, a indiqué que, comme chaque année depuis 2003, à l'exception, du fait des échéances électorales, de l'année dernière, la Mission s'est intéressée, de manière sélective, à certains aspects de l'application de la LOLF, pleinement entrée en vigueur en 2006. Pour son cinquième rapport, la Mission a retenu, d'une part, le thème de l'application de la loi organique dans les services déconcentrés de l'État autour d'une question centrale : la plus grande liberté de gestion promise aux responsables locaux est-elle véritablement au rendez-vous ? et, d'autre part, le thème des opérateurs de l'État, notion non prévue en tant que telle dans la LOLF, mais permettant de regrouper sous un vocable unique les différentes entités distinctes de l'État – essentiellement des établissements publics – qui participent aux politiques publiques.
En matière de gestion budgétaire déconcentrée, la Mission a constaté que la révolution de la LOLF n'avait pas – pas encore ? – eu lieu. La Mission a entendu exercer son « droit de suite » sur cette thématique qu'elle avait déjà explorée dans son précédent rapport, qui s'appuyait sur l'analyse des premiers mois de la gestion 2006 en « mode LOLF ». Pour mesurer le chemin parcouru, la Mission est retournée dans certaines régions visitées en 2006 – Champagne-Ardenne, Centre et Île-de-France –, afin d'entendre les services des préfectures de région et de département, les directions régionales des services déconcentrés et les autorités chargées du contrôle financier.
Il en ressort, tout d'abord, une amélioration du cadre général de la gestion budgétaire locale :
– la cartographie des budgets opérationnels de programme – BOP – a été simplifiée. Mais il faut aller encore plus loin, en supprimant des BOP centraux ;
– le calendrier d'élaboration et de validation des BOP a été accéléré : pour les gestionnaires locaux, les crédits sont donc disponibles plus tôt dans l'année. Des disparités importantes demeurent néanmoins ;
– la prise en compte de la dimension territoriale des politiques publiques a progressé, grâce à la meilleure valorisation du rôle du préfet de région sur les BOP « à enjeux » ;
– le contrôle financier a effectivement été allégé. Mais il faudrait encore progresser dans l'allègement, en rapprochant davantage contrôleurs financiers et ordonnateurs déconcentrés.
Toutefois, la liberté de gestion promise aux responsables locaux est encore loin d'être au rendez-vous. Le sentiment est donné d'une appropriation par les échelons centraux – ministères et responsables de programme – des souplesses de gestion offertes par la LOLF :
– au-delà de l'amélioration de son calendrier, le dialogue de gestion n'est pas nécessairement satisfaisant dans son contenu, soit que le responsable de programme ne s'y investisse pas, soit que les points de vue des gestionnaires locaux et de l'échelon préfectoral soient négligés ;
– le fléchage de crédits déconcentrés par le niveau central ne se dément pas. La délégation fractionnée des crédits en cours d'année vient également limiter les marges de manoeuvre des gestionnaires locaux. Il faut mettre fin à ces pratiques contraires à la LOLF ;
– la fongibilité asymétrique n'est guère utilisée et parfois pas même utilisable. La gestion pluriannuelle des dépenses de l'État sur la période 2009-2011 devra être mise à profit pour responsabiliser davantage les gestionnaires et leur permettre de reporter d'une année sur l'autre sur les économies qu'ils ont pu réaliser grâce à une gestion plus « tendue » de la masse salariale. La Mission a pu constater une attente très forte des gestionnaires locaux sur les effets bénéfiques de la pluriannualité budgétaire : il ne faut pas les décevoir. Au-delà, il faut progresser vers un meilleur décompte des emplois publics et vers une déconcentration « managériale » de la gestion des ressources humaines – GRH. Cette dernière question est en effet l'un des grands points faibles de la gestion locale ;
– si la liberté de gestion des responsables de BOP rencontre des obstacles, c'est également faute d'outils de pilotage adaptés. Il convient donc, d'une part, de renforcer le contrôle de gestion, par exemple en lui conférant une place élevée dans la hiérarchie administrative et suffisamment proche du responsable de programme et, d'autre part, de mettre au point des systèmes d'information à la fois simples d'utilisation et permettant réellement d'exploiter les potentialités de la LOLF. Les attentes relatives à l'application Chorus sont également très fortes ;
– enfin, le volet « performance » de la gestion publique n'a toujours pas l'importance qui devrait être la sienne. Au plan local, il est davantage perçu comme une charge de travail supplémentaire qu'un outil de gestion nouveau. Or, la performance doit devenir un outil de management dans les services déconcentrés : il faut adapter les indicateurs au niveau opérationnel et comparer leurs résultats d'une région à l'autre. Les rapporteurs spéciaux de la commission des Finances devraient d'ailleurs davantage s'intéresser aux modalités de déclinaison des dispositifs de performance « sur le terrain ».
