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Intervention de Olivier Godard

Réunion du 8 octobre 2008 à 11h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Olivier Godard, directeur de recherche au CNRS :

Pour modifier l'offre énergétique, toutes les techniques ne faisant pas usage du carbone - et par ailleurs sûres - me semblent bonnes. À cet égard, il n'y a pas de raison de frapper le nucléaire d'ostracisme.

Il n'en reste pas moins que la production d'énergie nucléaire ne permet pas de faire tourner une voiture. Ce n'est donc pas la panacée, d'autant qu'il existe des difficultés tenant à la rareté de la ressource première, aux risques encourus et à l'ampleur des investissements nécessaires.

Il faut en outre agir sur la demande : la meilleure énergie est celle que l'on ne consomme pas. Jusqu'à présent, on s'est toujours soucié de satisfaire la demande, comme si c'était un impératif catégorique. Sans limiter la satisfaction des besoins, on peut pourtant rechercher une meilleure efficacité de la consommation. C'est un immense chantier qui doit être traité comme une priorité.

S'agissant de la dimension internationale du problème, vous savez que le jeu international se trouve très vite bloqué : à partir du moment où se forme une coalition d'acteurs souhaitant gérer un bien collectif, l'intérêt des acteurs qui ne participent pas à l'effort commun augmente : les uns supporteront l'ensemble des coûts, tandis que les autres bénéficieront des avantages sans rien payer. Ceux qui ne souhaitent pas participer trouveront facilement des raisons pour rester hors du jeu.

Une idée souvent avancée est qu'il ne faudrait s'engager qu'au rythme où les autres avancent, c'est-à-dire en fonction de la coordination internationale. Or c'est cela qui nous a conduits à l'impasse. Il faut que des pays se portent volontaires pour que quelque chose se produise. Cela étant, il serait un peu court que la France agisse seule : c'est à l'échelle européenne qu'il faut aller de l'avant, quels que soient les résultats de la négociation post Kyoto, ne serait-ce que pour préserver la chance qu'un accord plus large soit conclu plus tard, au vu de l'expérience européenne.

S'il est nécessaire que l'Europe donne l'exemple, ce n'est pas seulement pour des raisons morales, même s'il faut assumer le fait que nous avons produit le CO2 aujourd'hui présent dans l'atmosphère depuis le début de l'ère industrielle ; il s'agit également de montrer à d'autres pays que le changement est possible. C'est sans doute cela qui produira un effet d'adhésion.

Pour y parvenir, il faudra y aller franchement, sans chipoter. La crise financière actuelle montre malheureusement que l'Europe est très douée pour les grandes proclamations, mais beaucoup moins pour porter un grand projet commun. La crédibilité de l'Europe dans les négociations internationales sur le climat reste également à établir.

En matière de fiscalité, il me semble que l'idée d'un « double dividende » a été trop vite rejetée au motif qu'elle serait trop idéaliste. Or, à mes yeux, il n'y a pas deux, mais plutôt six avantages à espérer de l'instauration d'un marché de permis.

Le premier dividende est environnemental : il s'agit de préserver l'environnement en donnant un prix aux émissions de CO2. On peut également attendre de la fiscalité environnementale une plus grande efficacité économique, car le recours au marché favorise la maîtrise des coûts, contrairement à une approche normative.

Dans la mesure où l'on touche à l'ensemble de l'activité économique, on peut en outre dégager une masse financière considérable qui permettra de mener une réforme fiscale très ambitieuse. Il faudra notamment s'interroger sur l'efficacité environnementale de toutes les mesures en vigueur et dégager de nouvelles ressources financières si l'on réduit effectivement la base budgétaire de la TIPP par un « facteur 4 ».

Grâce à la fiscalité environnementale, on pourra également éviter certaines dérives constatées en matière d'aménagement du territoire, notamment l'implantation d'un habitat individuel éloigné des centres et totalement dépendant des véhicules. Il faut anticiper les difficultés des ménages qui seront piégés dans ce type d'habitat quand le choc pétrolier annoncé se produira.

N'oublions pas non plus l'indépendance énergétique de notre pays : l'aspect conflictuel des ressources énergétiques ne fera que s'accentuer. Quand on sait comment la Russie utilise déjà la question du gaz, on peut se douter que tout ne se passera pas dans le calme au Moyen Orient, qui sera le dernier lieu de production pétrolière. La maîtrise de la demande d'énergie sera un facteur stratégique essentiel pour l'indépendance de notre pays.

Enfin, nous ne pourrons jamais faire face au défi environnemental sans mobiliser toutes les ressources de la recherche. Pour cela, nous avons besoin d'une recherche finalisée et bien soutenue, préservée de la « traversée du désert » qui se produit trop souvent quand on cesse de bénéficier d'une aide publique avant d'être porté par un marché. Étant donné que les prix influencent l'orientation du système de recherche, l'intégration du coût du carbone dans les prix, de façon lisible, devrait donner un signal en faveur du développement d'innovations utiles pour faire face aux difficultés environnementales. Il faut peser sur le progrès technique au lieu d'attendre qu'il arrive de l'extérieur. C'est le sixième « dividende ».

Dernier point sur lequel j'aimerais insister, il n'y a pas de développement sans solidarité, c'est-à-dire sans que chaque groupe social ressente qu'on lui demande un effort juste. Pour préserver la justice sociale, la réorientation des modes de vie nécessitera naturellement des mesures d'accompagnement.

Réforme fiscale, politique sociale, politique de l'énergie et indépendance nationale, tout est lié. Il faudra s'occuper de tout cela en même temps.

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