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Intervention de Serge Portelli

Réunion du 12 mai 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Serge Portelli, vice-président du tribunal de grande instance de Paris :

Je précise d'abord que je ne m'exprime pas au nom du tribunal de grande instance de Paris, dans la mesure où je n'ai pas de mandat particulier pour représenter cette juridiction.

Je me suis associé, dernièrement aux propositions d'élaboration d'une loi-cadre traitant du problème des violences faites aux femmes. Ce faisant, je me suis trouvé en contradiction avec nombre de mes collègues sur la question de la création de juridictions plus ou moins d'exception permettant le regroupement de contentieux autour d'un seul thème, celui des violences conjugales. J'essaie néanmoins de les convaincre.

Il faudra bien trouver des solutions radicalement nouvelles car on ne peut tirer de ce qui a été tenté depuis une vingtaine d'années, qu'un bilan dramatiquement négatif. Les violences continuent d'augmenter, y compris chez les jeunes couples, malgré les campagnes de sensibilisation qui ont été lancées et l'action des associations.

Les dernières lois ont ouvert des possibilités nouvelles, mais fondamentalement rien n'a changé. La voie répressive me semble inutile – en matière de violences comme en d'autres domaines. Elle correspond cependant à une idée reçue qui garde une force incroyable. Le mouvement féministe en a finalement fait son deuil, sans doute grâce au contact entre ce mouvement et les juristes, avocats et magistrats.

Je suis profondément convaincu que la voie pénale est un pis-aller que l'on ne doit utiliser qu'en dernière extrémité. Non seulement la peine n'apporte rien sur le plan individuel mais, surtout, elle a un effet de repoussoir sur les femmes qui seraient susceptibles de déposer plainte ou du moins de signaler leur situation. C'est ce phénomène qui doit constituer le point de départ de notre discussion et des solutions qu'on pourrait esquisser dans l'avenir. On n'a pas suffisamment idée de la crainte que suscite l'appareil policier ou judiciaire dans la population. S'adresser au commissariat ou à la gendarmerie est l'issue d'un long processus, très aléatoire, réservé à une partie infime de la population. Ce n'est d'ailleurs pas toujours le bon choix et nous n'avons pas forcément à le favoriser.

Il faut donc impérativement innover en créant des structures qui n'aient pas ce caractère judiciaire ou policier, sans en être totalement coupées. Cela ne s'inscrit pas obligatoirement dans ce que la loi-cadre propose – en termes d'accompagnement, d'éducation et de sensibilisation – mais pourrait en être un complément.

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