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Intervention de Jean-Paul Bacquet

Réunion du 8 octobre 2008 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Bacquet, rapporteur :

Peu après la disparition de l'Union soviétique, en 1991, l'Europe a mis en place une politique de coopération et de partenariat à destination des pays de la Communauté des Etats indépendants, en adoptant des lignes de négociation en 1992. Cette politique a abouti à la conclusion, avec ces Etats, de plusieurs accords-cadres, baptisés accords de partenariat et de coopération.

En Asie centrale, trois de ces accords sont entrés en vigueur en 1999. Ces traités concernent le Kazakhstan, la République kirghize et l'Ouzbékistan. Sur les cinq ex-Républiques soviétiques d'Asie centrale, seules deux ne sont pas encore liées à l'Europe par un accord de partenariat et de coopération entré en application, le Turkménistan et le Tadjikistan.

Dans le cas du Turkménistan, un accord a été signé en 1998, mais le processus de ratification a été retardé par l'opposition rencontrée au sein du Parlement européen.

L'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et le Tadjikistan, quant à lui, n'a été signé que le 11 octobre 2004. Un tel retard s'explique par l'histoire, particulièrement agitée, de la naissance de la République du Tadjikistan.

Proclamée le 9 septembre 1991, l'indépendance du Tadjikistan a donné lieu à une exacerbation des tensions, déjà en germe entre les différentes mouvances politiques du pays. Dès 1992, l'aggravation de la guerre civile pousse la Russie à intervenir.

Après plus de cent mille morts, et un million de réfugiés, un accord de cessez-le-feu est finalement conclu, en 1997, entre le président Emomali Rakhmon, élu avec plus de 95 % des voix , et les forces d'opposition. Laissant le temps aux nouvelles institutions de se mettre en place, les négociations entre les Communautés européennes et le Tadjikistan ont commencé en 2003.

La conclusion d'un accord de partenariat et de coopération avec le Tadjikistan doit permettre à l'Europe de renforcer son rôle dans ce pays. A l'heure actuelle, alors même que le Tadjikistan a reçu environ 60 millions d'euros, entre 2002 et 2006, au titre du programme TACIS, la Commission européenne ne dispose que d'un simple bureau et n'a pas encore de représentation.

Or, le Tadjikistan n'est pas dénué d'importance stratégique. Il est proche d'une zone de conflits potentiels, aux confins Nord du Pakistan et de l'Inde, et à l'Est de l'Afghanistan. Le territoire du Tadjikistan se retrouve ainsi au coeur de nombreux trafics, notamment de drogue. Il est également décrit comme un maillon faible dans la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, du fait de la faiblesse du contrôle exercé sur les infrastructures et les exportations de produits sensibles.

L'accord du 11 octobre 2004 reprend les grandes lignes des accords de partenariat et de coopération déjà en vigueur. Il soumet la coopération entre l'Europe et le Tadjikistan au respect des principes démocratiques, à la promotion des droits de l'homme et de l'Etat de droit.

Le principal objectif de l'accord reste le renforcement du dialogue politique. Les relations entre les Communautés européennes et le Tadjikistan se voient désormais organisées de manière plus claire, dans le cadre d'un Conseil de coopération, au niveau ministériel, et de diverses rencontres de hauts fonctionnaires et d'experts. Une commission parlementaire de coopération est également prévue. Elle réunira des membres du Parlement tadjik et des membres du Parlement européen.

L'accord prévoit de favoriser les échanges commerciaux, et l'établissement de sociétés européennes au Tadjikistan. Ces stipulations sont assorties de réserves relatives à la protection des producteurs locaux et à l'application des dispositions d'ordre public.

Enfin, les Communautés européennes s'engagent à fournir une assistance technique au Tadjikistan, passant par l'échange d'informations et la formation de personnels tadjiks, sur plusieurs sujets. Une coopération est ainsi prévue en matière législative, afin de rendre le droit tadjik compatible avec l'acquis communautaire. Des actions doivent également être menées dans le domaine de la démocratie, des droits de l'homme, mais aussi en matière culturelle.

Les Communautés européennes promettent également de contribuer à la modernisation de l'économie tadjike, sur des points aussi divers que l'agriculture, l'industrie, la production de statistiques économiques fiables ou la mise en place d'un système de protection sociale.

A l'heure actuelle, plus de la moitié des Etats membres de l'Union européenne ont procédé à la ratification de l'accord de partenariat et de coopération, et le Tadjikistan a envoyé ses instruments de ratification fin 2005.

Toutefois, au titre de l'article 101 de l'accord de partenariat et de coopération, un accord intérimaire a été signé, également le 11 octobre 2004, et a permis l'entrée en vigueur de certaines dispositions de l'accord principal. La ratification de ce dernier a donc lieu alors que certaines de ses stipulations sont déjà en vigueur.

Au-delà de cette particularité juridique, la ratification de l'accord d'octobre 2004 entre l'Europe et le Tadjikistan intervient dans un contexte particulier. En effet, l'Union européenne a adopté, en octobre 2007, une nouvelle approche stratégique pour l'Asie centrale, intitulée « Stratégie pour un nouveau partenariat ». Ce document insiste sur la dimension politique de l'influence communautaire dans la région, en promouvant notamment de nouvelles initiatives pour la démocratie, les droits de l'homme et l'Etat de droit.

Parmi les instruments à la disposition des Communautés pour mener leur action, la nouvelle stratégie rappelle la création d'un instrument de coopération au développement, au titre duquel, sur la période 2007-2013, plus de 700 millions d'euros devraient être alloués à l'Asie centrale, soit environ trois fois plus que le volume versé dans le cadre du programme TACIS, entre 2002 et 2006.

Le renforcement des moyens de l'Europe en Asie centrale s'appuie sur les instruments de négociation déjà existant, parmi lesquels les accords de partenariat et de coopération figurent en première place. Dès lors, l'entrée en vigueur pleine et entière d'un accord de ce type avec le Tadjikistan favoriserait la mise en oeuvre d'une nouvelle stratégie européenne.

S'agissant des relations bilatérales entre la France et le Tadjikistan, celles-ci sont excellentes. Les ministres de la défense et des affaires étrangères s'y déplacent régulièrement. Le président tadjik, pour sa part, a effectué deux voyages en France. Par ailleurs, le Tadjikistan abrite, depuis 2001, un détachement de notre armée de l'air, afin de soutenir les troupes déployées en Afghanistan. Deux avions Transall y stationnent en permanence, accompagnés de 150 hommes environ. Entre 2002 et 2007, des avions de combat Mirage et Rafale ont également utilisé des infrastructures situées au Tadjikistan, avant d'être redéployés à Kandahar.

Pourtant, malgré ces liens très étroits, l'influence française au Tadjikistan reste limitée sur le plan économique. Seulement trois entreprises françaises possèdent des bureaux de représentation dans ce pays. Seul un projet d'ampleur, l'agrandissement de l'aéroport de la capitale, a donné lieu à un partenariat entre des entreprises françaises et l'Etat tadjik.

L'accord de partenariat et de coopération avec le Tadjikistan, qui fait l'objet du présent projet de loi, permet de renforcer la place de l'Europe et de la France dans une région stratégique.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1102).

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