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Intervention de Éric Woerth

Réunion du 7 novembre 2008 à 15h00
Commission élargie

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Les conclusions qui vont dans ce sens ne sont à mon avis pas réalistes. En tout cas, la Monnaie de Paris a les moyens de poursuivre son développement stratégique.

En ce qui concerne les douanes encore, nous avons fermé des implantations : il n'y a plus que 40 recettes comptables, au lieu de 150 il y a peu de temps – les plus petites n'avaient plus aucune justification compte tenu notamment du développement informatique, et des gains productivité ont aussi été dégagés.

J'ai engagé des discussions avec les syndicats des douanes : l'idée n'est pas d'imposer brutalement une carte entièrement nouvelle, mais de laisser vivre le réseau douanier et de procéder au fur et à mesure aux changements nécessaires. La direction générale et les syndicats ne sont plus en froid et les discussions sont reparties d'un bon pied. Quant aux crédits du titre II de la direction générale des douanes, les départs à la retraite ne seront pas remplacés à hauteur de 58 %, contre une moyenne de 36 % ces trois dernières années, pour tenir compte des nombreux investissements qui ont été réalisés, notamment informatiques, et des procédures Schengen. La masse salariale, hors pensions, est stable entre 2007 et 2009 – aux alentours de 800 millions – et diminuera ensuite. La direction a consommé la totalité de ses dotations du titre II en 2007.

Les services communs du laboratoire sont placés sous l'autorité fonctionnelle conjointe du directeur général des douanes et de la DGCCRF. Nous transférons l'ensemble des programmes 119 – DGCCRF – et 302 – DGDDI – vers le programme 218.

J'en viens à la révision générale des politiques publiques, évoquée par M. Muet. La RGPP est comme les sucres lents : elle aura des effets à long terme sur l'administration, dont elle rendra l'organisation plus efficiente, en permettant un regroupement de services et une vision stratégique des administrations centrales, des réseaux ou de la nature du service public. Je suis donc assez optimiste sur les économies qu'elle permettra de réaliser à terme : celles-ci dépasseront de loin le montant de 7 milliards qui avait été avancé dans un premier temps.

Contrairement aux audits, qui relèvent d'une vision ponctuelle, la RGPP n'a pas vocation à s'arrêter. L'ampleur du travail qu'elle représente, auquel s'ajoute d'ailleurs le résultat des différents audits déjà réalisés, est infiniment supérieure. Cette opération est à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face en termes de modernisation de l'État.

Nous avons tous cherché, à gauche comme à droite, à nous atteler à la réforme de l'État : la RGPP est une méthode qui permet de donner corps à ce projet. Mais, comme dans les entreprises ou dans les collectivités, la réforme ne doit jamais s'arrêter, même si le rythme en est plus ou moins soutenu.

Il n'y a donc pas de dévoiement de la réforme de l'État par la RGPP, ni par l'idée que l'aboutissement de cette procédure est aussi la diminution du nombre de fonctionnaires. Ce nombre n'a rien à voir avec les services publics : au Canada, par exemple, les fonctionnaires sont beaucoup moins nombreux qu'en France. Bien sûr, chaque pays a sa propre culture en ce domaine, mais il reste que la masse représentée par la fonction publique dans notre pays est plus importante que chez la plupart de nos voisins. Or, dès lors que l'on a pris la décision de réduire le nombre de fonctionnaires, le meilleur moment pour passer à l'acte est, bien entendu, celui où un grand nombre d'entre eux partent en retraite. Et ce n'est pas, monsieur Derosier, parce que nous vivons une crise d'une ampleur particulière ni parce que l'on assiste à une remontée du chômage que nous devons décider un moratoire sur cette politique. Embaucher un fonctionnaire est un acte très important, dont les conséquences s'étendent sur cinquante ans. Ce n'est donc pas une réponse à apporter à une crise conjoncturelle. Nous devons certes tout faire pour réduire le chômage, mais nous sommes aussi comptables des conséquences futures de nos décisions. Il faut donc continuer à recruter des fonctionnaires – et l'État reste probablement le principal recruteur de ce pays –, mais il faut également saisir l'opportunité que représente le départ à la retraite d'une grande partie d'entre eux pour commencer à faire diminuer les effectifs.

