J'ai essayé, dans un premier temps, de voir comment on pouvait traduire la notion de violence psychologique. C'est le résultat de la violence qui est psychologique, l'acte de violence pouvant ne pas être physique ni même direct. Dans tous les cas cités, les interventions étaient ponctuelles alors que, dans le cadre de votre réflexion, il s'agit plus de comportements que d'actes.
Certains d'entre vous ont proposé une extension du harcèlement moral. Ce délit, qui existe déjà en matière de relations de travail, n'a pas suscité un grand enthousiasme sur le plan de la doctrine juridique. L'incrimination était jugée trop floue. Mais on voit au nombre de pourvois contre les décisions rendues en matière de harcèlement moral que cette incrimination se développe et, même si elle n'est pas très précise, nous arrivons, dans la plupart des cas, à admettre les condamnations. Il y a très peu de cassation pour manque d'éléments constitutifs.
À titre personnel, je trouve que les cas qui vous occupent entrent plutôt dans le schéma du harcèlement moral. J'ai connu des affaires devant les juges d'instruction qui, à n'en pas douter, en relevaient. Le code du travail définit le harcèlement moral comme des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité d'un salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Nous connaissons malheureusement des comportements de même nature au sein des familles.
C'est en ce sens qu'il faudrait orienter la réflexion plutôt que de songer à modifier à nouveau les textes sur les violences en y introduisant la notion de violence psychologique. En vous citant les différents arrêts qui en parlent, j'ai voulu vous montrer que cette notion était ambiguë. Les violences sont-elles psychologiques de par leur commission ou leur résultat ? On ne sait pas trop bien quelle est la distinction. En revanche, la notion de harcèlement, même si elle s'est étendue au fil du temps, me paraît plus adaptée aux cas qui vous sont soumis.
Vos autres points d'interrogation m'entraînent sur des terrains sur lesquels je ne me sens pas vocation ou légitimité à discuter, pour autant que j'en avais pour le reste.
Sur le rapprochement de la procédure civile et de la procédure pénale et la création de juridictions spécialisées, je vous donnerai simplement la réaction d'un magistrat ordinaire.
La tendance actuelle est à la spécialisation, dans tous les domaines. J'en viens à me demander quels contentieux seront laissés aux petites juridictions. Si spécialisation signifie dépaysement dans une cour d'appel ou regroupement de cours d'appel, cela entraînera une nouvelle dévitalisation des plus petites juridictions. Or le contentieux familial est un contentieux de proximité. Tout juge aux affaires familiales (JAF), tout juge des enfants est amené à connaître des situations qui sont proches de celles dont s'occupe votre mission.