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Intervention de Geneviève Colot

Réunion du 8 octobre 2008 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeneviève Colot, rapporteure :

Notre commission est saisie du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Albanie, d'autre part.

Cet accord, signé le 12 juin 2006 à Luxembourg, conclut un processus politique visant à stabiliser l'Albanie et à préparer l'adhésion de cet Etat à l'Union européenne. Ce processus a commencé lors d'une réunion du Conseil « Affaires générales et Relations extérieures » du 21 juillet 2002, qui avait autorisé la Commission européenne à ouvrir des négociations avec ce pays.

Le présent accord de stabilisation et d'association constitue un élément de l'action européenne au profit de l'ensemble des pays des Balkans occidentaux. L'objectif est d'encourager les réformes institutionnelles et économiques dans ces pays afin de préparer leur adhésion. Plusieurs instruments, parmi lesquels l'aide financière communautaire, les accords de stabilisation et d'association ou les accords de partenariat doivent accompagner leur modernisation. A ce jour, l'Albanie (2006) et la Serbie (2008) ont signé les accords de stabilisation et d'association, tandis que la Croatie et la Macédoine ont conclu depuis 2004 un accord de partenariat, qui leur confère le statut de pays candidats.

Au-delà de l'aspect technique et souvent complexe, de tels accords, l'enjeu, pour l'Union européenne, est de ramener définitivement la paix dans une région ravagée par plusieurs guerres civiles à la suite de l'éclatement de l'ex Yougoslavie. Il n'est nul besoin de rappeler que des actes de barbarie (épuration ethnique, génocide, utilisation du viol comme arme de terreur…) ont été commis au coeur de l'Europe, et que la plupart des pays des Balkans qui ont été en guerre n'ont pas encore rétabli entre eux des relations normales. Dans ce contexte difficile, la perspective de l'adhésion à l'Union européenne constitue pour les populations une perspective d'avenir.

L'Albanie est pour sa part dans une situation différente. Elle n'a heureusement pas souffert des guerres civiles qui ont traversé les Balkans, mais 40 années de régime autoritaire ont laissé le pays exsangue. L'économie était délabrée à la mort d'Enver Hoxha, le pays souffrait d'isolement politique et de nombreux Albanais vivaient sous le seuil de pauvreté. La reprise des relations avec l'Union européenne, puis désormais la perspective à moyen ou long terme d'une adhésion ont redonné espoir à l'ensemble de la société. L'Albanie demeure le pays le plus pauvre d'Europe, mais elle bénéficie du soutien de l'Union européenne pour se réformer et aborder une nouvelle phase de son histoire.

La politique de stabilisation et d'association avec l'Albanie fait l'objet d'un consensus général au sein de l'Union européenne. 21 Etats membres, ainsi que l'Albanie, ont déjà ratifié le présent accord. La plupart des pays de l'UE, également membres de l'OTAN, ont participé ou participent aux opérations de rétablissement de la paix et de reconstruction civile en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et au Kosovo. L'arrimage de l'Albanie à l'Europe ne souffre d'aucune contestation dans son principe et l'ensemble des partis politiques considère que ce processus est une priorité pour leur pays. Seuls demeurent des problèmes techniques.

Les négociations ont en revanche duré près de quatre ans, malgré ce consensus en raison de la relative inertie de l'Albanie à mettre en oeuvre les réformes nécessaires en matière d'Etat de droit et de lutte contre la corruption et la criminalité organisée. Le Gouvernement nommé à la suite des élections de 2005 a donné la véritable impulsion à la mise en oeuvre des réformes, permettant la signature en juin 2006 de l'accord qui nous est soumis.

Le Conseil européen a rappelé à plusieurs reprises que l'Albanie se voyait offrir de véritables perspectives d'adhésion, à la condition de satisfaire aux critères exigés par l'Union européenne et de résoudre certains problèmes propres à la société albanaise. L'Europe se montre particulièrement attentive à la corruption et à l'existence de puissantes mafias se livrant à des trafics d'être humains. L'ouverture sur l'Europe peut en effet permettre aux membres des mafias albanaises de circuler plus facilement, et leur facilite l'accès à des investissements leur permettant de blanchir l'argent issu de trafics illégaux. La prostitution constitue également une forte préoccupation, car elle touche des femmes vulnérables, généralement peu éduquées, qui s'y adonnent pour nourrir leurs enfants. De l'aveu même des autorités albanaises, la prostitution a considérablement augmenté dans le pays, au point d'être désormais considérée comme un phénomène socialement dangereux.

Le gouvernement du Premier ministre M. Sali Berisha s'est attaché à mettre en oeuvre, avec un certain succès et un volontarisme affiché, un programme de lutte contre la corruption, le crime organisé et les trafics mais il lui reste beaucoup à faire en ce domaine.