Cette diminution est d'ailleurs très lente, et certains, dans notre majorité, nous le reprochent – même si aucun Gouvernement n'en avait jamais fait autant. En fin d'exercice, on aboutit à une réduction de 1,5, voire de 2 % de l'effectif total : nous sommes donc loin de la dépressurisation brutale. C'est une politique très difficile à organiser, mais ce n'est pas une révolution : le service public reste au coeur des préoccupations de notre pays.

Il est vrai que les opérateurs ne connaissent pas le même ratio de diminution, puisque la réduction de leurs effectifs est plutôt de 0,5 %. Ils devront aller plus loin. Nous avons fixé des plafonds d'emploi que nous ferons respecter. Le problème est que la moyenne d'âge des personnes qui travaillent pour les opérateurs est souvent moins élevée que celle des fonctionnaires centraux. Dès lors, les départs en retraite y sont moins nombreux, et les occasions de réduire les effectifs plus rares. Il n'y a toutefois aucune raison que les opérateurs ne se voient pas appliquer les mêmes règles que l'État.

M. Muet a sans doute raison lorsqu'il juge que des progrès doivent être réalisés sur le plan de la méthode. Mais nous devons sortir de la logique infernale des rapports qui se succèdent et nous inscrire dans une logique de décision. Or, ce faisant, nous nous heurtons à de fortes résistances : les administrations, les ministres et, parfois, les parlementaires, refusent de bouger. Chacun considère que la meilleure réforme concerne des sujets que l'on ne veut pas connaître ou qui intéressent le voisin. Dans un tel contexte, la RGPP permet d'avancer – même si elle n'est sans doute jamais à la hauteur des rêves d'un réformateur en chambre.

À la fin du mois de novembre, je ferai en Conseil des ministres un bilan sur les 300 ou 400 premières mesures prises dans le cadre de la RGPP. En ce moment même, les ministres sont auditionnés par le comité de suivi, qui se réunit à nouveau depuis le mois de septembre. Je peux vous assurer que notre rapport sera sans indulgence.

Bien sûr, quand on met en oeuvre 350 mesures, on peut toujours en modifier ou en abandonner une – la question n'est pas là. Ce n'est pas le diagnostic qui pose problème, mais c'est le remède à apporter. Lorsque les scénarios que vous élaborez balayent tout le spectre du possible, à partir du moment où ils sont rendus publics, plus aucune réforme ne peut être engagée, car la presse retiendra systématiquement la mesure la plus dure ou la plus provocatrice. Ainsi, quand quelqu'un a intérêt à ce qu'une réforme n'ait pas lieu, il lui suffit d'organiser une fuite vers la place publique. Il n'y a alors pas de vrai débat contradictoire : on reste dans le superficiel et le subjectif, et le Gouvernement n'a plus qu'à battre en retraite. Aucune réforme de l'État n'est possible dans de telles conditions – même si, bien sûr, il est nécessaire de respecter une exigence de transparence et de permettre la discussion.

À partir de janvier, lorsque les résultats opérationnels de la première phase seront connus, nous lancerons la deuxième étape. À cette occasion, nous tenterons de mieux exploiter le travail déjà produit et d'explorer des champs d'investigation qui n'ont pas encore été abordés. Nous procéderons sûrement à des changements de méthode. Ainsi, j'aimerais que les parlementaires soient mieux associés à ce travail. Déjà, les rapporteurs spéciaux qui l'ont souhaité ont pu recevoir les équipes d'audit, et les rapports d'expertise, notamment ceux qui portent sur le diagnostic, sont à leur disposition. Il conviendra d'intégrer, pour les sujets qui les concernent, les rapporteurs aux réunions de la RGPP et de consulter les parlementaires intéressés avant la prise de décision.

En ce qui concerne l'évaluation, je vous renvoie à Éric Besson, qui est chargé de cette question au Gouvernement et qui fait partie du comité de suivi.

Je crois vraiment que nous avons trouvé, dans la RGPP, une méthode de réforme spécifiquement française, même si elle s'inspire de l'expérience d'autres pays. Elle peut évidemment être améliorée.

Vous pouvez contester le principe de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux, mais il constitue une bonne base de départ et est très incitatif. Il n'a d'ailleurs rien d'insultant pour les fonctionnaires, bien au contraire. La question des effectifs de la fonction publique – qui n'est pas celle de la qualité des agents – doit se poser dans une démocratie dès lors que la masse salariale dépasse 40 % des coûts de fonctionnement.

