Pas personnellement, mais d'autres l'ont fait, comme Bernard Kouchner, qui a une vue assez réaliste de la situation. La question est aussi de savoir quel peut-être le poids de la France en Afghanistan, en particulier face aux Américains. Le 22 septembre, nous avons indiqué à Bernard Kouchner que notre plus-value ne consistait peut-être pas à nous aligner, mais à adopter une approche plus pertinente, plus intelligente et plus efficace. Il s'agit de faire la différence dans le sens de la paix, afin de ne pas la perdre – pour nous et pour les Afghans.
Si l'intérêt porté aux populations n'est qu'une technique militaire anti-insurrectionnelle, cela ne suffira pas. Il faut désarmer les combattants talibans en parlant avec eux et en imaginant peut-être à Kaboul une représentation qui les intègre jusqu'à un certain point, qui est à négocier, tout comme par exemple l'accès des filles aux écoles. Je précise à ce propos que, dans des zones considérées aujourd'hui comme contrôlées par les talibans, j'ai réalisé des programmes dans le cadre desquels les petites filles allaient à l'école, mais la question avait été discutée dans le village et décidée avec les responsables tribaux et les familles, et non pas imposée par le pouvoir central et accompagnée de manuels incompréhensibles. Quand l'Etat tient un discours inaudible dans les campagnes, c'est un grand échec et la population a l'impression qu'on va lui imposer quelque chose qu'elle ne veut pas.