Quant aux opérateurs de l'État, M. Michel Bouvard, Rapporteur, a indiqué que ces derniers forment un ensemble très hétérogène sur le plan des statuts : établissements publics, groupements d'intérêt public, associations,…
Depuis le projet de loi de finances 2007, une annexe générale « jaune » sur les opérateurs de l'État accompagne le projet de loi de finances. Elle présente une liste des opérateurs, les flux financiers dont ils bénéficient ainsi que les emplois qu'ils rémunèrent. Le projet de loi de finances pour 2008 identifie 649 organismes – c'est beaucoup – répondant à la définition d'opérateurs de l'État, dont 485 opérateurs principaux qui font l'objet d'un développement spécifique dans les projets et rapports annuels de performances.
La création des « agences », sur le modèle anglo-saxon ou scandinave, est en soi un vecteur intéressant de modernisation de la gestion de l'État. D'un coté, les opérateurs de l'État ont été créés pour donner la souplesse de gestion nécessaire à la mise en oeuvre de certaines politiques publiques, notamment dans la gestion des moyens financiers et des ressources humaines. D'un autre côté, leur multiplication et les conditions d'exerce de leur tutelle par les services de l'État laissent craindre des dérives en matière budgétaire.
Le rapport de septembre 2005 de MM. Alain Lambert et Didier Migaud avait fixé trois critères pour qualifier un organisme d'opérateur de l'État : activité de service public, financement majoritaire et contrôle direct de l'État. L'évolution du nombre des opérateurs de l'État n'est pas facile à suivre car l'application même des critères de définition des opérateurs est encore hésitante. Ces dernières années ont cependant vu se créer un grand nombre d'opérateurs, par exemple l'Agence nationale de rénovation urbaine – ANRU –, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances – ACSÉ –ou l'Agence nationale des titres sécurisé… Le ministère de la Culture dispose de 80 opérateurs – ce qui est sans doute beaucoup trop – et a même théorisé cette situation en parlant de « déconcentration fonctionnelle ».
On peut craindre que les ministères n'utilisent les opérateurs pour contourner les objectifs du Gouvernement en matière de finances publiques.
De nombreux opérateurs disposent de taxes affectées. Selon l'annexe « jaune » sur les opérateurs de 2008, les taxes affectées aux seuls opérateurs principaux sont prévues à un montant total de 7,9 milliards d'euros. Il est dommage que cette annexe ne comptabilise pas pour l'ensemble des opérateurs le montant total des taxes affectées. D'un autre côté, l'annexe annuelle au projet de loi de finances sur « L'évaluation des voies et moyens » recense le « produit des impôts affectés à des personnes morales autres que l'État », mais ne distingue pas les opérateurs des organismes sociaux et des collectivités territoriales. Une plus grande transparence vis-à-vis du Parlement sur le produit de l'ensemble de ces taxes affectées aux opérateurs permettrait de contrôler que leur augmentation ne devienne pas un moyen de contourner la norme de dépense de l'État.
S'agissant des effectifs, le rapport de la Cour des comptes sur les résultats et la gestion budgétaire de l'État de 2007 parle « d'un contexte caractérisé par le transfert massif d'effectifs de l'État vers les opérateurs ». L'annexe « jaune » de 2008 sur la fonction publique précise que : « depuis 1994, les effectifs des EPA ont progressé de 46,7 % alors que ceux des ministères n'ont augmenté que de 4,5 %. (…) Ils ont contribué pour 38 % à la croissance des effectifs de la fonction publique d'État. »
La même annexe comptabilise un total d'« environ » 239 636 emplois, alors qu'ils étaient 237 089 en 2007. Le solde global des emplois entre 2007 et 2008 est donc de + 2 547 ETPT. Ce décompte des effectifs des opérateurs manque de fiabilité : une partie seulement des opérateurs utilise la méthodologie commune en ETPT ; en outre le calendrier d'élaboration des décomptes sur les effectifs prévus et définitifs des opérateurs est postérieur aux lois de finances initiale et de règlement.