Pour répondre à Georges Tron, je rappellerai que l'ENA voit ses effectifs diminuer, même si c'est de façon modeste : quatre postes en 2009, cinq en 2010, six en 2011. Nous sommes en train de réformer la scolarité, d'en diminuer la durée et de la concentrer sur les stages, afin qu'un élève puisse être plus rapidement « livré » à l'administration qui va l'employer. L'objectif est de transformer en fonctionnaire de qualité une personne seulement capable de réussir des concours difficiles – même si certains élèves ont déjà une expérience professionnelle derrière eux. Nous supprimerons donc la plupart des enseignements demeurés académiques pour privilégier les comptes rendus de stage, l'étude de cas, le travail en équipe. Enfin, nous supprimerons le classement de sortie – et je pense qu'il faudra le faire également pour les autres écoles de fonctionnaires.

En ce qui concerne, monsieur Tron, la gestion par l'ENA de son patrimoine immobilier, M. Santini vous a déjà répondu, mais je dois admettre que vous n'avez pas complètement tort.

M. Muet m'a interrogé sur le pilotage politique des projets informatiques.

Cela est très difficile à faire. Un projet comme CHORUS, qui a demandé des milliers d'heures de travail sur des sujets d'une extrême technicité, s'étale sur dix ans, ce qui signifie que quelque cinq ministres auront eu à en connaître. Ce qu'il faut, je crois, c'est élaborer un cahier des charges très précis, bien compris et bien accepté des politiques dès le départ. Si des difficultés apparaissent en cours d'exécution, il faut savoir le réviser en s'entourant des équipes nécessaires. J'ai moi-même dû revoir le pilotage de différents projets. J'ai ainsi été conduit à recevoir, au sujet d'un module précis, les deux présidents d'IBM et d'UNILOG car les deux sociétés ne s'entendaient plus, et il fallait comprendre ce qui se passait pour remettre un peu d'ordre. Peut-être ne suis-je pas assez compétent en ce domaine, mais le pilotage intégral d'un projet informatique me semble très difficile à assurer.

S'agissant des régimes sociaux et de retraites, nous devons non pas 250 millions, mais 238 millions d'euros à la SNCF, et nous allons les lui régler – vous m'aviez posé la même question l'an passé, à laquelle j'avais apporté la même réponse. De la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale, nous avons réglé au 31 décembre 2006 les 5,1 milliards d'euros qui relevaient du régime général. Reste à régler environ 1,5 milliard pour le RSI et la SNCF. Nous allons poursuivre les remboursements cette année, sachant que la dette s'est quelque peu reconstituée en 2008 – j'espère que ce ne sera pas le cas en 2009. Je proposerai dans le prochain projet de loi de finances rectificative de rembourser entre 900 millions et 1 milliard d'euros, en priorité à la SNCF puis, en partie, au RSI.

S'agissant de France Télécom, l'accélération du versement de la soulte à hauteur de 100 millions en 2009 et en 2010 est nécessaire, du fait notamment d'une baisse brutale des cotisations versées par l'entreprise, mais elle ne me semble pas poser de problème particulier.

S'agissant du compte d'affectation spéciale « Pensions », le fonds de roulement est plutôt en diminution. Nous estimons que 200 millions d'euros suffisent. 800 millions était un montant exceptionnel, qui avait été prévu pour couvrir des incertitudes budgétaires et comptables liées au bouleversement du mode de paiement des cotisations. Je vous dirai que, si 800 millions, c'était trop, et 200 millions trop peu, nous avons besoin de 600 millions.

Pour ce qui est des compensations spécifiques entre régimes spéciaux, nous avons pris en compte la situation de tous les régimes, notamment celui de la CNRACL. Il n'y aura aucune incidence ni sur les taux ni sur les cotisations. Le taux de 2008, soit 12 %, sera reconduit en 2009, soit le taux le plus faible depuis la création des compensations spécifiques en 1987.

