Il s'agit d'un rapport très intéressant, et je remercie à mon tour le Rapporteur général pour la valeur pédagogique, sinon pour la pertinence, de sa description des arcanes du bouclier fiscal, dont le caractère d'usine à gaz justifierait à lui seul la suppression.
Ce dispositif pose en réalité une question essentielle : resterons-nous fidèles à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? La réponse négative à cette question est au coeur de la politique du régime. Nous ferions honneur à la politique en prenant le temps de suivre tout cela de près, afin de nous affronter sur des sujets essentiels. Je crains que certains députés de cette majorité, qui cultivent la tradition gaulliste, celle du CNR, ne se sentent pas à l'aise face à ce qui se dessine ; mais un tel débat en vaudra la peine.
Quant à l'application des lois de finances je ne partage pas l'optimisme du Rapporteur général : comment peut-on se contenter d'un taux d'application de 63 % de la loi de finances rectificative pour 2008 ? Je trouve particulièrement inadmissible que six articles ne soient pas appliqués depuis deux ans et demi. Nous savons tous pourquoi : c'est l'effet de l'intense lobbying auxquels se livrent des associations patronales dans les couloirs de Bercy, au mépris du Parlement et de la démocratie elle-même.
En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche, il faut enquêter sur la façon dont Carlos Ghosn – c'est de lui qu'il s'agit, même si le texte de la Commission européenne qui y fait allusion ne le nomme pas – a pu escroquer l'administration fiscale de 25 millions d'euros. Ce montage (la constitution en Suisse d'une entreprise de 200 salariés) destiné à soustraire les revenus de certains salariés de Renault à l'obligation fiscale est contraire à l'esprit de nos lois.
Concernant le bouclier fiscal, nous devons savoir qui sont ces 20 contribuables à moins de 300 euros par mois de revenu. Vous défendez le bouclier fiscal, nous le combattons ; mais il faut au moins en éliminer les anomalies ! Nous voulons bien que nos filets laissent passer le petit fretin qui bénéficie de 500 euros de restitution, pourvu que nous ramenions les gros poissons.
À l'occasion de mon travail sur la fraude fiscale, j'avais pu apprécier, en Grande-Bretagne, comment les patrimoines avaient pu se transmettre au fil des siècles sans être entamés : il avait suffi de ne pas les fiscaliser. Eh bien ! vous êtes en train d'établir un système comparable, au moins en partie. Bientôt, chez nous aussi, ceux qui sont nés avec une cuillère en or dans la bouche en transmettront deux à la génération suivante, sans avoir eu à faire aucun effort pour faire prospérer un patrimoine dont vous leur aurez assuré la conservation sans qu'ils aient besoin de travailler.
Et puis qu'on en finisse avec les fantasmes autour d'exilés fiscaux dont on n'a jamais dressé la liste. Vous êtes-vous au moins demandé pourquoi quelques grandes fortunes s'étaient exilées sous le gouvernement Juppé et non au moment de la création de l'impôt sur la fortune ? C'est qu'elles ne s'attendaient pas à de telles mesures de la part d'un gouvernement de droite ! En réalité, très peu sont concernés. De plus, il y a toujours eu des « Coblençards », et c'est votre devoir, chers collègues de la majorité, de les stigmatiser publiquement, tout comme les fraudeurs redoutent la publicité de la décision de justice, et craignent bien moins de traiter discrètement avec la direction générale des impôts ou les douanes.
Je finirai en me félicitant de ce que la rectitude intellectuelle du Rapporteur général nous permette une confrontation honnête et un débat objectif, quoique sans concession.