Je tiens d'abord à remercier le ministre pour son exposé dont la clarté nous permet de bien saisir les enjeux d'un projet de loi destiné à bouleverser le cadre législatif et réglementaire des paris, jeux d'argent et de hasard, qui n'a quasiment pas changé depuis le XIXe siècle. J'insisterai pour ma part sur trois points du projet de loi, essentiels à mes yeux et pour lesquels je vous proposerai un certain nombre d'amendements de nature à améliorer encore la qualité de celui-ci.
La protection du joueur, du parieur et de la société est la raison d'être du projet de loi. En effet, l'activité de paris, jeux d'argent et de hasard est suffisamment ancienne pour que ses risques individuels et sociaux soient désormais bien connus : addiction, mise en danger des mineurs, blanchiment, fraude fiscale, criminalité organisée, entre autres. Pour des raisons tenant à la santé publique et à l'ordre public, l'activité des jeux est et doit rester sous le strict contrôle de l'État.
Le projet de loi se présente donc comme une libéralisation contrôlée du secteur des jeux et paris en ligne dans notre pays via, notamment, la mise en place d'une procédure d'agrément par une autorité administrative indépendante : l'ARJEL. C'est un point fondamental. Les opérateurs de jeux et paris en ligne qui souhaiteront exercer leur activité en France devront en effet satisfaire à un cahier des charges très rigoureux, contenant une série d'obligations strictes en matière de contrôle des mineurs, de surveillance de l'activité de jeu, de lutte contre le blanchiment et l'addiction au jeu, de tenue de comptabilité.
Le respect de ces obligations sera assuré par cette autorité administrative indépendante, disposant de larges pouvoirs de contrôle et d'investigation mais aussi de sanctions, celles-ci pouvant aller jusqu'au retrait de l'agrément.
Enfin, l'INPES disposera de ressources supplémentaires, à hauteur de 5 millions d'euros, afin de lutter contre l'addiction au jeu par des actions d'information, de dépistage et de prise en charge. Peut-être, monsieur le ministre, faudrait-il augmenter ses ressources afin, notamment, de renforcer le rôle des centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie – CSAPA –, en matière d'accompagnement des joueurs vulnérables.
La lutte contre les sites illégaux est le deuxième point sur lequel je souhaiterais insister et le corollaire du premier. Les opérateurs agréés de jeux et paris en ligne seront soumis à des fortes contraintes et à une fiscalité pouvant être considérée comme désavantageuse par rapport à celle en vigueur dans certains pays européens. Il est donc essentiel, pour la viabilité même de l'offre légale de jeux et paris en ligne, que celle-ci soit le mieux possible protégée contre la concurrence déloyale des opérateurs qui auront choisi l'illégalité et qui, de fait, ne supporteront pas les mêmes contraintes. La persistance d'une offre illégale aisément accessible par les joueurs français ruinerait la rentabilité de l'offre légale et, par là même, l'ambition du présent projet de loi d'une ouverture régulée du secteur des jeux et paris en ligne.
C'est pourquoi j'estime nécessaire d'améliorer les mesures proposées dans le projet de loi en matière de lutte contre les sites illégaux en faisant de l'ARJEL l'acteur principal de celle-ci. Je vous proposerai donc plusieurs amendements permettant notamment à l'ARJEL de demander elle-même aux fournisseurs d'accès à l'Internet le blocage de l'accès à ces sites illégaux et aux banques le blocage des mouvements de fonds en provenance ou à destination de ceux-ci.
Alors que le projet de loi HADOPI 2 est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, je tiens à préciser que c'est l'accès aux sites illégaux et seulement lui qui sera bloqué. Il ne s'agira ni de couper l'accès à Internet de nos concitoyens, ni de collecter leurs adresses IP, ni de restreindre leur liberté constitutionnelle de communication et d'expression.
Enfin, lutter contre les sites illégaux et assurer la viabilité de l'offre légale de jeux et paris passent aussi par le renforcement de l'attractivité de celle-ci, mise à mal par une fiscalité parfois mal adaptée. Je pense en particulier au poker en ligne qui, en raison de son modèle économique, ne pourra pas se développer si le niveau de taxation actuel des mises est maintenu. L'expérience italienne enseigne qu'une telle taxation conduit à l'asphyxie de l'offre légale de poker en ligne. Nous devons en tirer les leçons. À ce propos, je tiens à remercier M. Daniel Fasquelle, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour son amendement qui permet d'ouvrir le débat en proposant une solution à ce problème.
Troisième point : il faut être conscient que l'ouverture à la concurrence du secteur des paris sportifs et hippiques constitue à la fois une opportunité et une menace pour le mouvement sportif et la filière hippique. C'est une opportunité parce que le mouvement sportif et la filière hippique bénéficieront de nouvelles ressources découlant de l'accroissement des sommes misées sur les paris hippiques et sportifs. Cependant, si le retour prévu pour la filière hippique, soit 8 % des sommes misées sur les paris hippiques, lui sera particulièrement favorable, il n'en est pas de même pour le mouvement sportif. C'est pourquoi je vous proposerai que le Centre national pour le développement du sport – CNDS –, bénéficie plus largement du développement des paris sportifs via l'augmentation progressive de 1 à 1,8 % du taux du prélèvement qui lui est affecté.
Mais l'ouverture à la concurrence constitue également une menace, l'accroissement des enjeux financiers sur le sport portant en lui des risques accrus de tricherie et de fraude. C'est pourquoi l'article 52 du projet de loi constitue à mes yeux un élément essentiel de la régulation des jeux et paris en ligne. En reconnaissant aux organisateurs de manifestations et de compétitions sportives un droit de propriété sur l'utilisation commerciale des éléments caractéristiques de celles-ci et en obligeant les opérateurs de paris sportifs en ligne à contracter avec eux, il leur permet de fixer des règles garantissant l'éthique des paris et, par une juste rémunération, la loyauté des compétitions et manifestations sportives.
Ce droit de propriété doit être mieux encadré, et je vous proposerai un amendement en ce sens. Mais le remettre en cause exposerait la France aux dérives que connaissent les pays anglo-saxons en matière de paris sportifs, où il n'y a aucune limite aux types de paris possibles.
Tels sont les trois points que je souhaitais développer devant vous et sur lesquels je vous proposerai un certain nombre d'amendements.