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Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 8 octobre 2008 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort, rapporteure :

L'avenant à la convention fiscale France-Qatar de 1990 présente essentiellement un caractère technique. Il convient néanmoins que nous l'examinions car il a été signé avec l'un de nos plus importants partenaires dans le Golfe persique.

L'origine de la convention fiscale France-Qatar remonte au milieu des années 80, quand la France a entrepris de signer des conventions de ce type avec les pays membres du Conseil de coopération des Etats du Golfe, afin d'accompagner le développement des échanges commerciaux et des investissements directs avec les Etats de cette région. Des accords ont ainsi été signés avec l'Arabie saoudite, le Koweït, le Sultanat d'Oman et la fédération des Emirats Arabes Unis.

La convention fiscale avec le Qatar a été signée le 4 décembre 1990 et a été ratifiée par le Parlement par la loi du 31 décembre 1991. Elle a été précisée par un accord du 12 janvier 1993, sous forme d'échange de lettres, ratifié par le Parlement par la loi du 25 avril 1994. Le champ de la convention portait sur l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés, l'impôt de solidarité sur la fortune et l'impôt sur les successions. Pour le Qatar, il s'agissait en 1990 de l'impôt sur les sociétés, seul impôt qui existait dans cet Etat.

L'entrée en vigueur de cette convention a été suspendue peu après sa ratification. Les dispositions de l'article 17 concernant l'impôt sur la fortune étaient apparues comme potentiellement susceptibles d'entraîner une évasion fiscale. Par leur imprécision, elles auraient pu permettre à des Qataris vivant en France de constituer des placements de fin d'année, puis de les liquider rapidement pour remplir, brièvement, les conditions d'exonération de l'impôt sur la fortune. L'échange de lettres du 12 janvier 1993 a précisé les conditions d'exonération en imposant un minimum de permanence des investissements, et permis l'application de la convention du 4 décembre 1990.

Les autorités qataries ont à plusieurs reprises souhaité obtenir une modernisation de la convention fiscale liant les deux Etats, destinée notamment à l'aligner sur les dispositions contenues dans la convention liant la France et le Koweït.

Compte tenu de la qualité des relations bilatérales entre la France et le Qatar, le principe des négociations a été accepté par la France. Les négociations ont été difficiles car la France exigeait des dispositions en matière d'échange d'informations et de levée du secret bancaire que le Qatar a initialement refusées, avant de les accepter.

Je viens d'évoquer la qualité des relations politiques entre la France et le Qatar. Elle n'est évidemment pas l'objet du présent rapport, il convient juste de noter que l'avenant que notre commission examine a été signé avec un Etat avec lequel nos liens sont très forts. Cette relation privilégiée s'explique par le souhait des Qataris de diversifier leurs alliances et leurs partenariats, de ne pas dépendre exclusivement des Etats-Unis, mais également par les liens personnels qu'avaient tissés l'ancien Président de la République M. Jacques Chirac avec le Cheikh Hamad bin Khalifa Al Thani (9 visites officielles au Qatar sous son mandat). M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, a renforcé ce climat d'amitié et de confiance. Il s'est rendu en visite officielle à Doha les 14 et 15 janvier 2008, accompagné par cinq membres du Gouvernement.

Outre d'étroites relations commerciales, la France et le Qatar entretiennent une coopération politique, militaire, policière et culturelle. La France et le Qatar sont en phase sur de nombreux dossiers internationaux et partagent une vision commune sur l'avenir du Moyen-Orient. Le Qatar a également joué un rôle discret, mais sans doute décisif, dans les négociations qui ont conduit à la libération des infirmières bulgares emprisonnées en Libye. Les échanges commerciaux sont également très soutenus. Vous en trouverez les détails dans le rapport que je vous soumets. Pour résumer, les échanges bilatéraux entre la France et le Qatar reposent essentiellement sur le secteur gazier. Nos achats de gaz sont qualifiés de « spot » car ils ne font pas l'objet de contrats à terme. Nos ventes se situent surtout dans les domaines des biens d'équipement et de l'aéronautique. Notre commerce extérieur est excédentaire avec ce pays