L'article 64 de la loi de finances pour 2008 dispose qu'« à compter du 1er janvier 2009, le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État est fixé chaque année par la loi de finances. » La circulaire de la direction du Budget du 25 avril 2008 effectue une distinction entre effectifs pérennes et temporaires, ainsi qu'entre effectifs financés sur dotations budgétaires et sur ressources propres. La mise en application de cette circulaire devra être surveillée pour qu'elle n'aboutisse à soustraire des plafonds d'emplois la plus grande partie des effectifs pérennes financés sur ressources propres.
Les opérateurs ont la possibilité de s'endetter et ne s'en privent pas. La dette maastrichtienne totale des organismes divers d'administration centrale – ODAC – était de 97,4 milliards d'euros fin 2007. Si cet endettement est consolidé dans la dette publique au sens du Traité de Maastricht, il ne fait pas l'objet d'une information suffisante au Parlement. En outre une réflexion devrait être conduite sur la définition de règles générales encadrant le recours à l'emprunt des opérateurs.
Le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle – MEC – de la commission des Finances présenté en juin 2008 par MM. Yves Deniaud et Jean-Louis Dumont rappelait qu'une part importante du patrimoine domanial est cantonnée auprès des opérateurs de l'État. La direction générale des Finances publiques – DGFiP –, en charge du recensement et de l'évaluation, estime que les opérateurs contrôlent presque autant de biens immobiliers – 23 000 – que l'État – 30 000.
La Cour des comptes, dans son rapport sur la certification des comptes de l'exercice 2007, a maintenu sa une réserve substantielle sur les comptes des opérateurs.
La logique de la LOLF impliquerait que l'on applique aux opérateurs de l'État le même type de stratégie de performance que pour ses services.
Le pilotage des opérateurs est limité. Avec la mise en oeuvre de la LOLF, le pilotage des opérateurs a vocation à se développer et à compléter l'exercice traditionnel de la tutelle. Il devrait entraîner une rénovation de la tutelle, qui deviendrait moins tatillonne et plus stratégique. Force est de constater que, pour les programmes où le poids des opérateurs est important, les marges de manoeuvre des responsables de programme sont fortement limitées – crédits, effectifs, stratégie…. Au-delà de la tutelle métier, ces derniers doivent encore trouver leur positionnement par rapport aux directeurs des affaires financières dans l'exercice de la tutelle financière. Dans les nombreux cas où les opérateurs dépendent de plusieurs ministères, – par exemple le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles – CNASEA –, la tutelle multiple s'en trouve souvent compliquée et affaiblie et comporte des risques de contradiction et de dilution des responsabilités. Le lien des opérateurs avec les services déconcentrés de l'État reste encore à parfaire. Il en est ainsi pour la politique de la ville, où les préfets peinent à trouver des marges de manoeuvre face à l'ANRU ou l'ACSÉ.
Le pilotage des opérateurs passe par un outil incontournable, le contrat d'objectifs et de moyens, qui n'est pasgénéralisé loin s'en faut – par exemple à l'Opéra national de Paris ou dans les offices agricoles. Ces contrats peuvent être perçus par les tutelles comme porteurs de risques de rigidification de la dépense sans contreparties suffisantes. Ils devraient lier les engagements du programme de rattachement – allocation de moyens– à ceux de l'opérateur – résultats obtenus dans le cadre de la stratégie de performance. Les universités constituent un des rares cas de contractualisation aboutie avec des contrats quadriennaux assortis d'un dispositif d'évaluation et de présentation de résultats.
L'intégration des opérateurs dans la stratégie de performance des missions et programmes est encore embryonnaire. Les opérateurs sont encore trop peu ou pas du tout associés à la procédure budgétaire. Le dialogue de gestion entre les opérateurs et leurs tutelles devrait permettre aux opérateurs de participer à la stratégie de performance du ou des programmes de rattachement ; en contrepartie, il devrait faire apparaître la contribution des opérateurs aux objectifs des politiques publiques.
Enfin la qualité des documents comptables et budgétaires, tels que transmis au Parlement dans les projets et rapports annuels de performances, est perfectible.