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Intervention de Marie-Grâce Lux

Réunion du 17 février 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Marie-Grâce Lux :

La secrétaire d'État à la solidarité a confié à l'IGAS, l'IGSJ et l'IGA, avec le concours de l'IGPN, une mission tendant à évaluer le plan 2005-2007, à proposer des améliorations pour le second plan et à examiner l'opportunité d'une loi-cadre. Nous avons débuté nos travaux en janvier 2008 et remis notre rapport au mois de juin suivant.

Nous avons travaillé sur les monographies de six départements, retenus sur la base de différents critères dont la taille et le nombre de décès de femmes victimes de violence : Nord, Puy-de-Dôme, Seine Maritime, Rhône, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne. Nous avons également mené une enquête auprès de l'ensemble des tribunaux de grande instance.

Il convient d'abord de replacer le plan dans son contexte historique. Une première enquête épidémiologique, l'enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, avait montré en 2000 l'ampleur du phénomène, estimé à 1,3 million de femmes victimes. Établie sur un échantillon de 7 000 femmes, abordant la fréquence des violences, les facteurs de risque, leur dépistage et leur prise en charge, cette enquête a contribué en grande partie à la prise de conscience du phénomène. En 2004, la charte de l'Égalité a été un deuxième facteur de mobilisation, en invitant les ministères à s'engager sur la parité politique et sociale, l'égalité professionnelle, la citoyenneté, l'articulation des temps de vie et la solidarité internationale.

La première question posée par la mission porte sur la connaissance du phénomène. Il est indéniable que l'outil statistique s'enrichit et se fiabilise, même si les données sont encore partielles. Une première difficulté tient à la rareté des données statistiques sexuées et au fait que les chiffres de l'observatoire national de la délinquance proviennent de l'agrégation de données des services de police, de gendarmerie et de la chancellerie. Si des périmètres différents et une pratique du retraitement manuel contribuent encore aujourd'hui à fausser les statistiques, l'adoption d'une indexation commune des circonstances des infractions aux services de police et de gendarmerie, et à terme, une transmission automatisée des procédures à la justice permettent progressivement de fiabiliser ces données.

Le phénomène de « sous-déclaration » des violences constitue une autre difficulté, qui a conduit la mission à procéder par extrapolation. Seulement 8 % des victimes portent plainte.

L'enquête de l'OND portant sur les années 2005 et 2006, estime à 584 000 le nombre de femmes victimes de violences au sein du couple. Elles sont 700 000 si l'on tient compte des violences exercées par un ancien conjoint.

Entre 2005 et 2007, il semblerait que les violences intrafamiliales subies par les femmes aient progressé plus vite que l'ensemble des violences aux personnes : 24 % contre 16,7 % pour les coups et blessures. Selon l'OND et la délégation aux victimes, 166 femmes sont décédées en 2007, soit une tous les deux jours ou deux jours et demi, contre 137 en 2006. En six ans, les viols conjugaux ont augmenté de 93,3 %.

Le nombre plus important de déclarations expliquerait une part de l'augmentation statistique. Les succès qu'enregistrent les services de police et de gendarmerie dans la lutte contre les violences intraconjugales se traduisent paradoxalement par une dégradation de leurs indicateurs. Lors de la transmission du rapport, nous avons demandé à Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, qu'une appréciation différente soit portée sur cette action et elle a mandaté le secrétaire général du Comité interministériel de prévention de la délinquance, à qui il a été confié une mission sur la lutte contre les violences intrafamiliales. Ce dernier se tient prêt à être auditionné par votre commission.

Les études mesurant l'impact des violences ont produit des résultats d'une grande richesse. Mais en dépit de son caractère très opérationnel, cette documentation reste sous-exploitée. Je pense notamment à une étude conduite par le CRESGE en 2006, qui avait estimé à 1 milliard d'euros le coût économique des violences, ou encore aux travaux préparatoires du plan national « violence et santé », qui proposaient plus de 100 mesures.

La mission a donc formulé un certain nombre de recommandations afin d'améliorer la mesure quantitative et qualitative des violences intraconjugales : développer les logiciels et harmoniser le recueil des données par la police et la gendarmerie ; introduire un indicateur économique du coût des violences pour piloter le plan ; conduire de nouvelles enquêtes de victimisation pour mesurer l'évolution du taux de révélation ; mener des enquêtes sur les déterminants de la violence, comme l'alcool ou la période de grossesse.

La mission s'est également attachée à la question de la prévention et de la lutte contre les violences. Elle a d'abord constaté l'importance de l'arsenal juridique de protection des victimes, même si son application est parfois difficile. Si la loi du 26 mai 2004, qui organise l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal, semble encore trop peu mise en oeuvre, il convient de noter le renforcement de la répression des infractions commises au sein du couple, la qualité de conjoint ou d'ex-conjoint étant devenue une circonstance aggravante. Un ensemble d'outils, de circulaires et de guides méthodologiques accompagne ce dispositif.

La mission a constaté que le recours à la médiation pénale – que MM. Geoffroy et Blisko estimaient encore trop important dans leur rapport sur l'application de la loi du 4 avril 2006 – recule sensiblement.

Le manque de structures, notamment de points d'écoute, nuit à l'application des textes. Il convient cependant de noter la forte implication des procureurs pour lutter contre ces violences : 91 % des procureurs ont donné des directives pénales aux services de police et de gendarmerie pour le traitement des faits de violence au sein du couple, 74 % ont désigné un magistrat référent et organisent des réunions sur ce thème.

La prévention s'organise cependant de façon dispersée et son évaluation reste lacunaire. Ainsi, les initiatives des collectivités locales – acteurs fondamentaux – ne sont pas valorisées dans le plan. À l'école, les actions sont nombreuses mais leur mise en oeuvre relève de la responsabilité des établissements et les outils sont insuffisamment mutualisés. En revanche, l'impact des campagnes d'information, bien que difficile à mesurer, est réel : elles sont en général suivies d'une recrudescence des déclarations.

Sur le plan judiciaire, la mission préconise une harmonisation des pratiques et une meilleure circulation de l'information entre les magistrats du siège et du parquet. Elle recommande également de modéliser l'usage de la médiation pénale, de mieux protéger la femme lors de la sortie de prison de l'auteur des violences et d'accroître le nombre de lieux d'exercice du droit de visite. Il conviendrait par ailleurs d'intensifier les actions de la prévention en milieu scolaire, en invitant plus généralement les enfants à réfléchir à la notion de respect mutuel, et d'engager une campagne grand public.

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