En ce qui concerne les investissements directs, le montant des investissements français au Qatar à la fin de 2008 sera sans doute supérieur à 500 millions d'euros. Le montant des investissements qataris en France en 2006 s'élevait à 245 millions d'euros. Les acquisitions effectuées dans le domaine de l'immobilier notamment par le fonds souverain qatari QIA depuis 2006 (centre Kléber) et par Qatari Diar (Cegelec) laissent présager une très forte augmentation du stock des investissements qataris en France à la fin de 2008.

Une quarantaine d'entreprises françaises sont implantées au Qatar. Elles sont à l'origine de la présence d'une importante communauté d'expatriés, dépassant les 2000 personnes. Le nombre de citoyens comme d'entreprises qataris présents en France est sensiblement plus réduit, sans doute autour d'une centaine de personnes.

J'en arrive à l'avenant qui nous est soumis, qui comprend 13 articles, d'importance variable. Je ne décrirai que les articles les plus importants.

L'article 3, qui vise à éviter la double imposition sur les dividendes, souhaite mettre fin à des pratiques de sociétés relais permettant d'échapper à toute imposition. Il s'agit d'exclure du bénéfice de la convention les sociétés écran qui s'interposent entre le débiteur des revenus passifs et le bénéficiaire réel des sommes.

Les articles 4 et 5 visent, comme l'article 3, à éviter les doubles impositions des revenus de créances et des redevances, à condition que le résident de l'autre Etat en soit le bénéficiaire effectif.

L'article 6 modifie l'article 13 de la convention de 1990 précitée sur l'imposition des employés de navires ou d'aéronefs, en prévoyant que ces derniers seront imposables dans l'Etat où le siège de direction effective de l'entreprise est situé.

L'article 8 complète l'article 17 de la convention de 1990 précitée, relatif à l'imposition sur la fortune, dont le paragraphe 5 prévoit que les biens situés hors de France, appartenant à un citoyen du Qatar résidant en France sans avoir la nationalité française, n'entrent pas dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour les cinq années suivant l'année civile au cours de laquelle ce citoyen du Qatar est devenu résident en France. L'avenant à la convention couvre le cas où un citoyen du Qatar cesse d'être résident en France pendant au moins trois ans, avant de le redevenir. Ses biens, à nouveau, n'entrent pas dans l'assiette de l'ISF au cours des cinq années suivant l'année civile au cours de laquelle il redevient résident en France. L'exigence d'une durée minimale de trois ans pour cesser d'être résident en France permet d'éviter un mécanisme de soustraction abusif à l'ISF. Déjà introduites dans des conventions conclues par la France avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Koweït, ces dispositions ont été reprises à l'article 121 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie et ne concernent qu'un nombre limité de citoyens qataris.

L'article 10, demandé par la France lors de la négociation, est relatif à l'échange d'informations entre les administrations des deux pays et prévoit sous condition un mécanisme de levée du secret bancaire. Il s'agit évidemment d'éviter que la convention fiscale offre un mécanisme d'évasion fiscale.

L'article 12 modifie le paragraphe 6 de l'accord sous forme d'échange de lettres de 1993 et étend le bénéfice des exonérations de plus-values immobilières aux gains provenant de l'aliénation d'actions, parts ou droits dans une société dont l'actif est constitué pour plus de 80 % de biens immobiliers, quel que soit le lieu de situation de l'immeuble cédé par l'un des Etats ou l'une de ses entités publiques.

Telles sont les grandes lignes de cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Qatar, que notre pays a négocié avec beaucoup de précautions. L'avenant apporte quelques adaptations techniques nécessaires à l'évolution de nos relations économiques avec ce pays et renforce la lutte contre une fraude éventuelle. Je vous recommande en conséquence de bien vouloir l'adopter.

Conformément aux conclusions de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi (n° 1059).

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