation n'a donc pas de sens.

En conclusion, les énormes variations de comportement entre les commissariats, mais aussi entre les substituts de permanence et les médecins des UMJ conduisent à un manque de lisibilité. Beaucoup de choses sont donc à revoir dans le traitement des violences conjugales, en particulier au niveau de la police.

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