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Intervention de Christian Bataille

Réunion du 3 février 2009 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Bataille, rapporteur :

Les récentes opérations militaires israéliennes contre le Hamas à Gaza ont été, une nouvelle fois, l'occasion de rappeler la nécessité absolue de respecter le droit humanitaire international, et notamment de garantir aux personnels sanitaires la sécurité indispensable à l'accomplissement de leurs missions.

C'est dans les situations de conflit que l'utilisation d'un emblème signalant les personnes et les biens devant être protégés au titre des conventions de Genève est la plus vitale ; mais les emblèmes de la croix rouge ou du croissant rouge sont aussi quotidiennement utilisés par les sociétés nationales de secours.

Pendant plus d'un siècle, afin d'éviter une prolifération des emblèmes risquant de nuire à leur efficacité, le droit humanitaire international s'est efforcé de faire de la croix rouge sur fond blanc l'emblème de droit commun, le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge n'étant en principe utilisés que dans des cas limités.

Il est néanmoins apparu que la réalité des pratiques et des besoins rendait nécessaire un assouplissement de ces règles, ce à quoi le troisième protocole additionnel aux conventions de Genève adopté le 8 décembre 2005 procède de manière adaptée et satisfaisante.

Je ne vais pas, ici, entrer dans les détails de l'histoire des emblèmes de la croix rouge, que vous trouverez dans mon rapport. L'important est de souligner que, jusqu'à l'entrée en vigueur de ce troisième protocole, seuls trois emblèmes sont reconnus, depuis la convention de Genève de 1929 : la croix rouge, le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge. Ils ont en outre un statut différent : alors que la croix rouge est l'emblème de droit commun, dont l'usage est strictement interdit par tout autre que ceux qui y sont autorisés en application des conventions de Genève, l'usage du croissant rouge et du lion-et-soleil rouge est en principe réservé aux Etats qui les utilisaient avant 1929, c'est-à-dire l'Egypte et la Turquie pour le premier, l'Iran pour le second, ce dernier y ayant provisoirement renoncé depuis 1980 au profit du premier.

Dans les faits, d'autres Etats ont décidé d'utiliser le croissant rouge, tandis que l'obligation pour une société nationale de secours de choisir l'un de ces emblèmes a posé problème : la société de secours israélienne a toujours eu pour emblème le bouclier-de-David rouge, tandis que certaines sociétés nationales, comme celle de l'Erythrée, ont demandé à utiliser une croix et un croissant rouges côte à côte. Par ailleurs, la coexistence de deux emblèmes étroitement liés à deux monothéismes a nui à l'image de neutralité religieuse et politique de l'emblème, et donc à son efficacité.

Un groupe de travail mis en place en 1999 est chargé de proposer une solution définitive à ces difficultés : il suggère dès 2000 la création d'un emblème additionnel, dont le graphisme devra permettre d'y incorporer une croix etou un croissant ou tout autre symbole déjà en usage et communiqué par l'Etat qui souhaite l'utiliser. Le troisième protocole additionnel adopté le 8 décembre 2005 met en oeuvre cette proposition en créant le cristal rouge.

L'emblème est composé d'un cadre rouge, ayant la forme d'un carré posé sur la pointe, sur fond blanc. Cette forme a été choisie à l'issue d'un long processus de réflexion comprenant des tests de visibilité menés par les forces armées suisses. Il est simple, facile à reconnaître à distance, notamment depuis les airs, et dépourvu de toute connotation religieuse, ethnique, raciale, régionale ou politique. Le nom de cristal rouge (« red crystal » en anglais et « cristal rojo » en espagnol) a été choisi dans un second temps, en juin 2006.

Tout comme les autres emblèmes officiels, le cristal rouge peut être utilisé à titre protecteur et à titre indicatif : dans le premier cas, les conditions de son utilisation sont strictement identiques à celles applicables aux autres emblèmes ; dans le second cas, il innove en offrant une possibilité d'incorporation en son centre.

Le Protocole affirme l'égalité de statut de tous les signes distinctifs, cristal rouge compris, utilisés à titre protecteur. Il s'agit d'une évolution du droit conventionnel puisque le croissant rouge et le lion-et-soleil rouge n'étaient auparavant admis qu'à titre d'exception, le signe de la croix rouge étant considéré comme la règle.

Pour ce qui est de l'usage indicatif de l'emblème, les sociétés nationales n'avaient jusqu'ici le choix qu'entre les trois – deux, en pratique – emblèmes officiels : 32 d'entre elles ont choisi celui du croissant rouge, 151 utilisant la croix rouge.

Elles disposeront désormais d'un plus grand nombre de possibilités : non seulement, elles pourront opter pour le cristal rouge, mais aussi, sous certaines conditions, pour l'incorporation d'un symbole en son centre.

Le Protocole permet en effet à une société nationale d'incorporer dans le cristal rouge, à titre indicatif :

– l'un des emblèmes traditionnels (la croix rouge ou le croissant rouge, en fait) ou une combinaison de ces emblèmes ; la société érythréenne pourrait ainsi incorporer au sein du cristal rouge une croix rouge et un croissant rouge, et utiliser ainsi les deux emblèmes, comme elle souhaitait le faire ;

– un autre emblème, à condition qu'il respecte deux conditions cumulatives, l'une de fond, l'autre de forme : il faut d'abord que cet emblème ait été effectivement utilisé par un Etat parti au Protocole de manière régulière pendant une période suffisamment longue ; il faut ensuite qu'il ait fait l'objet, avant l'adoption du Protocole, d'une communication aux autres Etats parties et au CICR. Il s'avère qu'un seul emblème est susceptible de répondre en pratique à ces deux conditions : il s'agit du bouclier rouge de David, que la société nationale israélienne utilise depuis le début des années trente et qui a fait l'objet de la communication requise.

Le Protocole, ouvre même, sous certaines conditions, la possibilité à une société nationale qui aurait décidé l'incorporation d'un ou plusieurs emblèmes à l'intérieur du cristal rouge de faire usage du seul nom et de la représentation de cet ou de ces emblèmes sans les incorporer dans un cristal rouge. L'usage de la dénomination est autorisé sans restriction, tandis que celui de cet ou de ces emblèmes non intégrés au cristal rouge est permis exclusivement sur le territoire national de la société concernée.

Il reviendra aux Etats parties d'assurer la répression des abus d'usage du cristal rouge comme ils le font pour les autres emblèmes. Comme c'est déjà le cas pour le croissant rouge, ils pourront autoriser la poursuite de l'usage de signes identiques ou proches du cristal rouge, à condition que cet usage ne puisse pas apparaître comme conférant, en période de conflit armé, une protection en vertu du droit international humanitaire, c'est-à-dire qu'il ne prête pas à confusion.

Le Protocole introduit ainsi une plus grande flexibilité dans l'usage des emblèmes, qui permet de résoudre les différentes difficultés que le statut quo de 1949 avait entraînées sans ouvrir pour autant la voie à une prolifération incontrôlée des signes indicatifs. Ainsi, depuis l'adoption du Protocole, la société nationale d'Israël, le bouclier-de-David rouge, et le Croissant-Rouge palestinien ont pu devenir membres à part entière du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Le troisième protocole est en vigueur depuis le 14 janvier 2007. 36 Etats y sont aujourd'hui parties et 52 l'ont signé sans l'avoir encore ratifié.

Tout comme le Sénat l'a fait le 8 juillet dernier, je vous recommande l'adoption de présent projet de loi.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission adopte le projet de loi (n° 1036).

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