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Intervention de Martin Briens

Réunion du 3 juin 2009 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Martin Briens, sous-directeur du désarmement et de la non-prolifération nucléaires au ministère des affaires étrangères et européennes :

Il n'y a pas eu inaction envers la Corée du Nord. Toutes les actions possibles ont été menées. Le dialogue, et notamment les pourparlers à six, a produit quelques résultats. Cependant la Corée du Nord n'a jamais semblé prête à prendre des mesures irréversibles. Elle n'a jamais décidé d'engager l'abandon de son programme nucléaire. Ce programme est l'assurance-vie du régime. Celui-ci essaie peut-être aussi de tirer de cet éventuel abandon un prix plus élevé. Des sanctions ont été prises, soit dans le cadre de la résolution des Nations unies, soit de façon unilatérale. Enfin, des opérations sont menées ; des cargaisons de missiles nord-coréens à destination de pays étrangers ont été saisies. Nous disposons de preuves matérielles de l'activité de prolifération externe du régime nord-coréen.

Pourquoi ces actions n'aboutissent-elles pas ? C'est le paradoxe chinois. La Chine est l'Etat qui détient le plus fort levier d'action sur la Corée du Nord. Celle-ci est alimentée en essence par pipeline depuis le territoire chinois. Mais ce levier est trop puissant pour que la Chine prenne le risque de l'utiliser. En coupant le pipeline, elle tuerait le régime nord-coréen. Or, il existe dans la région un accord tacite pour que la Corée du Nord ne s'effondre pas. Alors que le sort du peuple nord-coréen et la nature du régime sont bien connus, chacun – Chine, Etats-Unis, Russie, Corée du Sud, Japon même – craint les conséquences d'un effondrement, en termes de réfugiés, d'économie, de sécurité. Cette peur du chaos, dont le régime joue, empêche d'exercer les pressions qui le feraient céder. L'action, réelle, ne peut aller aussi loin que nécessaire.

L'armée nord-coréenne est extraordinairement nombreuse : deux à trois millions d'hommes en armes. C'est la colonne vertébrale du régime. Le poste le plus important de Kim Jong-Il – qui n'est pas chef de l'Etat – n'est pas celui de secrétaire général du Parti, mais de président de la Commission de la défense nationale ; c'est cette institution qui gouverne la Corée du Nord. Cette armée est cependant différenciée. Les forces spéciales, qui bénéficient de l'essentiel des ressources, sont très développées. En revanche, si la liste des matériels de l'armée conventionnelle régulière est très impressionnante, les pilotes, pour ne parler que d'eux, ne volent que 10 heures par an, sur des MIG hors d'âge. Cette situation explique aussi pourquoi les Coréens du Nord attachent tant d'importance à leurs armes de destruction massive.

Quoique chef de l'armée, Kim Jong-Il doit sans cesse donner des gages à celle-ci, notamment à ses hauts dirigeants. Une révolution de palais peut un jour se produire en Corée du Nord, aboutissant à la chute de Kim Jong-Il et de ses proches.

Entre l'Irak et la Corée du Nord, la différence est grande : l'Irak affirmait ne pas disposer d'armes de destruction massive. La Corée du Nord affirme qu'elle veut s'en équiper !

Quant à la nature de l'essai du 25 mai, les Coréens du Nord ont affirmé avoir procédé à un essai nucléaire. Les Chinois pensent aussi que cet essai est nucléaire. Il présente toutes les caractéristiques d'un essai nucléaire. La seule pièce encore manquante est la confirmation par les radionucléides.

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