Au nom des députés socialistes, je m'associe à mon tour à l'hommage qui a été rendu à nos dix soldats morts dans une mission particulièrement difficile et dangereuse, en n'oubliant pas ceux qui sont tombés avant eux depuis le début de notre engagement.
Après les attentats du 11 septembre 2001, un consensus national s'est instauré pour intervenir contre Al-Qaida et contre le régime des talibans qui abritait sur le sol afghan les actions terroristes. Mais cela fait six ans que nous sommes là-bas et, depuis maintenant plus d'un an, nous n'avons cessé de demander une évaluation de l'engagement français. J'ai demandé au président de l'Assemblée nationale la création d'une mission d'information pour mesurer les évolutions stratégiques éventuelles de la coalition, pour savoir si les objectifs étaient atteints ou s'ils pouvaient l'être. Cette mission nous a été refusée. Je le regrette parce que l'actualité nous rappelle à quel point une évaluation est indispensable. Elle doit être le préalable à toute autre décision.
Le 26 avril 2007, entre les deux tours de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy avait annoncé à la télévision qu'il retirerait nos troupes d'Afghanistan s'il était élu, estimant que « la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne semble pas décisive » et il s'était engagé à poursuivre la politique de rapatriement progressive de nos forces entamée par Jacques Chirac, qui avait décidé de leur engagement, quand Lionel Jospin était Premier ministre. Cette position nous paraissait cohérente mais, un an après, le Président Sarkozy a décidé unilatéralement, sans évaluation préalable, de renforcer notre intervention en Afghanistan. Les raisons de notre interpellation sont donc plus fortes que jamais. Messieurs les ministres, vous avez dressé un bilan plutôt embelli de la situation en Afghanistan. L'objectif d'abattre le régime des talibans a été atteint, mais qu'en est-il du reste ? En matière de reconstruction non seulement économique et sociale du pays, mais aussi démocratique et politique, nous sommes loin du compte !
À entendre le ministre des affaires étrangères, je me demande, comme beaucoup de Français, combien de temps notre mission va durer. Quelques mois, cinq ans, dix ans ? Aucune information ne nous a été donnée, et la réponse ne peut nous être fournie sans procéder à un travail de fond. Aujourd'hui, nous avons un bref échange, et je me réjouis que les deux commissions, des affaires étrangères et de la défense, soient réunies comme nous l'avions demandé. Mais il va falloir aller beaucoup plus loin.
Une question en particulier se pose à propos de la logique dans laquelle nous entrons peu à peu, qui est celle de la guerre. Or, monsieur le ministre des affaires étrangères, vous venez de dire que ce n'est pas la nôtre. Ne sommes-nous pourtant pas pris dans une logique de guerre ? N'y a-t-il pas à ce sujet un débat sémantique, au plus haut sommet de l'État, entre ceux qui parlent de guerre et les autres ? Les faits ne parlent-ils pas d'eux-mêmes ? L'engrenage qui s'enclenche ne peut pas permettre d'atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé depuis le début. Le chef d'état-major des armées le dit lui-même. Il y a donc bien matière à débat, à un travail de fond.
Lorsque le Président de la République a décidé unilatéralement d'engager des troupes supplémentaires, nous avions demandé un débat suivi d'un vote. Nous ne l'avons pas obtenu. Il va avoir lieu, mais il aurait été tout à fait possible de l'organiser il y a quelques mois. En tout cas, avant de nous prononcer, nous avons besoin qu'un véritable cahier des charges de la France soit établi avec nos partenaires européens. Nous attendons des réponses à toutes nos questions. C'est pourquoi nous renouvelons notre demande de création d'une mission d'information : désigner deux parlementaires au sein de la commission de la défense pour une mission n'est pas suffisant. Il faut de la transparence.
Je voudrais évoquer un dernier point. Depuis 2001, un événement particulièrement grave est survenu, que nous avons combattu : la guerre en Irak, décidée unilatéralement par les États-Unis. Or il pèse sur notre engagement en Afghanistan. L'alignement sur la stratégie purement militaire des autorités américaines actuelles semble avéré. Nous pensions déjà que la supériorité des moyens ne suffirait pas à vaincre le terrorisme en Irak. La même question ne se pose-t-elle pas, d'une certaine façon, en Afghanistan ? Donnons-nous les moyens d'une évaluation, pour nous éclairer, nous et l'opinion publique.