En effet, le rapport annuel sera remis au Parlement fin juin et sera détaillé. En tout état de cause, la commission de surveillance a été particulièrement attentive à ce que le pilotage de la Caisse des Dépôts réponde aux objectifs de sécurité et couvre les engagements pris sans la priver de toute marge de manoeuvre. Autant il était nécessaire qu'elle mobilise dans l'urgence ses liquidités, autant il ne fallait pas exposer l'institution dans la durée. Tel a été notre souci constant.
Premier constat : la crise a mis en évidence que les politiques suivies n'ont exposé la Caisse des Dépôts ni aux subprimes, ni aux produits de titrisation, ni, a fortiori, à des escroqueries. Les systèmes de sécurité entourant les choix d'investissement et la prise de risque ont parfaitement fonctionné ; ils ont même été validés. La stratégie d'investissement à long terme s'est révélée payante puisqu'elle s'est traduite par une moindre sensibilité à la crise.
Cela étant, la Caisse des Dépôts est tout de même affectée puisque, depuis une dizaine d'années, elle est un acteur présent aux côtés des entreprises, notamment sur les marchés actions de la place de Paris avec un portefeuille qui atteignait une vingtaine de milliards d'euros avant la crise. La chute des cours ne pouvait que se ressentir, d'autant que l'institution a appliqué strictement les normes IFRS et Bâle II, sans utiliser aucun des aménagements prévus pour les établissements de crédit. La constitution de provisions pour dépréciations s'est traduite par un résultat négatif de 1,5 milliard d'euros, qui peut être considéré comme relativement satisfaisant quand il est rapporté aux portefeuilles. La ligne de conduite adoptée prouve qu'il n'y a pas eu de prise de risque inconsidéré, ni de défaillance dans la gestion.
Deuxième constat : les filiales se sont particulièrement bien comportées. Toutes les filiales opérationnelles sont bénéficiaires et le résultat opérationnel qui, paradoxalement, est le 2ème meilleur enregistré par la caisse des Dépôts hors plus-values exceptionnelles. Il provient à 57 % des filiales, la CNP restant la source principale. C'est le signe de la robustesse du modèle économique et de la sécurité du modèle d'investissement.
Troisième constat : les marges de manoeuvre se sont réduites au niveau des fonds d'épargne parce qu'ils ont été mobilisés à un niveau jamais atteint dans des conditions de sécurité respectées. Ils ont tout d'abord été partiellement réorientés puisque 16,5 milliards d'euros collectés au titre du Livret A, du LDD et du Livret d'épargne populaire ont été redéployés vers les établissements bancaires. Nous devrons veiller à ce que les emplois correspondants respectent les règles fixées par la loi de modernisation de l'économie : les crédits distribués devront bien aller aux PME et aux économies d'énergie. À défaut, les fonds devront être recentralisés à la Caisse des Dépôts, s'ils ne le sont déjà. Les fonds d'épargne ont aussi été mobilisés pour renforcer les actions d'OSÉO, financer les infrastructures et le programme exceptionnel de logement social ainsi que le rachat de programmes de vente en état futur d'achèvement – VEFA –. La réactivité des fonds d'épargne doit être soulignée. La Caisse des Dépôts a ainsi prouvé sa réactivité lorsqu'il a fallu consentir une avance de 5 milliards d'euros à la Société de financement de l'économie française, qui l'a remboursée le 19 décembre dernier, et en plaçant la plus grande partie de l'enveloppe de 5 milliards d'euros ouverte au bénéfice des collectivités. Au-delà de ses engagements immédiats, les engagements hors bilan pour l'avenir au titre du fonds de cohésion sociale, de la politique de renouvellement urbain et du logement social réduisent les marges de manoeuvre. Maintenir la liquidité des fonds d'épargne devient une de nos préoccupations dans la durée. Le maintien d'un niveau de liquidité important est assuré par la loi de modernisation de l'économie, mais, pour préserver la souplesse de gestion, l'État doit être cohérent et drainer des liquidités vers les fonds d'épargne ; d'où l'importance des débats sur le retour des liquidités non utilisées par les banques et sur le taux de centralisation qui ne devrait pas tomber au-dessous de 70 %. La commission de surveillance a joué son rôle en exprimant ses réticences sur le projet de décret de centralisation des fonds d'épargne auprès du Premier ministre, qui en a d'ailleurs tenu compte.
S'agissant de la section générale, les marchés actions ne permettront plus de dégager des plus-values significatives, ce qui constitue une autre source de rigidité même si la pertinence des placements n'est pas en cause : avec 500 millions d'euros, le niveau des dividendes encaissés reste très significatif.
De plus, la création du Fonds stratégique d'investissement a mobilisé 10 milliards d'euros de ressources : 3 milliards d'euros de cash et 7 milliards d'euros par apport de titres. C'est encore un facteur de « rigidification » des capacités d'action de la section générale. Nous avons obtenu qu'aucune filiale opérationnelle, à commencer par la CNP, ainsi que nous en sommes convenus avec le chef de l'État, ne soit apportée au FSI, compte tenu de leur contribution non seulement au résultat, mais aussi de leur complémentarité par rapport aux fonctions régaliennes de la Caisse des Dépôts en assurant une culture concurrentielle.
La direction générale a pris des mesures pour éviter les effets de yoyo sur le financement des missions d'intérêt général, qui sont une obligation de la loi.
Tous ces facteurs font que la Commission de surveillance doit avoir une vision claire des capacités d'intervention à venir. Le directeur général a engagé un travail de prospective qui lui sera présenté prochainement. Les données sont simples : la Caisse des Dépôts se trouve désormais dans une situation de normalité, après une période exceptionnelle où elle a pu disposer d'abondantes ressources tirées de la cession des actifs des caisses d'épargne et de la hausse continue et forte des marchés actions. Cette banalisation, en quelque sorte, implique une grande sélectivité dans les choix d'investissement et une discussion des nouvelles priorités au-delà des quatre retenues dans le plan stratégique Elan 2020 arrêtées en décembre 2007, lesquelles correspondent parfaitement aux axes dévoilés dans le discours de Toulon du Président de la République : le logement, l'économie de la connaissance, le développement durable et les entreprises.
Bien que la rigidification accrue des emplois doive se traduire par une sélectivité renforcée, la Caisse des Dépôts garde une capacité d'investir et elle devra discuter avec l'État de ses rapports financiers avec lui. Les règles auxquelles ils obéissent aujourd'hui ont été établies au fil d'échanges de lettres entre le directeur général, le directeur du Trésor ou le ministre de l'économie et des finances, et sur la base d'éléments de jurisprudence du Conseil constitutionnel à l'occasion des saisines sur les lois de finances.
Ce cadre gagnerait à être précisé. Jusqu'à cette année, le résultat, après la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés, se répartissait en trois parts égales entre la consolidation des fonds propres, le dividende, et un dernier tiers pour le financement des missions d'intérêt général dont le Trésor discute chaque année le périmètre. Les très bonnes années, l'État est toujours tenté de capter un résultat exceptionnel, ce qui emporte le risque de fragiliser une stratégie de long terme. Une clarification est donc souhaitable, d'autant que l'institution est toujours à la merci de demandes de contribution impromptues : il est arrivé que l'ANRU attende 100 millions d'euros supplémentaires de la Caisse des Dépôts sans que le directeur général en ait été informé. Il est donc temps d'écrire complètement les règles des relations financières de la Caisse des Dépôts avec l'État.