Je remercie, à mon tour, les deux ministres de s'être rendus disponibles aussi rapidement à l'invitation lancée par le président de l'Assemblée nationale. J'associe l'ensemble des députés membres de la commission des affaires étrangères à l'hommage national qui a été rendu la semaine dernière. Je tiens également à exprimer en leurs noms notre compassion à l'égard des familles et des camarades des soldats disparus.
L'objet de l'audition d'aujourd'hui est double : d'abord comprendre les événements qui ont conduit à la disparition de dix de nos dix soldats la semaine dernière ; ensuite, plus largement, analyser l'évolution de la situation en Afghanistan.
J'ai, pour ma part, cinq sujets de préoccupation et d'interrogation dont je souhaite vous faire part. Les trois premiers concernent le ministre de la défense, les deux suivants le ministre des affaires étrangères.
Premièrement, je souhaite savoir si, après ce qui s'est passé, il existe un nouveau plan de sécurité pour nos forces sur place. Je m'associe, à ce sujet, aux questions posées par le président Teissier, notamment, après les déclarations du général Stollsteiner, laissant entendre qu'il y a peut-être eu un « excès de confiance » dans la façon dont les opérations ont été menées. Cette question me conduit à vous interroger sur le renseignement, en particulier sur le renseignement humain. Le commandement militaire français sur place est-il satisfait des informations recueillies de cette façon ?
Ma deuxième question concerne les forces afghanes. Lorsque je me suis rendu à Kaboul avec François Loncle les 4, 5 et 6 juillet derniers, il nous était apparu urgent de procéder très rapidement à la montée en puissance et au déploiement de l'armée afghane. Celle-ci représente aujourd'hui à peu près 70 000 hommes. Si mes informations sont bonnes, elle devrait en compter 180 000 ou 200 000. Les autorités afghanes elles-mêmes semblaient ne pas comprendre pourquoi le déploiement de leurs soldats n'allait pas plus vite. Comment voyez-vous l'accélération de ce processus qui permettra, à terme, d'envisager le retrait des forces de l'OTAN ?
Ma troisième préoccupation porte sur le fléau absolu que constitue la drogue. Celle-ci, qui représente à peu près le tiers du PNB de l'Afghanistan, procure des ressources très importantes aux talibans et à Al-Qaida, et elle est source de corruption à tous les niveaux de l'État. C'est, d'ailleurs, l'une des raisons de la chute de popularité du gouvernement Karzaï. Considérez-vous que le problème de la drogue a été, jusqu'à présent, correctement traité ? Autant l'éradication de la culture du pavot et le subventionnement de cultures vivrières remplaçant celle-ci doivent être, nous semble-t-il, l'affaire des Afghans eux-mêmes – sous peine, pour l'OTAN, de se mettre à dos toute la population, la drogue étant une ressource très importante pour les paysans–, autant conviendrait-il que la mission de l'OTAN soit étendue, pour permettre notamment le démantèlement des laboratoires de transformation du pavot en opium et en héroïne installés sur le territoire afghan. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet ?
Mes deux autres interrogations s'adressent au ministre des affaires étrangères. La stabilisation du Pakistan est inséparable de la solution du conflit en Afghanistan. Le Pakistan constituant la base arrière des forces talibanes, on peut nourrir aujourd'hui de sérieuses inquiétudes sur l'évolution de la situation : en effet, depuis quelques semaines, les talibans pakistanais contrôlent toute la région du Waziristan et les combats font rage avec l'armée régulière. Il va y avoir un changement de chef d'État. Pouvez-vous nous faire part de votre analyse concernant l'évolution de la situation politique au Pakistan ?
Quelle est enfin la justification de la présence française en Afghanistan ? Les Français ne comprennent pas tous quelles en sont les raisons. La première est, pour reprendre l'expression de M. Jospin en 2002, le combat contre l'obscurantisme. Mais l'obscurantisme existe dans un grand nombre d'autres pays dans le monde sans que nous nous y précipitions pour autant. Ce n'est donc pas une raison suffisante. La seconde raison est la lutte contre le terrorisme international afin d'éviter son exportation éventuelle en Occident. Comment analysez-vous la situation, monsieur le ministre ?