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Intervention de Jean-Michel Sterdyniak

Réunion du 3 juin 2009 à 16h00
Mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes

Jean-Michel Sterdyniak :

Votre question est intéressante. Quand j'ai parlé pour la première fois de cette enquête à un groupe de médecins de mon service, les réactions n'ont pas toutes été enthousiastes. Des réactions de défense et de rejet se sont manifestées de la part, notamment, de deux de mes collègues femmes qui disaient ne pas comprendre l'intérêt d'une telle étude. Elles considéraient que ce n'était pas un sujet pour nous et, surtout, que ce n'était pas un sujet important. Tout le monde sous-estimait la gravité du phénomène. Mais, après explications, tout le monde a compris l'objet de l'étude.

Les résultats de l'enquête montrent, à notre grande tristesse, que moins de 1 % des victimes de harcèlements sexuels au travail ont déclaré en avoir parlé au médecin du travail. Cela signifie que ce dernier n'est pas vécu comme un interlocuteur sur ce sujet alors qu'il l'est pour le harcèlement moral : des gens viennent de plus en plus souvent nous voir pour nous exposer des souffrances au travail.

Quand j'ai demandé à des femmes qui étaient victimes de harcèlement sexuel pourquoi elles ne m'en avaient jamais parlé, elles m'ont répondu que c'était parce que cela n'avait rien à voir avec le travail. La souffrance et le harcèlement au travail sont considérés comme faisant partie des conditions de travail, identifiés comme les nouvelles pathologies liées aux risques organisationnels. En revanche, le harcèlement sexuel, même quand il se produit au travail, n'a rien à voir, pour les femmes victimes, avec le travail.

Le médecin du travail ayant pour mission d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait du travail, la souffrance au travail, qu'elle soit due à du harcèlement moral ou sexuel, entre dans le champ de ses investigations. Depuis l'enquête, j'ai eu davantage de sollicitations à ce propos. Quand le médecin du travail intervient sur cette question, cela permet souvent d'éviter l'aggravation des situations. Nous sommes habilités à en parler.

L'étude des questionnaires montre un fait qui figure dans le texte mais que je n'ai pas mentionné, à savoir que, quand il y a une agression sexuelle grave dans le travail – viol ou attouchements sexuels –, elle a été précédée par les autres formes de harcèlement. Très souvent, il y a un climat dans l'entreprise qui fait que cela commence par des blagues puis que cela s'aggrave.

Le faible pourcentage de poursuites judiciaires n'est pas propre au viol au travail. Les viols ont toujours fait l'objet d'une sous-déclaration. Ils entraînent chez les femmes un sentiment de honte et de culpabilité qui les stigmatise. Il n'y a pas si longtemps, la femme violée était considérée comme impure et était mise au ban de la société. C'est encore le cas dans certaines sociétés. Le taux de 10 % de plaintes que l'on trouve dans l'enquête représente une augmentation.

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