Je vous renvoie à mon rapport quant au contexte économique dans lequel s'inscrit l'accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie. Pour résumer, le rapprochement de l'Albanie avec l'Europe a déjà généré une forte augmentation des volumes d'échanges comme des investissements directs, en provenance d'Italie et de Grèce, principalement. L'agriculture albanaise est néanmoins très en retard dans ses techniques de production, et l'industrie se limite le plus souvent à l'extraction minière et à la sous-traitance de produits textiles.

J'en arrive aux grandes lignes de l'accord de stabilisation et d'association.

Comme je l'ai indiqué, cet accord a pour principal objectif de renforcer le dialogue politique entre l'Union européenne et l'Albanie. Il porte notamment sur le respect des principes démocratiques, des Droits de l'Homme et de l'économie de marché qui fondent ce dialogue.

Il a par ailleurs pour objet d'opérer un rapprochement de la législation albanaise de celle de l'Union européenne dans la majeure partie des grands domaines de l'acquis communautaire : libre circulation des marchandises, constitution progressive d'une zone de libre échange, libre circulation des travailleurs, des capitaux et libre prestation de services, justice et affaires intérieures.

En janvier 2006, le Conseil européen a adopté un nouvel outil de partenariat pour l'Albanie, qui identifie les priorités à court et moyen termes que ce pays doit mettre en oeuvre. En juillet 2006, l'Albanie a adopté un plan d'action national pour appliquer les recommandations du Partenariat européen. Les progrès réalisés sont soutenus par la Commission européenne.

Entre 2001 et 2007, le programme CARDS (assistance à la reconstruction, au développement et à la stabilisation) a été le principal instrument financier mis en place par l'UE pour l'Albanie, au même titre que les autres pays de la région. Initialement centré sur la reconstruction, ce programme a substantiellement évolué par la suite, et se focalise dorénavant sur le renforcement des structures administratives, la justice et la protection des libertés.

A compter de janvier 2007, le Programme IPA (Instrument de pré-adhésion) a remplacé le programme CARDS. Ce programme s'articule autour de cinq volets, mais l'Albanie n'est éligible qu'aux deux premiers d'entre eux : Aide à la transition et au renforcement des institutions et Coopération transfrontalière avec les Etats membres de l'Union européenne ainsi qu'avec les autres pays bénéficiaires de l'IPA.

Au titre de l'IPA pour 2007, l'Albanie a bénéficié d'une aide de 61 millions d'euros. Dans la programmation 2008-2010 qui vient d'être approuvée par la Commission, l'Albanie bénéficierait d'une enveloppe globale de 245,1 millions d'euros, dont 214,7 millions d'euros au titre du premier volet et 30,4 millions d'euros au titre du second volet.

La mise en place de l'accord intérimaire entre l'Albanie et l'Union européenne a eu pour conséquence, en toute logique, une réduction sensible des droits de douane perçus par l'Albanie sur les importations. Dans le budget de l'Etat pour 2007, les recettes douanières ont enregistré une réduction importante de 4,1 milliards de leks, soit 33,2 millions d'euros. Mais cette perte en recettes a été largement compensée par une hausse parallèle des autres recettes fiscales, résultant d'une meilleure collecte.

L'Albanie attend énormément de l'accord d'association et de stabilisation pour la mise à niveau de ses infrastructures de transports terrestres, notamment routières. Le Gouvernement vient de signer un mémorandum d'entente avec ses voisins, afin de faciliter l'intégration des pays du Sud Est de l'Europe, entre eux et avec les Etats de l'Union européenne en développant les infrastructures de transport.

En définitive, l'accord de stabilisation et d'association avec l'Albanie constitue une étape importante pour la stabilisation et la modernisation des Balkans occidentaux, et bien évidemment pour ce pays, qui a un besoin urgent d'investissements. Les problèmes liés à l'intégration de l'Albanie (criminalité organisée, manque d'infrastructures) sont clairement identifiés et le Gouvernement albanais, soutenu par la Commission européenne, s'emploie à les résoudre. Je vous propose, pour cette raison, que l'Assemblée nationale autorise la ratification de cet accord, comme l'a fait le Sénat, afin d'apporter un soutien clair à un pays qui est le plus pauvre d'Europe et avec lequel nous entretenons des relations d'amitié de longue date.

Je ne l'ai pas évoqué, car ce n'est pas l'objet de mon travail aujourd'hui, mais l'Albanie est une terre francophile et largement francophone, qui attend beaucoup de la France. En ratifiant cet accord, nous enverrons un signal fort d'amitié et de confiance à ce pays, mais il faudra l'accompagner par une véritable politique d'investissements de nos entreprises, car l'Albanie recèle de fortes potentialités, notamment dans le domaine touristique.

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