Sur la gestion du patrimoine immobilier, j'ai trouvé Georges Tron un peu sévère. De gros progrès ont en effet été accomplis. Le Premier ministre va prochainement signer les textes qui mettront un terme au régime de l'affectation par ministère et feront de l'État l'affectataire unique de l'ensemble de son patrimoine. Ce projet n'a pas été facile à mener à bien. Tous les ministères, vous le savez, « s'accrochent » à leurs locaux. La centralisation de la politique immobilière de l'État n'est pas une réforme anodine, mais fondatrice, depuis longtemps préconisée dans de nombreux rapports et très attendue. Parallèlement, nous avons signé des conventions avec les occupants sur des ratios ; nous avons continué d'appliquer des surloyers ; nous avons publié la surface des locaux occupés par l'État ; nous avons établi un schéma pluriannuel de stratégie immobilière. Même si beaucoup reste à faire, nul ne peut nier que beaucoup a été fait. Certes, beaucoup de projets n'ont pu être menés à bien. J'aurais bien aimé à cet instant céder la parole au représentant du ministère de la justice, qui malheureusement vient de partir, mais peut-être pourrez-vous demander à l'entendre.

Nous ne sommes pas d'accord avec tous les ministères, notamment avec la chancellerie. Nous ne voulons pas non plus du projet de tour du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire à La Défense. Nous n'avons pas opposé de veto définitif, mais en l'état, aucune décision n'a été prise. Le ministère estime le coût de réalisation à 500 millions d'euros, vous à 700 millions. Nous n'étions pas d'accord non plus pour que le Louvre récupère une partie du Louvre des antiquaires. Sur ce point, nous n'avons pas été suivis.

Nous sommes très actifs, mais nous ne réussissons pas toujours à imposer nos vues. Des arbitrages sont parfois rendus à un niveau supérieur, qui ne nous sont pas toujours favorables. Nous ne pouvons pas abandonner totalement la retenue sur les cessions, mais nous la faisons diminuer – pas pour tous les ministères. Le cas du ministère de la défense est tout à fait particulier, avec les propositions du Livre blanc, à l'élaboration duquel le ministère des finances a été étroitement associé. On prévoit 1,4 milliard d'euros de cessions immobilières l'an prochain – dont 1 milliard venant de cessions effectuées par le ministère de la défense. Nous serons très vigilants sur ce point, car l'incidence budgétaire de ces opérations est immédiate. Une cellule se réunit chaque semaine avec le ministère de la défense pour examiner les moyens d'atteindre cet objectif, mais force est de reconnaître que la conjoncture immobilière actuelle n'est pas la meilleure pour y parvenir.

Je pense que la politique immobilière de l'État pourra un jour être totalement centralisée et que nous n'aurons plus besoin d'être incitatifs. Mais prenons garde : sans incitation, il faut beaucoup d'autorité. Nous n'en sommes qu'à la signature du décret. Espérons que rien n'interfère pour la retarder. Ensuite, l'application de ce décret ne devra pas être trop brutale, pour éviter de trop vives contestations. Il faut du temps pour changer les mentalités et faire accepter une nouvelle culture : à vouloir trop faire d'un coup, nous prendrions le risque de braquer toutes les administrations, lesquelles peuvent opposer une force d'inertie considérable.

S'agissant de l'entretien, j'en suis d'accord avec vous, 77 millions d'euros en 2009, c'est peu. Il faut faire davantage. D'ailleurs, le projet de loi de programmation prévoit 200 millions à partir de 2010-2011. Je ne répondrai pas opération par opération. Je signalerai seulement qu'à ma connaissance Bernard Kouchner a démenti le projet de réalisation d'un centre de conférences aux Invalides – un centre sera construit sur la parcelle de l'An IV, qui pourra être utilisé à cette fin, si l'on parvient à déplacer les presses de la Monnaie.

Pour ce qui est des opérateurs, je vous l'avais déjà dit l'année dernière, nous souhaitons accélérer le mouvement en matière d'immobilier. Je vous informe que la majorité d'entre eux nous a fait savoir que l'échéance de 2009 ne serait pas respectée. Sur les 200 qui nous ont répondu – 455 ne l'ayant pas fait –, 59 ont indiqué avoir achevé le recensement, 98 être en train de le faire, dont 20 seulement considèrent qu'ils l'auront terminé en 2009, et 37 n'en avoir effectué aucun.

Je souhaite dénoncer les opérateurs qui ne jouent pas le jeu, au nombre desquels on peut citer l'ONF, l'AFPA et Voies navigables de France. Le patrimoine immobilier dont les opérateurs usent appartient à l'État, mais certains refusent de payer un loyer raisonnable, et même de lui communiquer le détail de leur parc immobilier.

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